lundi 2 février 2009

curiosité de lecture : Géraldine Brooks - le livre d'Hanna


Terminé hier soir... Un peu de mal a "entrer" dans l'histoire au début... puis de plus en plus passionnant.

La Haggadah de Sarajevo est une enluminure.

Cette Haggadah a suivi les Juifs dans leur exil et durant des générations on a ignoré son existence ;

elle a réapparu à la fin du XXe siècle, lorsqu'un enfant juif de Sarajevo, dont le père venait de mourir, l'a apportée à son école pour la vendre afin de nourrir sa famille.

Conservée au musée de la ville, elle a fait l'objet de soins particuliers de la part des autorités bosniaques durant le siège de Sarajevo.


Très peu de villes dans le monde savent cultiver, comme Sarajevo, une symbiose aussi profonde avec leur population juive.

L’estime est réciproque, et elle se maintient depuis la deuxième moitié du XVIème siècle, quand une partie de la diaspora sépharade expulsée d’Espagne en 1492 s’établit en terre bosniaque.

Pour cette raison, l’évènement culturel le plus significatif de l’année 2002 fut probablement le transfert définitif de la Haggadah dans une salle du Musée de Sarajevo.

C’est aussi la première fois que ce manuscrit d’une valeur incalculable est exposé au grand public.

La Haggadah, écrite et enluminée dans la moitié du XIVème siècle, sans doute à Barcelone, relate la fuite du peuple juif d’Egypte, et elle est lue tous les ans au début de la Pâque juive.

Ce livre, le trésor très précieux de la communauté juive de Sarajevo, a connu nombre de vicissitudes, en commençant par l’aventureux voyage depuis les côtes de Sépharad – l’Espagne - jusqu’à la vallée du Miljacka.

Pendant la seconde guerre mondiale, Sarajevo était occupé par les troupes nazies, et elles exigeaient la remise du manuscrit pour enrichir la collection d’art du Musée de Berlin. La ville faillit perdre la Haggadah à tout jamais.

Seule l’astuce du directeur du Musée de Sarajevo et la collaboration des autorités religieuses musulmanes purent éviter une telle perte.

Le manuscrit resta enterré sous une porte de la mosquée jusqu'à la fin de la guerre.

Depuis lors, la Haggadah est devenue le symbole de l’alliance de la communauté juive avec la ville de Sarajevo et de la solidarité entre sa population juive et sa population musulmane.

Cette valeur symbolique a été confirmée pendant les années du siège de Sarajevo, quand les autorités de la ville furent accusées d’avoir vendu l’œuvre pour acheter des armes. Le président bosniaque Izetbegovic fut obligé de démentir et de montrer la Haggadah devant les caméras de télévision, en s’exposant à bien des critiques, pour les dommages que le manuscrit risquait d’encourir.

L’installation définitive de la Haggadah dans une salle spéciale du Musée de Sarajevo représente l’engagement sans faille de la communauté juive dans l’esprit de tolérance traditionnel de toute la ville.

Et rien ne pourrait mieux exprimer cette dimension de Sarajevo, que ce manuscrit qui nous raconte la fuite du peuple juif, et qui a été conservé de façon jalouse et miraculeuse par ces mêmes victimes sépharades qui fuyaient devant les anciens fantômes de la haine et de l’intolérance en Europe.

Les mêmes fantômes qui, cinq cents ans plus tard, mettront cruellement la ville à l’épreuve en l’assiégeant. La connaissance historique de la souffrance et de la persécution, incrustée dans la mémoire du peuple juif, est peut-être ce qui paradoxalement représente sa force secrète.

Dans la désolation et le pessimisme qui règnent encore dans les consciences des personnalités les plus engagées dans l’esprit traditionnel de Sarajevo, c’est bien la voix d’une personnalité juive qui exprime avec le plus de conviction la foi et la confiance dans l’avenir.

Il s’agit de David Kamhi, intellectuel, musicien, et membre influent de sa communauté: «Bien plus que pour l’absence évidente de volonté politique pour aller vers le chemin le plus juste, bien plus que pour la crise économique, bien plus que pour les indécisions et l’oubli de la part de la communauté internationale, ce peuple et son esprit continueront de se tenir debout. Une République de Bosnie-Herzégovine unie existera toujours. Sarajevo survivra». -Eloy Santos
source :
http://www.babelmed.net/index.php?menu=6&cont=491&lingua=fr



La Haggadah, ou comment raconter la sortie d'Egypte

Extrait du dossier de l'Arche n° 483/Avril 1998


Chaque année, les Juifs du monde entier se rassemblent autour de la table familiale pour manger le repas pascal, boire quatre coupes de vin, et lire un texte nommé Haggadah (pluriel : Haggadot) en souvenir de la sortie d'Egypte où les Hébreux furent réduits en esclavage.
Depuis deux millénaires, le séder (l' ordre, le rituel) de Pessah (la Pâque juive), avec la Haggadah pour fil conducteur, est un des signes principaux de la continuité juive.
La preuve : lorsque des Juifs ont voulu prendre leurs distances díavec la tradition religieuse tout en continuant à revendiquer leur appartenance au judaïsme, ils ont éprouvé le besoin de rédiger une nouvelle version de la Haggadah. On a connu ainsi, dans des kibboutzim d'Israël, une Haggadah où l'action de grâces du Hallel était remplacée par un hymne à la nature, au socialisme, à Ben Gourion ou à Lénine ; et des mouvements féministes juifs ont publié des Haggadot où le nom de Dieu, conjugué au féminin, était invoqué pour célébrer le combat du "deuxième sexe".

A vrai dire, la Haggadah, par sa structure même, se prête à ce genre de sollicitations.
Son contenu, en effet, a varié au cours des siècles. Des textes síy sont ajoutés, religieux ou profanes.
Et aujourd'hui encore, il n'est pas évident de trouver deux éditions de la Haggadah qui soient strictement identiques au point que, lorsqu'on reçoit, comme c'est l'usage, des invités autour de la table du séder, il est prudent de préparer un nombre suffisant d'exemplaires de la même Haggadah afin que tous puissent suivre le texte sans regarder par-dessus l'épaule du voisin.

Il y a pourtant, si l'on excepte les cas limites évoqués plus haut, un important tronc commun aux diverses versions de la Haggadah.
Ce texte relativement bref (l'édition de base, non illustrée, tient en une trentaine de pages) est articulé autour de quelques temps forts, dont on verra le détail par la suite. Son nom, adapté d'une injonction biblique : "Et tu raconteras (higgadta) à ton fils" (Exode, 13, 8), dit assez bien sa fonction essentielle, qui est de transmettre le récit de la sortie d'Egypte en líaccompagnant des commentaires attribués aux maîtres du Talmud.
Mais l'enseignement, ici, ne prend pas la forme d'un discours linéaire. Au contraire, il est résolument multiforme. La Haggadah est, en fait, une espèce de "collage" mêlant récits historiques et interprétations symboliques, poésie populaire et prose rabbinique, injonctions aux hommes et prières à Dieu tout cela composé à des périodes différentes, majoritairement en hébreu mais pour partie aussi en araméen.
Les passages clairs, accessibles aux enfants et destinés à être lus par eux, voisinent avec des paragraphes dont les experts níont pas cessé de discuter les obscurités. Aussi trouve-t-on des éditions de la Haggadah richement illustrées, ainsi que des versions savantes avec plusieurs niveaux de commentaires.

Vers la fin du moyen âge, le texte de la Haggadah commença à prendre une forme plus ou moins définitive dans la plupart des grandes communautés.
A cette époque également on síaccoutuma à éditer la Haggadah sous forme díun livre distinct, et non plus uniquement dans le cadre du livre de prières. Entre le XIIIe et le XVe siècle, apparaissent les magnifiques Haggadot illustrées, dont il nous reste quelques exemples tant séfarades (la Haggadah dorée, la Haggadah Kaufmann, la Haggadah de Sarajevo) qu'ashkénazes (la Haggadah aux têtes díoiseaux, la Haggadah de Darmstadt, la Haggadah de Cincinnati).
Le plus célèbre de ces ouvrages est sans doute la Haggadah de Sarajevo.
Il s'agit d'un manuscrit rédigé au XIVe siècle en Espagne, sans doute dans le royaume d'Aragon, et divisé en trois parties selon l'usage espagnol de l'époque : une série de miniatures peintes de couleurs vives représentant des scènes bibliques, le texte de la Haggadah accompagné d'enluminures, et des lectures bibliques et autres destinées à la semaine de Pessah.
Cette Haggadah a suivi les Juifs dans leur exil et durant des générations on a ignoré son existence ; elle a réapparu à la fin du siècle dernier, lorsqu'un enfant juif de Sarajevo, dont le père venait de mourir, l'a apportée à son école pour la vendre afin de nourrir sa famille. Conservée au musée de la ville, elle a fait l'objet de soins particuliers de la part des autorités bosniaques durant le siège de Sarajevo.

Une telle oeuvre díart ne pouvait être commandée que par des personnes particulièrement fortunées.
Mais le développement de l'imprimerie fit entrer la Haggadah dans tous les foyers juifs. Le premier chef-d'oeuvre dans ce domaine est la Haggadah de Prague (1526), dont on trouve aujourd'hui des reproductions en fac-similé qui font apparaître la beauté de ses illustrations (en noir et blanc, évidemment).
Le même texte, mais avec de nouvelles illustrations, se retrouve dans la Haggadah de Mantoue (1560). Celle-ci sert ensuite de modèle aux Haggadot publiées à Venise au début du XVIIe siècle, qui à leur tour inspireront la Haggadah d'Amsterdam (fin du XVIIe siècle).
Des éditions populaires de la Haggadah, généralement copiées sur les éditions de Venise et d'Amsterdam, abonderont par la suite. (…) .

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