jeudi 30 avril 2009

Les Etats-Unis s'emballent pour Irène Némirovsky

revue de presse - Le Monde...
Cher amour, ne t'inquiète pas de moi. Je suis bien arrivée. Il y a un peu de désordre mais la nourriture est très bonne. Surtout ne t'en fais pas. Ça se passera mon cher aimé." La lettre date de juillet 1942.
Irène Némirovsky vient d'arriver au camp de Pithiviers.
Elle a tout de suite été fichée :
"Nom : Epstein née Nemirovsky.
Prénoms : Irène, Irma.
Date de naissance : 11 février 1903 à Kiev.
Profession : Femme de lettres."
Sait-elle exactement ce qui l'attend ?
Elle s'emploie en tout cas à rassurer son mari, Michel Epstein : "Ça se passera..." Quelques mois plus tard, elle est déportée à Auschwitz.
Michel Epstein, désespéré, écrit à Otto Abetz, alors ambassadeur d'Allemagne à Paris. Il fait valoir que sa femme "souffre d'asthme" et qu'"un internement dans un camp de concentration serait pour elle mortel". Il le sera.



Des documents officiels, des lettres, des carnets couverts de notes à l'encre bleue des mers du Sud, un sac à main, des plans pour des livres à venir, une carte du Musée Rodin, l'un de ses lieux parisiens favoris, et bien sûr la mythique valise ayant servi à transporter le manuscrit de Suite française... : telles sont quelques-unes des précieuses archives que l'on peut voir actuellement au Museum of Jewish Heritage de New York, dans le cadre d'une exposition intitulée "Woman of Letters.
Irène Némirovsky and Suite française".
Initialement prévue jusqu'en mars, cette exposition, victime de son succès, a été prolongée jusqu'au 30 août. Elle aura ainsi duré près d'un an.
Un record pour un événement de cette nature aux Etats-Unis. Un fait marquant aussi, alors qu'au moment de sa préparation, en 2007, le Musée d'art et d'histoire du judaïsme n'avait pas souhaité l'accueillir, arguant du fait que la romancière, dans les années 1930, aurait fait preuve d'une vraie ambiguïté à l'égard de l'antisémitisme.

PLUS D'UN MILLION D'EXEMPLAIRES

Les Américains, quant à eux, ne se lassent pas d'entendre parler d'Irène Némirovsky.
Quand ils découvrent Suite française en 2006, c'est "love at first sight", le coup de foudre.
A peine le livre est-il publié par Knopf que les journaux s'enflamment.
Presque trois pages dans la "Book Review" du New York Times, du jamais-vu ! Une surprise ? Pas totalement, note Lucinda Karter, directrice de la French Publishers'Agency, qui a participé, de New York, à la négociation des droits de traduction entre l'éditeur Denoël et le monde anglophone.
"Quand j'en ai entendu parler pour la première fois, j'ai pensé que Suite française contenait tous les ingrédients pour devenir ici un succès énorme : une histoire vraie, tragiquement inachevée ; les pérégrinations incroyables d'un manuscrit miraculeusement sauvé de la destruction et que, pendant des années, les filles d'Irène Némirovsky n'ont pas osé ouvrir. Et enfin, l'histoire de sa publication et de son accueil posthume."

Depuis 2006, le succès d'Irène Némirovsky aux Etats-Unis ne faiblit pas.
Avec plus d'un million d'exemplaires vendus, Suite française, qui est toujours dans la liste des best-sellers en poche, a même entraîné dans son sillage des titres de Némirovsky publiés de son vivant - David Golder (1929), Le Bal (1930), L'Affaire Courilof (1933)... - dont on voit des exemplaires dans les vitrines de l'exposition.
"Tout récemment, le département édition de la New York Review of Books a acheté les droits du Mirador, la biographie imaginaire d'Irène Némirovsky par sa fille Elisabeth Gille, souligne Lucinda Karter. Irène Némirovsky fait aujourd'hui partie des rares écrivains français connus du très grand public américain, aux côtés de Camus ou de Proust... !"

"LA VÉRITÉ DÉRANGEANTE"

La controverse sur son rapport au judaïsme ?
Elle a fait l'objet d'un débat au musée en décembre 2008 et The New Republic a publié un long article (30 janvier) sous-titré "La vérité dérangeante sur une nouvelle héroïne littéraire", où sont notamment mentionnées les sommes que Némirovsky a gagnées en publiant dans l'hebdomadaire d'extrême droite Gringoire.
"L'exposition n'occulte rien : elle est faite précisément pour susciter et affronter ces questions, note Emmanuelle Lambert, de l'Institut mémoire de l'édition contemporaine (IMEC), qui a coproduit l'événement avec le Museum of Jewish Heritage.
Les Américains ont courageusement fait oeuvre d'historiens, en sortant d'une logique communautariste, et en acceptant de prendre l'histoire dans ce qu'elle a de complexe."

Devant le fac-similé du manuscrit de Suite française - l'original est actuellement à la New York Public Library -, le public se presse, fasciné par ces lignes fines et serrées, écrites quelques heures encore avant l'arrivée de la police de Vichy.
On y lit l'urgence et le manque - de papier, d'encre, de temps... Au moment où Denoël annonce pour mai un nouveau recueil de Némirovsky, Les Vierges et autres nouvelles, le succès de cette exposition conduira-t-il la France à la monter finalement ? "Oui, répond Emmanuelle Lambert. Nous sommes en discussion avec le Mémorial de la Shoah, à Paris.
L'exposition devrait y être présentée dans une version remaniée et développée." Mais pas avant 2010.
source : le monde - Florence Noiville

2 commentaires:

kali a dit…

Très bonne idée que de te faire le relais des articles qui nous échappent. Je ne savais pas du tout qu'Irène Nemirovsky créait un tel engouement!

mazel a dit…

bonjour Kali,
comme tu le vois, je suis une lectrice compulsive... tout ce qui approche la littérature et surtout les auteurs que j'aiment...
bonne journée,
bon premier mai,
et surtout bonne lecture...
bises