jeudi 31 juillet 2008

rentrée littéraire 2008 : ce que j'ai envie de lire

quelques titres qui me donnent envie de lire,
en plus de ceux que j'avais déjà notés...

et...
de nouveaux titres seront référencés à la fin du mois d'août au retour du libraire...
c'est ce que dit Bibliosurf...

et vous ?
quels sont les livres qui vous tentent ???
http://bibliosurf.com/spip.php?page=rentreebis2008&tri=popularite


Salim Bachi - Editions Gallimard, 4.09.08 352 pages

Mahomet fut un homme passionné avant d’être le prophète de l’islam. C’est à présent un personnage de roman. Un roman qui se déploie aux alentours de l’an 600 après J.-C., entre La Mecque et Médine, des sables du désert d’Arabie aux abords de Jérusalem.

Nous voyons Mahomet naître, vivre et mourir à travers les confessions de sa première femme, Khadija, de son meilleur ami, le calife Abou Bakr, du fougueux Khalid, le général qui conquit l’Iraq au cours de batailles épiques, et enfin de la jeune Aïcha, devenue son épouse à l’âge de neuf ans. Homme singulier, contesté par les siens au début de sa prédication, Mahomet est un orphelin enrichi par son mariage avec Khadija, bien plus âgée que lui. Marchand et caravanier prospère visité par Dieu à quarante ans, prophète et homme d’État visionnaire à cinquante, amant et conquérant impitoyable, Mahomet ne cesse de fasciner et d’embraser les âmes plus de quatorze siècles après sa mort à Médine sur les genoux d’Aïcha, son dernier amour.

François Bott - Cherche midi, 2008

Connaissez-vous l’adresse du paradis ?
Pour Raymond et Simon, deux écoliers devenus des amis inséparables, le paradis – le jardin des rêves, la cathédrale des chimères, le palace de l’enfance, – c’était le Vel’d’Hiv’, le vélodrome d’Hiver, à l’angle du boulevard de Grenelle et de la rue Nélaton, dans le 15e arrondissement.
Simon, fils d’un médecin juif, et Raymond, fils du concierge du vélodrome, en connaissaient tous les recoins, tous les secrets et toutes les légendes, toutes les mythologies.
Car, dans les insouciantes années 1930, le Vel’d’Hiv’ était le temple du cyclisme sur piste et de la boxe. Les Six Jours et de grandes rencontres pugilistiques s’y déroulaient, sans oublier les meetings du Front populaire.
À l’extérieur de la piste en bois, il y avait les gradins populaires et, à l’intérieur, le restaurant à la mode, où se retrouvaient les people, comme on dit à présent.
D’un côté, le Tout-Paname et, de l’autre, le Tout-Paris, dans lequel des demi-mondaines jetaient aux coureurs des bouquets de violettes.
Le Vel’d’Hiv prouvait que Paris était une fête. « Que fais-tu ce soir ? » demandait-on. Réponse : « Je vais à Grenelle. »

Puis, les 16 et 17 juillet 1942, ce fut la grande rafle.
Complice des nazis, la police française arrêta des milliers de juifs, qui furent rassemblés au vélodrome d’Hiver. Le rendez-vous de toutes les festivités devint le lieu de la tragédie.
L’enfer après le paradis. Raymond aperçut une dernière fois Simon et son père, avant qu’ils ne disparaissent dans la foule, pour être emmenés vers le « Grand Nulle Part ».

Vel’d’Hiv raconte le destin de deux enfants, deux amis, emportés dans la tourmente de l’histoire et séparés l’un de l’autre, alors qu’ils se croyaient inséparables. Un roman servi par une écriture limpide et légère.

Dalia Sofer - JC Lattès, 280 p.

Un jour du mois de septembre 1981, le joaillier Isaac Amin est arrêté par deux gardiens de la Révolution à Téhéran et jeté en prison.
Son seul forfait : être juif dans un pays où le fanatisme musulman ne cesse de croître.
Sa fortune et ses vagues liens avec le régime du shah rendent sa situation encore plus périlleuse. Angoissé par le sort de sa famille dont il n’a aucune nouvelle, il est torturé comme les autres détenus mais s’entête à clamer qu’il n’est pas un espion à la solde d’ Israël.
Isaac est terrassé par la peur, la terreur de l’inconnu et l’idée qu’il ne reverra peut-être jamais sa femme ni ses enfants. Quant à ceux-ci, ils sont dans l’ignorance absolue de ce qu’il lui est arrivé.
Un début littéraire qui a toutes les qualités d’un roman passionnant, Septembre à Shiraz décrit un univers où les personnages, très attachants, s’interrogent sur les questions essentielles de l’identité, de l’aliénation, de l’exil et de l’amour.

Morten Ramsland - Editions Gallimard 448 pages

« Nous, on aimerait vraiment savoir comment il a survécu, pour être franc, on aimerait vachement le savoir. On voudrait savoir comment il s’en est sorti, ce qui explique que moi, le plus jeune, et ma sœur Stinne, l’aînée, nous sommes venus au monde. Mais Grand-Père se referme comme une huître et descend du schnaps. Il refuse de raconter ce que les Allemands lui ont fait."La peste ou le choléra", dit-il à la place. »

Asger Eriksson finira par savoir comment son grand-père Askild a traversé la guerre, et comment il a séduit sa grand-mère Björk, malgré l’opposition des parents de la jeune fille, riches armateurs à Bergen, en Norvège.
Il nous parlera des boîtes de conserve de Björk, remplies de l’air de sa ville natale, dont elle aura besoin une fois loin de chez elle, et des grandes oreilles de son propre père Niels qui lui permettent d’entendre des choses inouïes…
Des années trente à nos jours, son récit embrasse les bonheurs et les malheurs d’une famille comptant plus d’un personnage loufoque en son sein, et entraîne le lecteur dans une saga étourdissante.

Xavier Maumejean - Calmann-Lévy, 2008

Bonnes gens, bienvenue à Dreamland ! Érigé sur l’île de Coney Island au début du xxe siècle, ce parc d’attractions d’un nouveau genre abrite en son sein le plus phénoménal des divertissements : Lilliputia, la Cité des Nains, qui accueille pour votre plus grand bonheur trois cents petites personnes venues du monde entier.
Construite sur le modèle du Nuremberg du xve siècle, mais en réduction, cette exemplaire cité possède un parlement, un théâtre, des bas-fonds et même une compagnie de pompiers qui va jusqu’à déclencher ses propres feux pour divertir les visiteurs du parc !
Venez écouter l’histoire édifiante d’Elcana, ce courageux jeune homme de petite taille conduit depuis son Europe de l’Est natale jusqu’à Lilliputia.
Là, il comprendra bien vite qu’il lui revient de libérer ses semblables de la servitude dans laquelle on les a placés, pour leur « apporter le feu ». Avec l’aide de la monstrueuse parade des Freaks, il mènera la révolte contre son propre Zeus – le mystérieux et richissime démiurge, propriétaire de Dreamland – et conduira Lilliputia jusqu’à l’embrasement final…

Quand la tragédie grecque rencontre la mythologie américaine naissante, celle du Gangs of New York de Scorsese, pour une magistrale réinvention de la figure de Prométhée, c’est un feu d’artifice(s) littéraire d’une hauteur inversement proportionnelle à celle des protagonistes de Lilliputia qui se déploie sous nos yeux. Gentes dames, joyeux messieurs, bienvenue à Dreamland pour le plus grand des minuscules spectacles !

Jean-Joseph Julaud - Cherche midi, 2008

Pendant qu’en avril 1863 une compagnie de la Légion étrangère se dirige vers l’hacienda de Camarón, au Mexique, où elle court au massacre,
une effervescence singulière anime les environs de ce village,
près de Veracruz : à Soledad, un étrange curé accueille dans son église trois guérilleros porteurs d’un cercueil un peu trop lourd pour être honnête ;
à San José de la Montana, une jeune Indienne, cent chefs totonaques, un zouave déserteur et un prêtre boucher déboisent une colline qui pourrait être l’ultime temple du dieu Quetzalcóatl ;
les militaires français tombent comme des mouches sous les assauts du vomito, la fièvre jaune ; les militaires mexicains, témoins désolés de l’équipée du Second Empire sur leurs terres, tentent de limiter la casse...

Tous ces personnages hauts en couleur, attachants ou révoltants, pris dans la spirale burlesque de leurs destins croisés, dans l’étonnant tourbillon de multiples rebondissements, permettent en même temps de rire, de s’émouvoir ou de s’insurger, mais surtout de réfléchir au destin du peuple mexicain, à la culture aztèque détruite par Cortés et, plus généralement, à la réponse que donnent les civilisations au mystère de toute disparition, de toute naissance.

À travers ce roman ébouriffant et singulier, épique et drolatique, la bataille de Camarón, le jeudi 30 avril 1863, s’inscrit dans une histoire qui lui donne un relief surprenant et inattendu.

les montres de Templeton
Lauren Groff - Plon, 2008 444 p.

« Le jour où je revins à Templeton, en pleine disgrâce, le cadavre d’un monstre mesurant près de seize mètres émergea à la surface du lac Glimmerglass. »

Ainsi s’ouvre Les Monstres de Templeton, un roman qui balaie deux siècles d’histoire : celle d’une jeune fille à la recherche de son père, et celle d’un village, ancrée dans l’Amérique profonde, au milieu des légendes et des secrets de famille.
À la suite d’une déconvenue amoureuse, Willie Upton frappe à la porte de la vieille demeure où vit encore sa mère, Vivienne, ancienne hippie devenue baptiste fervente sur le tard…
Au lieu du réconfort qu’elle vient y chercher, Willie trouve un village sens dessus dessous, chamboulé par l’apparition d’un animal démesuré, et découvre un terrible mensonge : son père existe bel et bien, elle n’est pas le fruit hasardeux des amours libres de sa mère, mais bien la fille d’un homme connu et reconnu dans Templeton.

Lancée dans une enquête à rebondissements pour retrouver son père, elle part sur la trace de ses ancêtres et reconstitue la fabuleuse généalogie qui mène à son histoire

Marcello Fois - Seuil, 2008 288 p.

On l’appelait le tigre de l’Ogliastra : Samuele Stocchino fut le plus redoutable bandit sarde du siècle dernier.
Par une nuit de pleine lune, pour un simple verre d’eau refusé alors qu’il rentrait à pied avec son père, son destin fut scellé.

A seize ans, ce fils de paysans s’engage dans l’armée et part lutter d’abord contre les Turcs en Libye, puis contre les Autrichiens pendant la Grande Guerre ; décoré à maintes reprises, il rentre en héros dans son village d’Arzana.
Mais rien n’y fait car, sa mère le sait, il a le cœur en forme de loup, anguleux comme celui des assassins. La guerre lui a enseigné à tuer et lorsqu’il apprend la mort de son frère, son âme de justicier prend le dessus ; mais les dizaines de meurtres qu’il commet ne parviennent pas à assouvir sa soif de vengeance.
Seul l’immense amour que lui porte depuis toujours Mariangela le soulage parfois, adoucissant un peu la violence qui domine toute sa vie.

Autour de ce personnage à la fois historique et légendaire, véritable croquemitaine des enfants sardes, Marcello Fois construit un récit ample et limpide, animé par un formidable sens épique et dans lequel la voix populaire côtoie sans cesse le registre de la tragédie grecque.

Marcello Fois est né à Nuoro (Sardaigne) en 1960 et vit aujourd’hui à Bologne. Dans tous ses romans, traduits en de nombreuses langues, il s’appuie sur la distance pour ajuster son regard sur son île natale.

Anne Delaflotte Mehdevi - Gaïa, 2008 288 p.

Un lundi matin venteux, très tôt, dans un village de Dordogne. Dans son atelier encore fermé, une relieuse se prépare avec délectation à travailler sur les livres qu’on lui a confiés, lorsqu’on frappe à sa porte avec insistance.
Un mystérieux visiteur lui confie un livre ancien pour restauration. Pressé, mal en point, l’homme s’engouffre de nouveau sous la pluie qui bat les pavés. Un visiteur d’une beauté renversante.
La relieuse s’attelle avec d’autant plus d’ardeur et de curiosité à ce nouveau travail : un livre ancien, relié à l’allemande, constitué de dessins représentant un fanum, antique lieu de culte gallo-romain, et dissimulant une liste de noms derrière une odeur de brûlé : en un mot, une rareté.

Un premier roman qui mêle l’odeur du cuir aux secrets de famille, campe des personnages attachants et parfois cocasses, et laisse une place de choix à une écriture pleine de chaleur et de sensualité.

Valentine Goby - Editions Gallimard, 2008 144 pages

« Marie G., faiseuse d’anges, dans sa cellule, condamnée à mort, l’une des dernières femmes guillotinées.

Lucie L., femme avortée, dans l’obscurité de sa chambre.

Henri D., exécuteur des hautes œuvres, dans l’attente du jour qui se lève.
De l’aube à l’aube, trois corps en lutte pour la lumière, à la frontière de la vie et de la mort. »
*
Barbara Constantine - Calmann Lévy, 2008

Mélie, soixante-douze ans, vit seule à la campagne. Sa petite-fille, Clara, vient pour la première fois passer toutes les vacances d’été chez elle. La veille de son arrivée, Mélie apprend qu’elle a un problème de santé… Elle verra ça plus tard. La priorité, c’est sa Clarinette chérie !

Mélie, le mélo, c’est pas son truc.
Elle va passer l’été (le dernier ?) à fabriquer des souvenirs à Clara. Des rigolos. Comme regarder pousser les bambous en écoutant La Traviata, chanter sous la pluie des chansons de Nougaro, goûter les mauvaises herbes qui poussent le long des chemins.
Il y a aussi… le vieux Marcel, qui va apprendre à Clara à faire de la mécanique, Fanette, sa mère, qui va lui trouver un beau-père, Bello, son parrain, qui va agrandir sa bande de filleuls musiciens.
Et puis, comme la vie est vraiment dingue des fois, il y a Mélie qui va enfin rencontrer le grand amour… Cent cinquante ans à eux deux ? Mais quand on aime, on ne compte pas !

Jean-Pierre Ohl - Editions Gallimard, 04.09.08 368 pages

Qui sont vraiment les maîtres du manoir de Glenmarkie, cette bâtisse écossaise menaçant ruine, tout droit échappée d’un roman de Stevenson ?
Et où est donc passé le trésor de leur ancêtre Thomas Lockhart, un écrivain extravagant mort de rire en 1660 ?
Fascinée par le génie de Lockhart, intriguée par l’obscur manège de ses descendants, la jeune Mary Guthrie explore les entrailles du manoir et tâche d’ouvrir les trente-deux tiroirs d’un prodigieux meuble à secrets.

Ebenezer Krook est lui aussi lié aux Lockhart. À Édimbourg, dans la librairie d’un vieil excentrique, il poursuit à l’intérieur de chaque livre l’image de son père disparu.

Les tiroirs cèdent un à un sous les doigts de Mary. Les pages tournent inlassablement entre ceux d’Ebenezer. Mais où est la vérité ? Dans la crypte des Lockhart ? Au fond de Corryvreckan, ce tourbillon gigantesque où Krook faillit périr un jour ? Ou bien dans les livres ?

Peuplé de silhouettes fantasques, de personnages assoiffés de littérature qui rôdent au bord de la folie, Les maîtres de Glenmarkie brasse les époques, les lieux, et s’enroule autour du lecteur comme un tourbillon de papier. Hommage facétieux aux grands romans d’aventures, il pose et résout une singulière équation : un livre + un livre = un homme.

Frédéric Ciriez - Verticales, 2008 304 p.

« Les néons du sous-marin offrent aux visiteurs l’inédite signature rose pin-up d’un bordel incandescent qui drague sa clientèle par longs flashs de sept secondes. Et quand on voit, de soir en soir, le nom de l’établissement baver sur le feuillage des grands pins maritimes centenaires qui nous dominent, je pense que c’est une réussite. »

Mêlant la satire de mœurs, l’érudition parodique, l’anticipation sociopolitique et le mélodrame portuaire, Des néons sous la mer se présente d’emblée comme une fiction inclassable qui multiplie les voies d’eau pour approcher la question complexe, et ici décomplexée, de la prostitution.
Premier roman de Frédéric Ciriez, ce livre baroque et désopilant est d’une rare maturité. Son lyrisme iodé et sa joie de vivre contagieuse tranchent avec l’esprit de sérieux des essayistes et le nombrilisme hystérique de certaines autofictions contemporaines. Des néons sous la mer étonne par la subtilité de sa structure, la variété de ses styles et l’inventivité de ses ressources imaginaires. C’est un grand roman marin du monde entier qui ouvre les horizons des lecteurs. Au plaisir d’une langue tonique (comme on le dit du temps breton) qui conjugue culture et goût de la subversion facétieuse, poétique marine et souffle romanesque généreux.

Arno Geiger - Gallimard, 2008 432 p.

La maison de sa grand-mère dans un faubourg de Vienne constitue un héritage encombrant pour Philipp Erlach.
Il aurait voulu échapper à l’histoire familiale, mais avec cette grande demeure dont il ne sait que faire, elle semble le rattraper :
Richard et Alma, ses grands-parents, qui ne veulent pas jouer le jeu des nazis au moment de l’Anschluss ;
sa mère Ingrid, née juste avant la guerre, qui s’éprend de Peter, enrôlé dans les jeunesses hitlériennes pendant les derniers jours de la débâcle, dans Vienne en ruine.
La fin tragique de leur mariage laissera Philipp seul avec sa sœur Sissi et un père un peu farfelu…

Tout va bien évoque au présent les grands événements dramatiques tout autant que les petites choses indicibles du quotidien, qui font l’histoire d’une famille, d’un siècle.
seule la mer
Michel Folco - Stock, 2008 748 p.
Ça aura pris cinq ans, mais nous y sommes.
Après Dieu et nous seuls pouvons, après Un loup est un loup et En avant comme avant, voici le nouveau grand roman de Michel Folco.
Sans doute son meilleur : féroce, hilarant et déjanté.
Pour preuve, voici comment l’auteur lui-même résume le livre qu’il a écrit :
« C’est l’histoire d’un ancien camp romain devenu petit village dans une petite vallée du Piémont victime de l’isolement, des mariages consanguins, d’Alaric le Wisigoth, de la Peste noire, d’un maire mal embouché et d’un médecin atrabilaire.
C’est une histoire de famille lardée de mauvaises volontés, truffée de mauvais sentiments, ponctuée de coups tordus, et durant laquelle le Mal triomphera triomphalement.
C’est l’histoire d’un ulcère gastro-duodénal et d’une clause testamentaire qui contraindra Marcello Tricotin – un authentique fils de puteà un périple mouvementé dans le Royaume Austro-Hongrois du début du XXe siècle.
C’est l’histoire d’un voyage éprouvant, initiatique et pas du tout jubilatoire où il est démontré que, si les dernières volontés d’un mort sont sacrées, elles peuvent être particulièrement chiantes.
C’est l’histoire d’un séjour viennois durant lequel Marcello Tricotin croisera Sigmund Freud, rencontrera la Foudre céleste et réussira à séjourner quinze minutes par quinze mètres de fond dans le Danube.
C’est aussi le récit détaillé d’une alliance contre nature entre trois espèces de termites et un maître d’école revanchard qui donnera lieu à une vengeance radicale, exemplaire, édifiante et pour tout dire gratifiante à cent pour cent.
Accessoirement, c’est la résolution définitive d’un mystère historique dévoilant l’identité du père du douanier impérial et royal à la retraite, Aloïs Schickelgruber-Hitler. »

Sonallah Ibrahim - Actes sud, septembre 2008 200 pages

Le narrateur du dernier roman de Sonallah Ibrahim est un graçon d’une dizaine d’année qui rapporte des scènes de sa vie quotidienne.
Nous sommes au Caire, à la fin des années 1940.
L’enfant vit seul avec son père, un fonctionnaire à la retraite qui a tou juste les moyens de subvenir à leurs besoins.
Ils partagent un modeste appartement avec un jeune policier et sa compagne, "Mama Taheya".
L’enfant entrecoupe son récit de souvenirs de sa vie antérieure, quand ils vivaient encore avec sa mère. Scènes de bonheur et de plénitude, qui contrastent avec le dénuement matériel et le manque affectif présent, que son père a bien du mal à combler.
Renouant avec l’écriture objectiviste de son premier roman, Etoile d’août, Sonallah Ibrahim décrit le petit appartement à l’entrée d’une impasse, avec son mobilier misérable et les rares objects que possède encore le père, l’école du quartier et les jeux des enfants, le contexte politique, le régime déliquescent de Farouk, la guerre de Palestine (1948) et, surtout, les coutumes et les moeurs sexuelles de cette classe sociale incarnée par le père vieillissant mais encore vert.
Le "petit voyeur" essaie de comprendre ce monde d’adultes sur lequel on lui fournit bien peu d’explications.
A l’affût des conversations, il espionne à travers les trous de la serrure, fouille des tiroirs et les placards. Mais ces images volées lui restent souvent incompréhensibles.
En restituant au plus près le regard de cet enfant qu’il a été, avec ses peurs, ses angoises et sa quête inachevée de sens, Sonallah Ibrahim place son lecteur dans la même position et l’oblige à reconstruire avec lui le sens de cette vie, page après page, et donner à son récit une charge émotionnelle exceptionnelle.

Evelio Rosero - Métailié, 2008

La vie pourrait sembler idyllique à San José, petite bourgade colombienne, où Ismael, un vieil instituteur à la retraite, coule des jours paisibles avec sa femme Otilia.
A la grande honte de celle-ci, il passe ses journées à cueillir des oranges et à épier sa belle voisine qui se prélasse nue au soleil.
Mais lorsque des bandes armées que rien ne distingue – paramilitaires, guérilleros, narcotrafiquants – font irruption, tout se déglingue.
Des habitants sont sauvagement assassinés, d’autres enlevés, des rançons sont réclamées par les ravisseurs, la peur règne sur les esprits.
Ismael commence à perdre la mémoire et la raison, il ne retrouve plus le chemin de la maison, ne reconnaît plus les visages, il s’égare dans ses souvenirs et dans les rues du village à la recherche de sa femme qui a disparu. Les habitants s’enfuient, mais il décide de rester au milieu des ruines pour attendre le retour d’Otilia, sa seule et dernière boussole.

Vieillard titubant, pathétique, bredouillant, mais révolté jusque dans son propre délire, Ismael est le narrateur de ce chaos sanglant où le village de San José apparaît comme un concentré chauffé à blanc d’une Colombie ravagée par la violence et les prises d’otages.
Evelio Rosero est né en 1958 à Bogotá, où il vit. Auteur de nombreux romans, il a reçu le Prix national de littérature et pour ce dernier roman le Prix Tusquets 2006

Valère Staraselski - Cherche midi, 2008

L’enfance de Joseph Esperandieu dans un village d’Île-de-France des années 1960 nous projette à l’intérieur d’un monde où se téléscopent l’attelage de chevaux du père Boulard et les premières files d’automobiles du dimanche soir.
Une France à la fois lointaine et proche.
Un passé encore vivace dans bien des mémoires.
Les couleurs pastel de la nostalgie.
Un roman envoûtant, optimiste, tendre et rageur à la fois.

mercredi 30 juillet 2008

Salman Rushdie envisage de raconter sa vie



Condamné à mort par une fatwa depuis 19 ans

Par BibliObs.com

L'écrivain britannique Salman Rushdie, aujourd'hui âgé de 61 ans, envisage d'écrire un livre racontant les dix-neuf années de sa vie passées sous le coup d'une fatwa le condamnant à mort. Cette fatwa avait été prononcée le 14 février 1989 par l'iman Khomeiny après la publication des «Versets sataniques».


Salman Rushdie «A l'époque, vraiment, c'était difficile de le supporter et de s'en sortir, a déclaré l'auteur lors d'une interview à la BBC. Mais maintenant, oui, je pense qu'il y a quelque chose à raconter... Un de ces jours... Des gens m'encouragent à raconter cette histoire et peut-être que je le ferai.»

Le lancement de la fatwa avait obligé l'auteur à vivre dans la clandestinité. Il est réapparu peu à peu en public, mais l'Iran a rappelé que la fatwa était toujours en vigueur. Salman Rushdie a été été fait chevalier par la reine Elizabeth II en juin 2007, ce qui avait suscité un tollé dans les pays musulmans.

P.J Lambert - Le vengeur des catacombes

livre de chevet
polar
Prix du Quai des Orfèvres 2008

Des bas-fonds de Paris aux tréfonds de l'âme humaine !
Des catacombes aux procès de délinquants sexuels, un journaliste bon vivant s'invite dans les couloirs du " 36 ".
Irrévérencieux et truculent, il aime bien la police quand elle est efficace, et certains de ses membres quand ils sont féminins.
L'intrigue tire ici sa force des liens de respect et de connivence tissés entre policiers et journalistes.
En dépit du ton badin, la bonne et la mauvaise conscience de la société finiront par remonter en surface.
Extrait du livre : Imaginez des dentelles de pierre délicatement posées sur un gros morceau de gruyère et vous aurez une idée de ce qu'est réellement Paris !
En surface, grouille une foule cosmopolite d'êtres qui courent dans tous les sens pour oublier leur mal de vivre, vaquant à leurs occupations pour tenter de donner un sens à leur existence.
Et en profondeur, là où la lumière du jour ne pénètre jamais, là où on appelle «ciel» ce plafond bas qui vous oppresse, un fromage, traversé par trois cents kilomètres de salles et de galeries, creusées au cours des siècles pour fournir le matériau destiné, à l'origine, à construire une grande partie des bâtiments de la ville.
Peu de risque de faire beaucoup de rencontres en bas, quoique, certains soirs, il puisse arriver que l'une ou l'autre de ces salles souterraines n'ait rien à envier à l'ambiance d'une cave enfumée de jazz.
Mais ça, c'est l'oeuvre des «touristes» : ceux qui ne savent rien des carrières, ceux qui refont le monde, les fesses posées sur un rocher en partageant un joint, ceux qui ne sont là que pour pouvoir dire : «J'y étais !», et qui ne prendront surtout pas le risque de sortir des deux ou trois sentiers largement battus !
Les vrais résidents, les passionnés comme Biscotte, les «cataphiles», les catas comme ils se désignent eux-mêmes, sont peu nombreux.
Ce sont eux qui parcourent ce réseau souterrain aussi familièrement que les couloirs de leur appartement, qui n'hésitent pas à s'y promener seul, à y dormir, parfois même à l'entretenir et à le nettoyer ; ce sont eux qui trouvent une âme à ces galeries et perçoivent au détour de ces anciennes pièces et conduits, on ne sait quelle odeur de mystère et d'ésotérisme.

En savoir plus sur Le Vengeur des catacombes et sur le jury du prix du Quai des Orfèvres
L'histoire Dans les catacombes de Paris, en réalité dans une carrière sous l’hôpital Broussais, terrain de jeux de carabins venant s’y changer les idées, la Crim’ finit par identifier deux corps mutilés.
L’un d’entre eux est celui d’une psychiatre chargée d’apprécier la possibilité de réinsertion dans la société des criminels sexuels et des grands malades mentaux remis en liberté après avoir purgé leur peine.
L’opinion et un réseau de justiciers concourent à éliminer les experts, magistrats et responsables administratifs qui ont estimé bon de réinsérer les grands délinquants au risque de les voir récidiver.
Cette question de conscience et d’actualité est ici traitée par des policiers courageux, exposés à un réseau de vengeurs, et à la violence de l’opinion.
Pour mieux répondre aux rumeurs, la police s’allie à un journaliste truculent et loyal, atout déterminant pour mener l’enquête à bonne fin, et manifester l’utilité de certains liens de respect et de connivence tissés entre policiers et journalistes. Des bas-fonds de Paris aux tréfonds de l’âme humaine !
L'auteur Patrick-Jérôme Lambert, de formation anglo-saxonne a vécu plus de vingt ans à l’étranger (Asie, Océanie, Europe, Pays Arabes) où il a travaillé comme trader sur les marchés financiers.
Il est aujourd’hui consultant auprès d’une grande société française.
Jury du prix du Quai des Orfèvres 2008 est composé de :
M. Michel GAUDIN Préfet de police Président d’honneur du Prix
M. Christian FLAESCH Directeur de la Police Judiciaire Président du Jury
M. André BOSSARD Secrétaire général honoraire d’Interpol
M. Maurice BOUVIER Inspecteur général honoraire de l’Administration
M. Claude CANCÈS Directeur honoraire de la Police judiciaire
M. Pierre CHARON Directeur de sociétés, Conseiller de Paris, Conseiller économique et social
M. Michel CLERC Ecrivain, journaliste
M. Jean DUCRET Directeur honoraire de la Police judiciaire
M. Olivier FOLL Directeur honoraire de la Police judiciaire
M. Gérard GIREL Directeur central honoraire de la Police judiciaire
M. Michel GUYOT Directeur central honoraire de la Police judiciaire
M. François JASPART Inspection générale de la Police nationale
Me Jacques-Max LASSEZ Avocat à la Cour, membre de la société Sherlock Holmes de Londres
Mme Dominique LECOMTE Directeur de l’Institut médico-légal
M. Paul LEFEVRE Journaliste, écrivain
Me Philippe LEMAIRE Avocat à la Cour
Mme Martine MONTEIL Directeur central de la Police judiciaire
M. Patrick OUART Conseiller à la Présidence de la République
M. Frédéric PÉCHENARD Directeur général de la Police Nationale
M. Jean-Marie PONTAUT Ecrivain, journaliste à L’Express
M. Patrick RIOU Inspection générale de la Police nationale
M. Pierre TOURAINE Directeur honoraire de la Police judiciaire
M. Henri YRISSOU Inspecteur général des Finances honoraire

Le Prix du Quai des Orfèvres

En 1946, Jacques Catineau, personnalité du monde de l’édition et de la publicité, fonde le prix du Quai des orfèvres.
Son idée ? Rapprocher les membres de la police et de la justice autour d’un prix littéraire récompensant un roman policier.
Le jury est donc composé d’une vingtaine de policiers, avocats, magistrats, et écrivains, tous sous la présidence du directeur de la police judiciaire.
Originalité de ce prix : le jury se prononce sur des manuscrits anonymes, en tenant compte des qualités littéraires mais aussi de l’exactitude des descriptions sur le travail de la police et de la justice tricolores.
De 1946 à 1949, le gagnant est édité par la Société d’éditions et de publications en exclusivité (SEPE).
Puis, de 1951 à 1965, c’est Hachette qui prend le relais.
Enfin, depuis 1966, le prix du Quai des orfèvres est édité par la librairie Arthème Fayard.
1950, 1955 et 1961 sont des "années sans".
La qualité n’était-elle pas au rendez-vous ? Sans doute.
Le prix couronnant la plupart du temps des débutants, le niveau est parfois plus que discutable.
On note cependant quelques vraies réussites ou promesses.
En 1952, Ne tirez pas sur l’inspecteur est signé Saint Gilles. Le pseudonyme en fait de Georges J. Arnaud, alors au service militaire, et qui commence là une longue carrière grâce à sa femme qui avait envoyé le texte au concours.
En 1953, c’est Jacques Laurent (l’auteur de Caroline Chérie) qui l’emporte avec Sophie et le crime sous le pseudonyme de Cécil Saint-Laurent.
En 1978, après ses cinq romans parus de 1945 à 1962 et quinze ans de silence littéraire, c’est Pierre Magnan qui se lance dans le roman policier avec Le Sang des Atrides.
En 1983, Maurice Périsset entame lui aussi son parcours avec Périls en la demeure.
L’année suivante, les éditions du Rocher lui offre une collection pour lui tout seul : les dossiers du Quai des orfèvres.
Enfin, en 1993, Gérard Delteil sévit avec Pièces détachées.
Le prix du Quai des orfèvres est publié avec un tirage minimum de 50 000 exemplaires.
*
PALMARES
1946 : Jacques Lever pour Le Singe rouge
1947 : Jean Le Hallier pour Un certain monsieur
1948 : Yves Fougères pour Nuit et brouillard
1949 : Françis Didelot pour L’Assassin au clair de lune
1951 : Maurice Dekobra pour Opération Magali
1952 : Saint Gilles pour Ne tirez pas sur l’inspecteur
1953 : Cécil Saint-Laurent pour Sophie et le crime
1954 : Alain Serdac pour Sans effusion de sang
1956 : Nöel Calef pour Echec au porteur
1957 : Louis C. Thomas pour Poison d’Avril
1958 : André Gillois pour 125, rue Montmartre
1959 : Jean Marcillac pour On ne tue pas pour s’amuser
1960 : Colonel Remy pour Le Monocle noir
1962 : Micheline Sandrel pour Dix millions de témoins
1963 : Roland Pidoux pour On y va patron
1964 : Jean-François Vignat pour Vertige en eau profonde
1965 : Paul Drieux pour Archives interdites
1966 : Julien Clay pour Du sang sur le grand livre
1967 : H.L Dugal pour La Porte d’or
1968 : Bernard-Paul Lallier pour Le Saut de l’ange
1969 : Christian Charrière pour Dîtes-le avec des fleurs
1970 : Henry Chardot pour Le Crime du vendredi saint
1971 : André Friederich pour Un mur de 500 briques
1972 : Pierre-Martin Perrault pour Trop c’est trop
1974 : Michel Ressi pour La mort du bois de Saint-Ixe
1975 : Bernard Matignon pour Une mort qui fait du bruit
1976 : Serge Montigny pour Une fleur pour mourir
1977 : Jacques Sénégal pour Le Crime de la maison Grund
1978 : Pierre Magnan pour Le Sang des Artrides
1979 : Julien Vartet pour Le Déjeuner interrompu
1980 : Denis Lecombe pour Dans le creux de la main
1981 : Micjel Lancel pour De la part de Barbara
1982 : Hélène Pasquier pour Coup double
1983 : Maurice Périsset pour Périls en la demeure
1984 : Jean Lamborelle pour On écrase bien les vipères
1985 : Roger Labrusse pour Les Crimes du Bon Dieu
1986 : Michel de Roy pour Sureté urbaine
1987 : Nicole Buffetault pour Le Mystère des petits lavoirs
1988 : Yves Fougères pour Un agent très secret
1989 : Godefroy Hofer pour Plongée de nuit
1990 : Suzanne le Vigueloux pour La Mort au noir
1991 : Frédéric Hoé pour Crimes en trompe l’oeil
1992 : Louis-Marie Brezac pour Razzia sur l’antique
1993 : Gérard Delteil pour Pièces détachées
1994 : Jean-Louis Viot pour Une belle garce
1995 : Michel Gastine pour Quai de la Rapée
1996 : Gilbert Schlogel pour Rage de flic
1997 : Roger Le Taillanter pour Heures d’angoisse
1998 : Michel Sibra pour La Danse du soleil
1999 : André Delabarre pour Du sang sur les roses
2000 : André Arnaud pour Pierres de sang
2001 : Guy Langlois pour Le fond de l’âme effraie
2002 : André Klopmann pour Crève l’écran2
003 : Jérôme Jarrige pour Le Bandit n’était pas manchot
2004 : Sylvie M. Jema pour Les Sarments d’Hippocrate
2005 : Jules Grasset pour Les Violons du diable
2006 : Christelle Maurin pour L’Ombre du soleil
Note :
pour le moment, lu 3 romans ayant reçu ce prix, et le seul qui m'ai passionné est "le sang des Atrides"...
voir :

mardi 29 juillet 2008

Le grand cimetière des livres

article effacé. Pour le lire, se rendre directement sur le site.

Un romancier turc risque de 6 mois à 1 an de prison

Actualité littéraire
littérature étrangère : Turquie

Après Orhan Pamuk, un écrivain est à nouveau inquiété par la justice turque, non pour ses déclarations publiques, mais pour le contenu d’un roman.
Auteur d’une trentaine de livres en tous genres traduits dans une dizaine de langues, Nedim Gürsel, né en 1951, partage sa vie entre Istanbul et Paris où il a fait ses études (il avait soutenu une thèse de littérature comparée sur Aragon et Nazim Hikmet).
Directeur de recherches au CNRS, il enseigne également la littérature turque à la Sorbonne et à Langues O.
Son dernier roman Les Filles d’Allah, qui doit paraître l’an prochain en français au Seuil, lui vaut les foudres de la justice.
Il a l’habitude : son premier roman La Première femme (1983) avait été censuré par le pouvoir pour offense à la morale publique.
Pour ceux qui comprennent le turc, il s’en explique dans cet entretien filmé, pêché parmi les commentaires du blog Au fil du Bosphore.
Cette affaire intervient dans un climat politique et judiciaire tendu, alors qu’un réseau nationaliste accusé de préparer le terrain à un coup d’Etat militaire est en proçès, que les activités antilaïques du parti musulman conservateur au pouvoir (AKP) pourraient lui valoir une interdiction et qu’un attentat a fait de nombreux morts et blessés dans la capitale.
Entretien réalisé hier :

La République des Livres : Y a-t-il une différence de nature et d’objectif entre la première plainte et celle du procureur ?
Nedim Gürsel: La plainte a été déposée par les islamistes qui semblent bien organisés, ayant des avocats et faisant pression sur le procureur. La poursuite judiciaire fut ouverte conformément a la procédure par le procureur de la République d’Istanbul selon l’article 216 du code pénal turc qui prévoit une peine de prison entre six mois et un an pour celui qui vilipende ” les valeurs religieuses d’une partie de la population si cette offense trouble la paix publique”.

RDL : L’actuel contexte politique turc explique-t-il ces attaques contre vous ?
N.G. : Malheureusement oui. Ayant été déjà jugé par un tribunal militaire après le coup d’Etat du 12 septembre 1980, mon premier livre Un long été à Istanbul publié en français chez Gallimard, a été ensuite accusé d’offense aux forces de sécurité nationales (article 159 du code pénal). Je croyais que la Turquie avait fait des progrès et que la liberté d’expression existait grâce à la perspective européenne…

RDL : Aviez-vous le sentiment, en écrivant ce livre, que vous alliez au devant de ces ennuis ? Et aviez-vous en tête le sort de Salman Rushdie ?
N.G. : Mon roman Les Filles d’Allah est très différent des Versets sataniques que j’avais lu dans sa traduction française dès sa parution (Ce livre n’est toujours pas traduit en turc). A vrai dire je ne m’attendais pas à des poursuites judiciaires.
Par contre, dès sa parution en mars dernier, j’ai été attaqué par la presse islamiste, ne serait-ce que pour avoir fait de Mohamed (NDLR : Mahomet) un personnage de roman.
RDL : Avez-vous reçu des menaces ?
N.G. : Un article paru dans le quotidien Vakit s’achevait ainsi: “Heureusement que les Musulmans n’attaquent pas cet écrivain insolent ainsi que son éditeur”…
RDL : Qu’est-ce qui est en jeu dans Les Filles d’Allah ?
N.G. : : C’est un roman qui a plusieurs voix ; il interroge la foi et la violence dans l’Islam et place le prophète au centre du récit. L’enjeu n’est pas politique, mais historique. Un enfant, sous l’influence de son grand-père, qui est un musulman croyant, imagine la géographie du prophète, notamment la Mecque et Médine que son grand-père fut contraint de défendre pendant la Première Guerre Mondiale contre les Arabes, peuple du prophète.

RDL : Comment avez-vous “senti” le procureur lors de votre déposition ?
N.G. : Respectueux il était silencieux comme le Sphinx.
RDL : Quelles suites judiciaires imaginez-vous ?
N.G. : Un procès qui finira j’espère par un acquittement
*

Voir :


http://istanbul.blog.lemonde.fr/2008/07/16/nedim-gursel-un-romancier/


http://www.bleublancturc.com/TurcsconnusFR/Nedim_Gursel.htm


http://www.librairie-gaia.com/Dossiers/Turquie/NedimGursel.htm


http://fr.wikipedia.org/wiki/Nedim_G%C3%BCrsel

dimanche 27 juillet 2008

Régis Debray en Terre sainte : un candide ?




« Les best-sellers sont rarement des chefs-d’œuvre. » Régis Debray ne croyait pas si bien dire en écrivant cette phrase, qu’on peut lire à la page 34 de son livre Un candide en Terre sainte (Paris, Gallimard, 2008).

J’avais eu - tardivement - connaissance de l’existence de ce livre en lisant le compte-rendu qu’en avait publié Le Point et qu’on m’avait envoyé de France.
Parmi les extraits reproduits par l’hebdomadaire, j’avais relevé ce passage d’anthologie sur le mont des Oliviers, dont la lecture m’avait tristement diverti : « Le mont des derniers jours est une leçon de choses, c’est pierreux contre feuillu. Certes, il y a le Cantique des cantiques - “Je suis la rose de Saron et le lis des vallées.”
Certes, il y a les plantations d’arbres rituelles, la protection des forêts, les serres d’orchidées. Mais que le judaïsme et l’islam soient intimement liés par de communes accointances avec le règne minéral, tandis que le chrétien fraye avec le végétal - du bois de la crucifixion au lis marial -, rien ne l’atteste mieux qu’une vue plongeante depuis le mont des Oliviers, telle qu’on peut l’avoir du haut des Sept Arches, l’ancien palais du roi de Jordanie converti en hôtel, au déclin du jour. »
Un ami à qui j’avais fait lire ces lignes s’était demandé un peu méchamment si leur auteur, quant à lui, n’avait pas d’accointances avec le règne gazeux.
L’auteur aurait pu tout aussi bien souligner que la Bible commence dans un jardin et le christianisme dans une grotte (celle de la nativité ou celle de la résurrection, au choix), mais, fier apparemment de sa trouvaille, il tenait à la placer. C’est une des principales caractéristiques de ce livre, sur laquelle nous reviendrons : un discours qui crée son objet au lieu de le décrire.

En lisant les extraits reproduits par Le Point, j’avais aussi appris, entre autres choses, qu’Émile Choufani, le célèbre curé de Nazareth, cumulait les rôles de don Camillo et de Peppone, et qu’il avait abandonné le rite melchite pour passer au rite latin après avoir fait son séminaire à Issy-les-Moulineaux !
Estimant avoir eu ma ration de bêtises après la lecture de ces quelques pages, je n’aurais pas prêté plus d’attention au livre de Régis Debray si je n’avais découvert le succès remporté par cette publication et, par conséquent, la nécessité de réagir.
Je me suis donc attaqué, crayon à la main et avec une consternation grandissante, à la lecture de ces 450 pages.
Alors que je n’en étais encore qu’à la moitié du livre, mon bêtisier remplissait déjà trois pages et, sans les sentiments mêlés du devoir et du plaisir ambigu de la pêche aux perles, j’aurais sans doute abandonné la lecture au milieu du chantier. À quoi s’ajoutait le dilemme : parler de ce livre, au risque de lui faire de la publicité, ou laisser dire sans réagir ?

Le plus difficile, pour en rendre compte, est de choisir les citations et les exemples. On voudrait les transcrire tous, mais il y faudrait une bonne dizaine de pages, et un livre entier pour les réfuter, depuis les erreurs objectives - et il y en a une quantité impressionnante - jusqu’à des affirmations où le goût de la formule fait franchir les limites imposées par la décence, comme de prétendre que si, en Israël, « chaque vie perdue est une tragédie », c’est parce qu’ « une société riche et consommatrice devient vulnérable et douillette », « impropre aux grands et longs sacrifices » (p. 79-80).
Commençons par ce qui pourra paraître comme le plus superficiel : les fautes d’orthographe, erreurs de transcription, dates et chiffres erronés. Fautes d’orthographe : « Nicomède » pour Nicodème (p. 34), « Herlz » pour Herzl (p. 163), « minya » pour minyan (p. 301), « Solanas » pour Solana (p. 327), « Ephren » pour Ephron (p. 345)... En hébreu, Jésus se dit « Yeshua » à la page 26, « Yoshua » à la page 31 et « Joshua » aux pages 87 et 184. Le patriarcat latin de Jérusalem aurait été rétabli en 1850 (p. 113 ; 1847 en réalité).
La forteresse de Massada serait tombée en 70 (p. 359 ; 74 en réalité). Relevons à ce sujet cette formule qui ne détonnerait pas dans une anthologie des perles du bac : « À Massada ont bien été découverts des noyaux de dattes recrachés par les suicidés. » (p. 296). Les assiégés recrachant des noyaux de dattes après s’être donné la mort ! Flavius Josèphe ne nous avait pas tout raconté. Dans le genre, l’ « ouvrier de la vingt-cinquième heure » (p. 407), n’est pas mal non plus. Virgil Gheorghiu aurait-il été flatté d’être confondu avec l’Évangile ?

Que l’auteur n’ait pas eu le temps de relire ses épreuves s’explique aisément : l’idée du livre est née en août 2006 (p. 13) et le produit fini était en librairie en janvier 2008. Pour l’honneur des spécialistes dont les noms apparaissent au fil des pages, on peut supposer qu’il ne leur a pas faire relire son manuscrit. On portera donc à son débit, et non au leur, un certain nombre de bourdes entre lesquelles il faut malheureusement faire un choix et qu’il serait fastidieux de réfuter en détail une à une.
On apprend par exemple que les Esséniens, vers 150 avant J.-C., auraient « fait sécession, abandonnant le temple aux pharisiens jugés trop laxistes et trop hellénisants. » (p. 89).
Récidive sur les pharisiens gardiens du temple à la page 197 ; sauf erreur de ma part, les Sadducéens n’apparaissent jamais dans le livre.
Au chapitre des atrocités subies par les Juifs, notre auteur porte l’ « appel au crime de Bernard, l’abbé de Clairvaux » (p. 184) - en contradiction avec un auteur juif de l’époque, écrivant au sujet du même Bernard : « ... sa voix était redoutable car il était aimé et respecté de tous. Il n’avait cependant reçu ni argent ni rançon de la part des Juifs, c’était son cœur qui le portait à les aimer et lui suggérait de bonnes paroles pour Israël. Je te bénis, ô Dieu, car tu nous as pardonnés et consolés en suscitant ce juste sans lequel nul d’entre nous n’aurait conservé sa vie... ».
La formule « Adamat qodesh [lire Admat qodesh, n.d.l.r.], litanie juive, est présente dès l’Exode, reprise en leitmotiv dans Josué, Zacharie, etc. » (p. 137).
En réalité, la formule en question, qui signifie « terre sainte », ou plus exactement « terre de sainteté », ne se trouve que deux fois dans la Bible, en Exode 3,5 et Zacharie 2,16 (il en faut peu pour faire une « litanie » !), et la première de ces occurrences concerne, non la terre d’Israël, mais le Sinaï.
On apprend aussi que « l’hérésie chrétienne [aurait] été souverainement dédaignée par les maîtres du Talmud » (p. 185). Il y a pourtant plus de cent ans que Travers Herford a démontré longuement le contraire. Comment peut-on jouer les érudits en accumulant péremptoirement autant de sottises ?

On apprend aussi qu’il y aurait en Terre sainte cinquante mille chrétiens (p. 43), dont quarante mille à Bethléem (p. 48) - alors qu’il y en a cent quarante-six mille cinq cents officiellement en Israël et quarante-neuf mille dans les territoires palestiniens, dont vingt-deux mille à Bethléem et dans les communes voisines ;
que les musulmans israéliens seraient interdits de service militaire (p. 45-46) ;
que depuis l’édification de la clôture de sécurité, le nombre des pèlerins à Bethléem aurait été divisé par dix (p. 53) - alors qu’en réalité, il n’y en avait jamais eu autant depuis de longues années ;
qu’il serait déconseillé d’y dormir (ibid.) - alors que les hôtels affichent complet ces derniers mois ;
qu’il serait impossible aux chrétiens d’y pénétrer autrement qu’en voyage organisé (ibid.) - ce qui est faux ;
que les boutiques d’objets de piété seraient fermées ou désertes (ibid.) ;
qu’il y aurait cinq cent quarante-six barrages routiers dans les territoires palestiniens (p. 58) ;
que le quartier juif de la vieille ville couvrirait à lui seul le tiers de la Jérusalem intra muros (p. 121) - ce que dément la carte de la page 382, qui montre au contraire que le quartier juif est le plus petit des quatre et qu’il s’étend sur moins d’un cinquième de la vieille ville ;
que les murs de Saint-Pierre en Gallicante seraient néo-byzantins (p. 138) ;
qu’on pourrait voir à Capharnaüm, près de la maison de saint Pierre, les restes d’un temple romain (p. 295) ;
que l’édicule construit en 1808 au-dessus de l’emplacement du tombeau du Christ serait en bois (p. 407) ! Oui, vous avez bien lu, il s’agit bien de la construction qui s’élève au centre de la rotonde, et devant laquelle « la file d’attente s’allonge (...) comme à la porte d’un cinéma » (p. 403). Si vous pensiez qu’elle était en marbre, détrompez-vous. Du moins sommes-nous assurés qu’elle n’est pas en carton.

Au rayon de la vulgarité pédante, deux exemples suffiront :
Jésus, « un Dieu suant, pissant et saignant » (p. 27). « J’ai parfois l’impression que pour les dominicains, jésuites ou assomptionnistes derrière leurs portes closes, le Saint-Sépulcre, la basilique de Nazareth et le Cénacle sont assimilables à de mauvais lieux, établissements un peu louches à contourner, genre Moulin de la Galette ou Crazy Horse. » (p. 145).

« Avertissement à messieurs les écrivains : ne pas se fier au ouï-dire. » (p. 97) On aimerait être sûr que l’auteur s’est plié lui-même à cette règle mais, si l’on en juge par ce qui est objectivement vérifiable, la rigueur de l’information n’est pas le premier de ses soucis. Au fil des pages, on éprouve au contraire le sentiment que la recherche de la formule l’emporte largement sur celle de la vérité.
L’auteur a réussi par exemple à traverser Jéricho sans prêter attention à la végétation, aux flamboyants et au bougainvilliers : « Quoi de plus désolé, de plus pelé que le Jéricho d’aujourd’hui ? » (p. 338). Au « tertre » de Jéricho, « un vague rempart, une tour néolithique et bien écornée s’éboulent sous la pluie et le vent. » (p. 338). En réalité, la tour en question se trouve au fond d’un trou, protégée du vent par le tell qui l’entoure, et l’auteur ne s’est évidemment pas préoccupé de savoir combien de millimètres de pluie tombent chaque année à Jéricho.

Régis Debray ne décrit pas, il interprète, et les commentaires qu’il plaque sur ce qu’il voit relèvent souvent de la pure imagination plus que de l’analyse. Il lui arrive de tomber juste, et ses réflexions peuvent être pénétrantes.
D’autres élucubrations sont plus aventureuses. Un seul exemple : il consacre quatre pages (158-162) à nous montrer les « drogués du Talmud » (entendez : les pieux de Mea-Shearim ; merci pour eux), dévalant la rue qui conduit au Mur occidental du temple sans prêter attention aux gens qu’ils côtoient.
Après s’être posé la question « Pourquoi une telle capacité d’absence chez ces noirs obus à hautes chaussettes blanches ? », il se répond à lui-même : « Ils doivent à tout prix protéger leur pureté du tout-venant. Croiser le regard d’un impur serait moins distraction qu’impiété. Ils nous annulent en somme pour rester propres : simple précaution. » S’il s’était renseigné au lieu de philosopher longuement sur sa propre réponse, il aurait appris qu’il est recommandé par la tradition de se rendre à la prière avec empressement et d’en revenir comme à regret.
Et s’il avait observé ces même haredim deux heures plus tard comme flânant sur le chemin du retour, il aurait dû imaginer une autre explication - ce qui d’ailleurs, on peut en être sûr, ne lui aurait pas demandé un grand effort. Qu’aurait-il dit s’il avait dû passer la porte de Damas à contre-courant un vendredi, quand les musulmans se rendent à la mosquée ?

Il était plus important pour l’auteur, dirait-on, de se raconter que de vérifier ses sources. Je n’ai pas compté les passages du livre construits sur le schéma de la thèse et de l’antithèse, la thèse étant le désir et l’antithèse la frustration : j’attendais que... j’imaginais que... je pensais que...
Puis, après quelques pages de description de ses attentes plus ou moins secrètes, vient le « hélas », ou le « patatras », du choc de la réalité : à défaut de pêcheurs lavant leurs filets à Capharnaüm, il aurait bien aimé apercevoir au moins une voile sur le lac... Hélas, il n’a vu et entendu que « les campings en haute Galilée, le fast-food à Nazareth, les HLM au sommet du mont des Oliviers ( ?), les sonos hurlantes à Emmaüs ( ?), bref la vie. » (p. 298). Ce livre est l’expression d’une attente déçue.

On ne manquera pas d’objecter qu’il contient aussi, comme on dit, « beaucoup de choses vraies ». Il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour ne pas en convenir. Mais comme le lecteur qui ne vit pas sur place n’a pas les moyens de démêler le vrai du bluff et qu’aucun artifice typographique ne permet de distinguer les informations objectives des erreurs et des phantasmes, ce livre est finalement plus dangereux que si l’auteur avait tout faux du début à la fin.
En réalité, cet ouvrage est tout sauf une enquête. C’est l’expression de la quête personnelle de Régis Debray, qui se définit comme « chrétien athée » (p. 335), qui répond « I hope so » (« je l’espère ») quand on lui demande s’il est chrétien (p. 403) - « le bon chrétien », est-il précisé par ailleurs, étant lui-même « un juif cynique » (p. 200) - et qui se débat avec ses propres questions sur les religions. Démarche respectable en elle-même, mais qui ne peut se présenter comme un « reportage » que par abus de langage.

Le plus navrant dans cette affaire est la manière dont ce livre a été reçu par la presse. Qu’on puisse dire tout et n’importe quoi sur la « Terre sainte » ne nous surprend plus. Il est plus inquiétant de voir les recenseurs subjugués louer ce livre sans réserve et sans aucune distance critique, au point d’aller jusqu’à le pasticher pour en amplifier l’écho ; comme si seul comptait le style - très discutable au demeurant - et non le contenu.
Affligeant.
Mis en ligne le 4 juin 08