"Tant de mains pour transformer ce monde, et si peu de regards pour le contempler!"
*
Corti, 1951
Troisième roman de Julien Gracq, le plus célèbre, le plus "analysé".
Primé au Goncourt 1951 : Julien Gracq refusera le prix.
(Pour cette fameuse "affaire" – dont La littérature à l’estomac était déjà une réponse anticipée –, voir l’article de Bernhild Boie, page 1359 du premier tome de la Pléiade consacrée à Julien Gracq).
Aldo, à la suite d’un chagrin d’amour, demande une affectation lointaine au gouvernement d’Orsenna. S’ensuit alors la marche à l’abîme des deux ennemis imaginaires et héréditaires. Les pays comme les civilisations sont mortels. C’est à ce fascinant spectacle que Julien Gracq nous convie ici.
Cette insolite histoire de suicide collectif laisse une subtile et tenace impression de trouble.
"Ce que j’ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage cles Syrtes, plutôt qu’à raconter une histoire intemporelle, c’est à libérer par distillation un élément volatil "l’esprit-de-l’Histoire", au sens où on parle d’esprit-devin, et à le raffiner suffisamment pour qu’il pût s’enflammer au contact de l’imagination.
Il y a dans l’Histoire un sortilège embusqué, un élément qui, quoique mêlé à une masse considérable d’excipient inerte, a la vertu de griser. Il n’est pas question, bien sûr, de l’isoler de son support. Mais les tableaux et les récits du passé en recèlent une teneur extrêmement inégale, et, tout comme on concentre certains minerais, il n’est pas interdit à la fiction de parvenir à l’augmenter.
Quand l’Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939, elle dispose sur l’ouïe intérieure de la même agressivité monitrice qu’a sur l’oreille, au bord de la mer, la marée montante dont je distingue si bien la nuit à Sion, du fond de mon lit, et en l’absence de toute notion d’heure, la rumeur spécifique d’alarme, pareille au léger bourdonnement de la fièvre qui s’installe.
L’anglais dit qu’elle est alors on the move.
C’est cette remise en route de l’Histoire, aussi imperceptible, aussi saisissante dans ses commencements que le premier tressaillement d’une coque qui glisse à la mer, qui m’occupait l’esprit quand j’ai projeté le livre. J’aurais voulu qu’il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l’orage, qui n’a aucun besoin de hausser le ton pour s’imposer, préparé qu’ il est par une longue torpeur imperçue." (Julien Gracq, En lisant en écrivant, p.216)
Il y a dans notre vie des matins privilégiés où l’avertissement nous parvient, où dès l’éveil résonne pour nous, à travers une flânerie désœuvrée qui se prolonge, une note plus grave, comme on s’attarde, le cœur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l’instant d’un grand départ.
Quelque chose comme une alerte lointaine se glisse jusqu’à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes; c’est peut-être le bruit d’un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d’un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil;
mais ce bruit de pas éveille dans l’âme une résonance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l’oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n’a pas plus d’écho que la mer.
Notre âme s’est purgée de ses rumeur et du brouhaha de foule qui l’habite; une note fondamentale se réjouit en elle qui en éveille l’exacte capacité. Dans la mesure intime de la vie qui nous est rendue, nous renaissons à notre force et à notre joie, mais parfois cette note est grave et nous surprend comme le pas d’un promeneur qui fait résonner une caverne: c’est qu’une brèche s’est ouverte pendant notre sommeil, qu’une paroi nouvelle s’est effondrée sous la poussée de nos songes, et qu’il nous faudra vivre maintenant pour de longs jours comme dans une chambre familière dont la porte battrait inopinément sur une grotte.
portrait de Tonia Cariffa
Il y a des livres qui sont comme des paysages ; ils laissent en nous des traces, des lignes, des couleurs… et un "lointain".
Ils se composent et se recomposent constamment dans notre mémoire secrète ; si on les revoit, ils sont ensoleillés d’une autre manière, enrichis d’attente et plus profonds...
La magie du style et sa recherche, l’affectation que ses personnages portent comme une parure, les événements qui vont, de peu ou très loin, toujours "au-delà", au-delà du raisonnable, du logique, de l’attendu, qui dépassent l’horizon et obligent à considérer ce qui n’est pas là et pourtant présent, tout cela et ce "charme" qu’on n’explique ni ne définit, baignent en moi, comme une vague indispensable, une partie de mon rivage intérieur. - Réforme
*Avec Le Rivage des Syrtes Julien Gracq a écrit un imprécis d’histoire et de géographies à l’usage des civilisations rêveuses. Ce récit ajoute aux prestiges d’un pays de légende, ceux d’une leçon d’histoire, non moins inventée. Sans une époque comme la nôtre, où les événements, leurs causes, leur enchaînement, leur répétition sont, non sans quelques raisons d’ailleurs, considérés avec une ferveur déférente, l’Histoire est un domaine tabou. Avec une désinvolture audacieuse, M. Gracq en a décidé autrement. Il étonnera plus d’un esprit curieux ; il choquera les plus objectifs. - Antoine Blondin, Rivarol, 6 décembre 1951
*Un style d’antiquaire, déployant de longues périodes drapées d’une élégance apprêtée, avec un croulement volontaire d’épithètes abstraites et rares, un entremêlement savant de principales et d’incidentes. Il n’est pas désagréable d’assister à une réaction contre l’écriture dite parlée, l’effilochement triste du langage auquel s’appliquent désespérément tant de jeunes romanciers.
J’estime chez M. Gracq la tenue de l’écriture, mais je déplore qu’elle soit obtenue au prix du naturel.
Les adjectifs dont s’alourdissent les branche et les rameaux de la phrase Gracq, comme de fruits trop pesants, tarissent automatiquement en moi les ressources d’émotion que je prêtais généreusement à l’écrivain. - Claude Roy, Libération, 5 décembre 1951.
*Oui, c’est un beau ivre, Le Rivage des Syrtes. Il n’a aucun des vices du roman contemporain. Il ne fait aucune concession à l’existentialisme […] ni au freudisme. Il ne se barbouille pas de noir. Il est profond, sans affecter la profondeur. - André Rousseaux, Les Nouvelles littéraires, 6 décembre 1951.
*Il se passe ici quelque chose de bizarre. Alors qu’on n’a pas cru un instant à la réalité de l’histoire, ni à l’existence des personnages, on souhaite la catastrophe, mieux, on est convaincu de sa nécessité.
Oui que soit détruite Orsenna, envahie Maremma, prise la forteresse, que les nomades du désert se répandent dans les rues dallées, dans les hautains palais moisis, que les habitants soient renfoncés en terre. Leur sauvegarde est bien là, leur rachat si l’on préfère. Pourquoi ?
Ah! c’est plus difficile. On ne voit qu’une raison : dans l’univers de Julien Gracq, les pierres sont plus vraies, plus justes, plus vivantes que les hommes.
" Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres : rejoindre l’univers minéral, c’est accéder à l’éternel. [...] "
C’est un paysage de fin du monde, les pierres y sont les ossements de la terre, l’homme ne peut souhaiter que se coucher sur elle, se mêler en elle aux immenses strates des siècles. La terre est rendue à son destin de planète les hommes tremblent sans le savoir du besoin de se fondre en elle l’aveugle à l’obscur.
Voilà ce que sans jamais le dire explicitement, laisse entendre Julien Gracq. Si soigneusement qu’elle soit voilée, il y a dans le Rivage des Syrtes, plus encore que dans ses premiers romans, une grandeur insidieuse et sauvage.
Où il a passé, l’herbe non plus ne repousse pas. - Dominique Aury, Combat, 6 décembre 1951.
Julien Gracq est né le 27 juillet 1910 à St Florent-le-Vieil sur les bords de la Loire, entre Nantes et Angers, commune dans laquelle il se retirera, très éloigné des cercles littéraires et des parades mondaines, jusqu'à sa mort – le 22 décembre 2007.
Le pensionnat marque l’enfance de Julien Gracq.
Il fréquente d’abord un lycée de Nantes, le célèbre lycée Henri IV à Paris puis l’École Normale Supérieure et l’École libre des Sciences Politiques.
Agrégé d’histoire, Julien Gracq débute sa double activité en 1937.
D’une part il entreprend son premier livre, Au château d’Argol, et de l’autre, il commence à enseigner, successivement aux lycées de Quimper, Nantes, Amiens, et se stabilise au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947, jusqu’à sa retraite en 1970.
Signalons qu’il sera professeur sous son vrai nom, Louis Poirier, et écrivain sous le nom plus connu de Julien Gracq, qui construit continûment, après ce premier ouvrage, une œuvre de romancier, de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d’essayiste. Ainsi seront publiés, toujours chez le même éditeur, José Corti, dix-huit livres.
L'intégralité de l'œuvre de Julien Gracq est publié aux éditions Corti.
Au château d’Argol, 1938
Un beau ténébreux, 1945
Liberté grande, 1947
Le Rivage des Syrtes, 1951
Prose pour l’Etrangère, 1952, 36 pages, 63 exemplaires, HC
Penthésilée, 1954
Un balcon en forêt, 1958
Préférences, 1961
Lettrines, 1967
La Presqu’île, 1970
Lettrines II, 1974
Les Eaux Etroites, 1976
En lisant en écrivant, 1980
La Forme d’une ville, 1985
Autour des sept collines, 1988
Carnets du grand chemin, 1992
Entretiens, 2002
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La magie du Verbe
L'espace dans le rivage des Syrtes
Dans l’œuvre romanesque de Julien Gracq, les personnages se meuvent dans un espace doué de signification qui s’ordonne magnétiquement autour des lieux, tel le château, l’Amirauté, l’hôtel des Vagues, l’étrange maison de Jacques Nueil.
Ces centres géométriques qui protègent l’homme, qui lui servent de refuge, présentent certaines constantes : ils sont isolés, de construction parfois étonnantes ; à l’intérieur, les objets du mobilier, de la décoration, s’organisent selon un ordre qui manque souvent de logique.
On entre dans ces lieux "refuges" au cours d’une sorte d’initiation, avec un certain rituel.
D’ailleurs il faut répondre à certaines normes, qui ne sont jamais définies, mais que l’on peut concevoir : le héros Gracquiens sont doués d’un prestige physique, intellectuel, d’une rare intensité. Seuls ces êtres prédestinés, sélectionnés entrent et sortent de ces lieux - refuges auxquels s’opposent un espace, dont les diverses composantes semblent appartenir à une logique autre que celle du monde réel : ce sont, l’Allée (111) à la géométrie implacable ouvrant sur un rond – point de bout du monde, la Chapelle des Abîmes (112) mystérieuse et envoûtante, le cimetière aux tombes vacantes (113), le château de Roscaër (114), l’île de Vezzano et le volcan Tangrï (115).
Pour les personnages, ces pôles magnétiques de leur errance, appartient à un espace sacré, dans la mesure où le sacré fait irruption dans le réel.
Un exemple pris dans Le Rivage des Syrtes illustrera cette idée de la hiérophanie (116), c’est à dire l’irruption de quelque chose de sacré se montrant à l’homme. Chez Gracq il est rarement question de religion, encore moins de théologie, et pourtant le climat dans lequel baigne Le Rivage des Syrtes est un climat religieux.
Nous allons voir comment les métaphores, les images et autres procédés de style qui régissent ce roman, obéissent aux règles qu’a définies Mircea Eliade dans Le Sacré et le Profane (117) et comment l’espace illustré par le Farghestan, cet autre côté fabuleux et mystérieux qui attire magnétiquement et fatalement Aldo, est un espace sacré.
Car, c’est l’espace de la Révélation.
Aldo, en allant voir ce qui se passe, là-bas, de l’autre côté, se réalise, parce qu’il force les mystères du sacré, oubliant le monde réel, banal, et quotidien, fait d’ennui, de compromission, de lâcheté dont se contente Marino et ses semblables.
L’Espace sacré :
Les Syrtes, frontières entre l’ici et l’Aude-là, entre le Sacré et le Profane. Le récit est vu uniquement du côté terrestre.
Du Farghestan on ne sait rien, sinon qu’"ils" sont singulièrement éveillés, là-bas.
De l’île de Vezzano qui est le centre géométrique entre la Seigneurie d’Orsenna et le Farghestan, on aperçoit le volcan Tängri.
Ce volcan terrifie les citoyens d’Orsenna. Le volcan, soi-disant éteint, laisse échapper un mince cône de fumée, la nuit où Aldo s’approche du Farghestan. Le Tängri est le centre des préoccupations de ces hommes. Le Tängri est une sorte de lieu sacré. Seuls, certains êtres en prononcent le nom : Vanessa et Aldo.
Les marins du Redoutable ne le prononcent pas : "Le Volcan ! Le Volcan ! hurlèrent d’une seule voix trente gorges étranglées (…)" (118). D’ailleurs, prononcer son nom c’est souiller ce qui se cache derrière.
En effet, les mots trahissent la pensée. Et Aldo constate : "Ce que je voulais n’avait de nom dans aucune langue. Etre plus près. Ne pas rester séparé. Se consumer à cette lumière. Toucher" (119).
Dans la mentalité primitive et religieuse, la montagne est ce qui relie la terre au ciel, c’est le point de passage d’un monde à l’autre : "(…) la communication avec le ciel est exprimée indifféremment par un certain nombre d’images se référant toutes à l’Axis Mondi : piliers, échelles, montagne, arbre, liane, etc. " (120).
Le nom même de Tängri est emprunté à la divinité mongole Dieu-Ciel dans les langues Ouralo-Altaïques (121).
On peut considérer que la fumée qui s’échappe de la bouche du volcan est l’image des relations entre la Terre et le Ciel. Elles élèvent l’âme vers l’Au-delà.
Pour Aldo le Farghestan est un "Au-delà" fabuleux.
Par la suite il ne peut s’expliquer comment il a fait l’acte irrémédiable : aller voir le Tängri de plus près.
Il est semblable à Don Juan qui veut appréhender la merveille, toucher l’intouchable. mais le sacré est inviolable et il faut être une âme damnée, pour l’approcher, comme le lui souffle Fabrissio : "tu es le diable ! "(122).
Aldo a le désir de se brûler à cette lumière sortie de la mer. L’emploi du nom du Tängri donne une résonance cosmogonique : "Le nom mongol de la divinité suprême est Tängri, qui signifie ciel, tengeri des Bouriates, tëngére des Tatars de la Volaga, Tingir des Beltires, tangara des Yakoutes…"(123).
Le Tängri est une montagne sacrée où se rencontrent le Ciel et la Terre c’est l’Axis Mondi : "L’Enfer, le centre de la Terre et la "Porte" du ciel se trouvent (…) sur le même axe et c’est par cet axe que s’effectuait le passage d’une région cosmique à une autre" (124).
Le volcan se met en frais pour saluer l’arrivée du Redoutable. Le volcan éteint depuis longtemps, laisse échapper un cône de fumée. Il est possible d’interpréter par cette soudaine activité du volcan, une manifestation de l’Enfer, du royaume souterrain.
Une analogie s’impose dès lors entre cette manifestation d’un feu intérieur et le symbolisme héraldique des armes de Rhages : "A l’angle de droite portant le serpent entrelacé à la chimère, et tel que je l’avais si souvent déchiffré à l’Académie diplomatique au bas des traités poussiéreux et centenaires, le sceau de la Chancellerie de Rhages étoilait la feuille" (125).
La chimère, en terme héraldique, est un animal fabuleux nous l’avons vu, venu de la mythologie grecque, personnification probable des volcans. Les chimères en effet laissaient échapper des flammes (126).
Si on se réfère à la correspondance qu’il peut y avoir entre les animaux et les éléments, on peut constater que le "serpent entrelacé à la chimère" évoque l’union de la terre et de l’eau (serpent) au feu (chimère). Rhages est le centre du monde pour Aldo, Vanessa et ceux qui "attendent".
C’est à la fois le passage entre la terre et le ciel, entre le monde réel et le monde surréel.
Et Aldo rappelle parfois le chaman qui dans son voyage mystique, gravit la montagne cosmique, s’arrête devant un trou car c’est l’entrée de l’autre monde : "les mâchoires de la terre", "le trou de fuite de la terre"(127).
Les religions orientales ont franchi le pas qui sépare la montagne de l’arbre, fait le lien entre la terre et le ciel.
L’escalade de l’arbre fait partis de nombreuses initiations, notamment dans le chamanisme.
Et aux solstices d’hiver, le 25 décembre, et d’été, 24 juin (St Jean), l’illumination des arbres est le souvenir de ces croyances très anciennes : "Aux solstices d’hiver (25 décembre) correspond la fête de naissance de la divinité solaire, parce qu’apparaît alors dans le ciel le soleil nouveau, premier des douze disques ou boucliers de l’année.
Quelques détails historiques éclairent pour mieux comprendre le rôle que jouent dans cette fête et dans celle du solstice d’été, la rue flamboyante, la couronne de lumière, les rondes les moulinets de torches ardentes dominant dans la nuit des orbes de feux, l’étoile solaire et jusqu’aux boules de nos arbres de Noël"(128).
Au chapitre 9 du Rivage des Syrtes l’apparition du volcan est une création personnelle de l’auteur, mais l’impression d’arbre de Noël illuminé persiste : "(…) une apparition sortait de la mer comme un mur. (…) sur la droite la forêt de lumières de Rhages frangeait d’un scintillement immobile l’eau dormante.
Devant nous, pareil au paquebot illuminé qui mâte son arrière à la verticale avant de sombrer, se suspendait au-dessus de la mer vers des hauteur de rêve un morceau de planète soulevé comme un couvercle, une banlieue verticale, criblée, étagée, piquetée jusqu’à une dispersion et une fixité d’étoiles de buissons de feux et de girandoles de lumière "(129).
A cette notion d’objet vertical, sombre, criblé de lumières, s’ajoute celle de lieu sacré, de lieu de culte : "Comme le piédestal, la pyramide brasillante et tronquée d’un autel qui laisse culminer dans la pénombre la figure du dieu, l’espalier de lumières finissait à cette lisière inégale"(130).
A l’idée d’autel, de lieu sacré, s’ajoute celle du dieu, dont on ne prononce pas le nom : "Le Tängri ! dit doucement Fabrissio pâle comme la cire, en enfonçant ses ongles dans mon poignet, comme devant une de ces puissances très rares dont le nom est prière, et qu’il est permis seulement de reconnaître et de nommer" (131).
Mais gardant toujours ses distances, par rapport au lecteur, Gracq ramène soudain une image fantastique et sacrée, à celle plus profane de "Géant illuminé".
Cette mise en garde de l’auteur contre toute interprétation est sensible même au niveau de l’écriture, dans sa retenue, et dans son refus de toute identification. En effet, il n’y a pas qu’une voie pour approcher un texte Gracquien mais plusieurs voies susceptibles de nous y conduire. Or, si on désire être sincère avec le texte, il faut aller au bout de sa propre voie, il faut examiner tous les points de repère qui jalonnent la route qu’il nous ouvre.
-Marguerite-Marie Bénel-Coutelou - http://www.autourdejuliengracq.fr/Autour_de_Julien_Gracq/Accueil.html
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