jeudi 23 avril 2009

curiosité de lecture : compagnons du devoir

Ce livre a vraiment aiguisé ma curiosité... le mystère tourne autour des compagnons du devoir, j'ai donc eu envie d'en savoir un peu plus...
et j'ai trouvé cet article qui me parait le plus intéressant sur le sujet.
Sinon, lire également : de Émile Coornaert, Les Compagnonnages en France, du Moyen Âge à nos jours, Les Éditions ouvrières, 1966


Tradition et Légende

Les compagnons revendiquent de tous temps une origine mythologique à trois figures emblématiques (Salomon, Maître Jacques et le père Soubise)

et à deux temps : la construction du temple de Jérusalem dont maître Jacques aurait été l'architecte en compagnie de son ami maître Soubise,

et la fin de l'ordre des Templiers, bâtisseurs féconds.

Dans ce second temps maître Jacques deviendrait alors Jacques de Molay, dernier maître exécuté en 1314 sur ordre de Philipe le Bel.
Sur ces bases, chaque corps de métier et chaque époque a brodé sa propre variante mais d'un point de vue général, les gens du bâtiment furent réellement les créateurs du Compagnonnage.

Le compagnonnage serait un reliquat des sociétés secrètes de l'antiquité.Antiquité qui avait d'ailleurs ses sociétés d'ouvriers.

On donne le nom de compagnonnage à certaines associations formées entre les ouvriers du même état ou d'états analogues et dont le but est de se prêter de mutuels secours.

Le compagnonnage était jadis, sous le régime des règlements, des restrictions et des privilèges que la Révolution renversa, le second degré du noviciat pour arriver à la maîtrise.

On n'y était admis que cinq ans après avoir été reçu apprenti et sur la production d'un chef-d'œuvre. L'association des compagnons d'un corps d'état pour s'entraider, s'assister et trouver de l'ouvrage, a survécu à la chute du monopole industriel frappé par la loi du 2 mars 1791, et forme le compagnonnage en cours au XIXe siècle.

Selon telle ou telle version, la tradition* voudrait donner au compagnonnage une origine biblique :

ses fondateurs (maître Jacques, tailleur de pierre, et le père Soubise, charpentier) auraient participé au temps de Salomon (Xe siècle av. J.-C.) à l'édification du premier temple de Jérusalem avant de venir introduire le rite en Gaule.

Dans une autre version nous les retrouvons au XIIe siècle, moines constructeurs créant les premières associations d'ouvriers itinérants.

En fait, sans doutes héritiers des guildes, frateries et hanses nées dès le VIIIe siècle, il est à peu près certain que le compagnonnage naquit au XIIe-XIIIe siècle, essentiellement dans le cadre de la construction des cathédrales et à côté des corps de métiers.

Sans pouvoir en tirer de preuve véritable sur l'existence d'un compagnonnage à cette époque, on trouve par le concile de Rouen en 1189 et celui d'Avignon en 1326 des décrets de l'Eglise concernant l'excommunication de confréries clandestines dont les membres se réunissent régulièrement, prêtent serment, revêtent des tenues particulières et promettent de se porter secours mutuellement.

En 1258, dans son Livre des métiers qui codifie les usages corporatifs parisiens, Etienne Boileau mentionne 1 268 ouvriers voyageurs.

En 1276 Rodolphe 1er accorde des franchises aux tailleurs de pierre de Strasbourg. Mais il est fort probable qu'à côté des guildes et corporations reconnues existaient déjà des organisations d'entraide ouvrière qui agissaient clandestinement pour ne pas souffrir les interdictions de l'Eglise et de l'autorité Royale.

Dès le XIIe siècle on voit aparaître sur les statues, les monuments, les peintures, des signes qui sont particuliers aux compagnons ou qui évoquent leurs rites et légendes.

Ainsi des bas-reliefs sur une colonne du XIIIe siècle à St-Bertrand de Commingues.

A Chartres et à Poitiers également où l'on découvre une guillebrette (maison canoniale du XIIIe et Notre-Dame-de-la-Grande).

A Chartres encore, deux personnages accroupis face à face tenant des dés qui représenteraient un maître et un apprenti car sur les dés sont figurés des symboles compagnonniques.


Villard de Honnecourt a d'ailleurs fait un dessin de cette scène en y ajoutant un sanglier et un lapin qui désignent chez les compagnons l'initié et l'apprenti.

A Valenciennes, une figuration des deux colonnes Hachin et Boaz ;

à St-Denis, le Christ faisant un signe compagnonnique ;

à Strasbourg, la mort d'Hiram. Autant de signes troublants qui ne peuvent pour autant être pris comme preuves car communs aux compagnons mais aussi à la religion.

On peut cependant citer encore l'Abbé Grandidier (XVIIIe) qui aurait retrouvé trace de rituels pratiqués par les ouvriers de la cathédrale de Strasbourg au XIIIe siècle.
illustration : Joueurs de dés - Carnet de Villard de Honnecourt


Il y serait fait état d'une "mère" qui tient une auberge, de voyages de compagnons et de l'assistance mutuelle qu'ils doivent se porter.



De même dans le fameux manuscrit de Villard de Honnecourt de nombreux dessins sont évocateurs, ne seraient-ce que ces esquisses de personnages ou d'animaux sur lesquels sont superposés des dessins géométriques ; certains pensent qu'il pourrait s'agir d'une sorte de "mémento" permettant de rappeler aux bâtisseurs des procédés de tracé.

illustration : autoportrait de Villard de Honnecourt

A la fin du Moyen Age, la puissance des corporations est grandissante et y accéder à la maîtrise est devenu très difficile car le recrutement des maîtres se fait de plus en plus par voie héréditaire.

Ainsi en réponse à cette puissance des corps de métiers apparaissent les confréries ouvrières.

On parlait plus à cette époque de "corporations de métiers" que l'on décomposait en trois grandes catégories : les maîtres qui devaient faire preuve de compétences techniques et payer des droits d'entrée, les apprentis (destinés à devenir maîtres) et les valets que l'on appellera compagnons à partir du XVe siècle.

Les ouvriers qui allaient travailler de province en province ne pouvaient s'enfermer dans le cadre étroit et réduit de la corporation que les maîtres s'appliquaient d'ailleurs à rendre de plus en plus exclusive avec le temps.

La "confiscation" des corporations par les patrons s'est faite avec la complicité du régime (octroi des lettres de maîtrise par l'autorité royale). De là le besoin très réel pour les ouvriers de fonder des associations particulières, sortes de confréries qui assuraient leur défense, la solidarité ouvrière et dont la protection les accompagnait dans leurs pérégrinations laborieuses.

Ces associations ne servaient pas seulement à assurer du travail à l'ouvrier jeté dans une ville inconnue, elles lui faisaient aussi trouver des mains fraternelles, des visages amis partout où il allait ; elles lui assuraient des secours et du pain dans le besoin, loin de son pays et des siens.

Ce fut surtout l'instinct de défense mutuelle qui porta les hommes de même métier à se protéger et à s'unir contre l'arbitraire des patrons.

A la ligue des bourgeois et artisans établis, il fallait opposer la ligue des travailleurs. L'atelier ayant cessé d'être un asile commun et étant devenu une sorte d'exploitation du plus faible par le plus fort, l'intérêt du maître et celui du compagnon étaient devenus aussi distincts que possible et un fossé profond avait fini par se creuser ; de là l'indispensable association ouvrière avec ses règlements, ses usages et ses mystères.

Au XIVe siècle les parcours des compagnons furent attestés dans la ville de Rouen ; au début du XVe siècle les menuisiers, les brodeurs et les tondeurs pouvaient ester en justice en tant que corps. L'essentiel des traits du compagnonnage était donc déjà bien dessiné à la fin du Moyen Age...

Dans son "Etude sociale sur les corporations compagnonniques", le couvreur Auguste BONVOUS nous apprend que "C'est seulement vers 1470 que les archives municipales font la mention des Compagnons du Devoir.

Les garçons du Devoir, serruriers, en Poitou, fondent les compagnons serruriers du Devoir en se rangeant sous l'égide de Maître Jacques.

A Orléans, les forgerons luttent contre les vanniers**** ; le guet s'empare du logis des compagnons forgerons du Devoir et prennent un coffret de fer dans lequel il y avait un lopin et une chanson contre les vanniers (sept. 1451)."

A partir du XVIe siècle, édits et sentences faisant défense aux ouvriers de s'assembler se multiplièrent**.

Les réunions de compagnons furent interdites par l'autorité royale (ordonnances de 1539, 1534, 1566...) à laquelle s'ajouta celle de l'Eglise. En effet, tous les rites mystérieux entourant le compagnonnage, les libations, les réunions, les "mères", les masques, bâtons, rubans et autres attributs attirèrent les foudres de la justice royale et de la justice ecclésiastique.

Ainsi, les imprimeurs de Lyon furent par exemple menés entre procès et émeutes contre l'autorité royale entre 1539 et 1573. Les associations d'ouvriers se retrouvaient sans statut légal, réprimées par les pouvoirs publics et dénoncées par les autorités corporatives.

Elles devaient se mettre en place clandestinement mais malgré la multiplication des interdits les autorités furent en fait tout à fait impuissantes à empêcher l'accroissement du compagnonnage.

Certains compagnonnages (appelés "devoirs" jusqu'au XVIIe siècle) se transformèrent en véritables sociétés secrètes qui se ramifièrent dans tout le pays, les plus nombreux étant ceux des métiers du bâtiment (maçonnerie et charpenterie).

Dans leur "résistance", les compagnons n'hésitèrent pas à s'engager dans les conflits religieux. Les Gavots (enfants de Salomon) furent considérés comme réformés et les Dévoirants (enfants de maïtre Jacques) pour catholiques ce qui attisa les rivalités*** entre sociétés parallèlement à l'aval qu'ils exerçaient sur les salaires et les embauches.

Au XVIIe siècle, après toute une série de procès de 1643 à 1655 contre les cordonniers et ouvriers du textile et du cuir, Michel-Henry Buch tenta de créer une structure "honnête" avalisée par la Sorbonne et l'Etat.

On créa à Paris, à Lyon et à Soissons des "couvents-coopératives" mais ceux-ci devinrent à leur tour des foyers de résistance aux autorités des corporations et aux maîtres.

Le mot compagnon désignait l'ouvrier qui ayant fini son apprentissage travaillait pour le compte d'un industriel ou d'un entrepreneur, ainsi le compagnonnage était la durée du travail des anciens apprentis devenus compagnons chez leur patron avant de pouvoir enfin travailler pour leur propre compte.

C'est donc à partir du XVIIe siècle que le compagnonnage tel que nous l'entendons a été véritablement organisé.

Chaque Devoir observait des règles et rites qui lui étaient propres tant au niveau de l'initiation de ses membres qu'à leur formation professionnelle et spirituelle, le tout étant entièrement tourné vers la transmission du savoir, le souci du matériau et de l'outil mais aussi le respect du travail et de l'oeuvre à accomplir.

Ainsi, le compagnon désespérant de la maîtrise soit à cause d'un stage presque indéfini, soit à cause de sa pauvreté, entreprit de courir de ville en ville les chances de la fortune, excellent moyen du reste pour acquérir une instruction et une expérience que la routine de l'atelier oridinaire lui refusait.

De là le tour de France et les agrégations de compagnonnage de plus en plus multipliées parce que de plus en plus nécessaires à l'ouvrier voyageur, et de plus en plus secrètes et mystérieuses parce que l'ombre et le silence pouvaient seuls permettre d'échapper aux sévérités de la législation faite tout entière au profit des bourgeois et des maîtres.

Les associations du compagnonnage eurent pour objet l'assistance mutuelle des compagnons de chaque société ou devoir, et répondirent aussi à un besoin qui alors devait être fort vivement senti et qui était de tous les instants. Il s'agissait de faciliter les déplacements et les voyages en procurant aux affiliés, dans toute l'étendue du pays mais surtout dans un certain nombre de villes dites "du tour de France", travail, aide et protection.

Pour lire la suite de ce passionnant article, se référé au blog :
http://genhames.free.fr/comphisto.htm

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