"La quête de la vérité ne peut jamais s’arrêter. Elle ne saurait être ajournée, elle ne saurait être différée. Il faut l’affronter là, tout de suite" - Harold Pinter.
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Récompensé en 2005 et connu pour son engagement politique, l'écrivain et metteur en scène britannique est décédé à l'âge de 78 ans des suites d'un cancer.
L'écrivain et dramaturge britannique Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 2005, est décédé à l'âge de 78 ans, a annoncé jeudi 25 décembre son épouse Antonia Fraser, sur le site du quotidien The Guardian.
L'artiste, qui souffrait d'un cancer, est mort mercredi soir, a déclaré sa seconde épouse au journal.
"C'était un grand homme et ce fut un privilège de vivre avec lui pendant plus de trente trois ans. Il restera à jamais dans nos mémoires", a-t-elle dit.
Intellectuel connu pour ses prises de positions politiques tranchées, Harold Pinter a écrit une trentaine de pièces de théâtre.
Il était également poète, metteur en scène et auteur de scénarios de films, dont plusieurs adaptations de ses oeuvres.
Militant contre la guerre en Irak
Fils d'un tailleur juif, il était né le 10 octobre 1930 à Hackney, un quartier populaire situé à l'est de Londres. Etudiant brièvement dans une école de théâtre, il produit dès 1957, à 27 ans, "The Room" ("la Chambre"), immédiatement suivi de "The Dumb Waiter" ("Le monte-plats"), puis, l'année suivante de "The Birthday Party" ("L'anniversaire").
Le succès vient avec "The Caretaker" ("le Gardien"), filmé en 1963.
Il collaborera à plusieurs reprises pour le cinéma, écrivant notamment les scénarios de "La Maîtresse du Lieutenant français" et de "L'Ami retrouvé".
Critique acerbe dans les années 1980 du président américain Ronald Reagan et de sa contemporaine britannique, l'ancien Premier ministre Margaret Thatcher, Pinter avait tourné plus récemment sa colère contre l'engagement de l'Onu au Kosovo (1999), l'invasion américaine de l'Afghanistan (2001) et la guerre en Irak (2003), comparant Tony Blair à "un idiot plein d'illusions" et qualifiant George Bush de "criminel de guerre".
Artiste engagé, il avait vilipendé l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair et le président américain George Bush dans un enregistrement vidéo diffusé lors de la remise de son prix Nobel, où il avait été absent.Il y réclamait leur comparution devant la Cour internationale de justice pour avoir déclenché la guerre en Irak.
Les médecins lui avaient diagnostiqué un cancer de l'œsophage en 2002.Il n'avait pu se rendre à la remise des prix Nobel en 2005 à Stockholm à cause de son état de santé.
Harold Pinter "est généralement considéré comme le représentant le plus éminent du théâtre dramatique anglais de la seconde moitié du XXe siècle", avait alors indiqué l'Académie suédoise pour expliquer pourquoi il en avait fait le lauréat cette année du prix Nobel de littérature.
Harold Pinter avait reçu la Légion d'honneur des mains de Dominique de Villepin en janvier 2006.
source -NOUVELOBS.COM 26.12.2008 06:53
source -NOUVELOBS.COM 26.12.2008 06:53
Pinter est né dans une famille d'origine russe et de religion juive du faubourg d'Hackney à Londres.
Son père était tailleur pour dames.
Pendant sa jeunesse, l'auteur a souvent été confronté à l'antisémitisme ce qui, selon ses dires, a largement contribué à nourrir sa vocation de dramaturge.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il quitte à 9 ans la capitale britannique et n'y revient qu'à ses 12 ans. Plus tard, il avoue que l'expérience des bombardements ne l'a jamais laché.
De retour à Londres, il entame des études à la Hackney Downs Grammar School, joue Macbeth et Roméo dans des mises en scène de Joseph Brearly puis passe brièvement à la Royal Academy of Dramatic Art en 1948. Deux ans plus tard, il publie ses premiers poèmes.
En 1951, Pinter est admis à l'Ecole Centrale des Arts de la Scène. La même année, il est engagé dans la troupe théâtrale ambulante irlandaise d'Anew McMaster spécialisée dans Shakespeare qui lui met le pied à l'étrier.
Entre 1954 et 1957, il entame une tournée en tant que comédien sous le nom David Baron. Sa première pièce, The Room (La Pièce) est interprétée en 1957 par les étudiants de l’Université de Bristol.
The Birthday Party (L'Anniversaire, 1958 ) n'intéresse pas le grand public, malgré une bonne critique publiée dans le Sunday Times par Harold Hobson. Mais après le grand succès de The Caretaker (Le Gardien) en 1960, la pièce est rejouée et reçoit cette fois-ci un accueil triomphal.
Ses pièces et autres œuvres de cette période, telles que The Homecoming en 1964, sont parfois étiquetées comme mettant en scène une « comédie de la menace ».
Avec une intrigue réduite au minimum, elles prennent souvent pour point de départ une situation en apparence anodine mais qui devient rapidement menaçante et absurde par le biais des acteurs dont les actions semblent inexplicables aux yeux du public et des autres personnages de la pièce.
L’œuvre de Pinter a dès le début été marquée par l’influence du théâtre de l'absurde et de Samuel Beckett. Par la suite, les deux hommes sont devenus amis.
On peut parler, dans les productions de Pinter, d'une première phase qualifiée de « réalisme psycholoqique » que suit une période plus lyrique avec Landscape (1967) puis Silence (1968). A cela, s'ajoute une troisième phase politique avec One for the Road (1984), Mountain Language (1988), The New World Order (1991) et d’autres pièces.
Cependant, il faut pas trop prendre en compte cette classification trop simpliste, chacune des époques débordant sur l'autre. Elle oublie de surcroît certains des textes les plus forts de l'auteur comme No Man's Land (1974) et Ashes to Ashes (1996).
Caractéristiques de ses pièces
Pinter renvoie généralement le théâtre à sa base élémentaire avec des dialogues qui basculent de manière inattendue et des pièces closes où les êtres sont livrés les uns aux autres et où le masque des convenances sociales tombe.
Les personnages, fondamentalement imprévisibles, révèlent sans spectaculaire une faille ou une bizarrerie dans leur identité, dûe à leur passé insaisissable.
Le dramaturge situe presque toujours ses pièces dans des intérieurs minutieusement décrits mais saturés d'objets hétéroclites et dont l'inutilité n'a de cesse d'être souligné comme dans Le Gardien.
Très vite le décor normalement chaleureux et rassurant d'un foyer, comme celui de The Collection (1961), produit un climat d'insécurité et se mue en un lieu qui laisse place à d'étranges intrusions, avec un retour de pulsions refoulées.
Les conversations les plus banales se révèlent en conséquence être l'espace privilégié de stratégies de domination et de rapports de forces brutaux que le glissement progressif des répliques fait ressurgir.
Les dialogues de Pinter mélangent un certain naturel d'expression (répliques courtes, usage de l'argot) à un dérapage verbal à la limite de l'onirisme (monologues, soliloques, suspensions, coupes, ellipses).
Pinter est aujourd'hui reconnu comme la plus éminente figure du théâtre anglais de la seconde moitié du XXe siècle.
Ses pièces sont depuis longtemps devenues des classiques et des monuments incontournables pour les études de théâtre et d'art dramatique.
Le style inimitable de l'auteur, empli de perturbations langagières absurdes d'où sourd un certain humour, a même donné naissance à un adjectif couramment utilisé dans le domaine artistique: « pinteresque ». On peut aussi parler de « pinteresquerie » pour définir une pièce de théâtre à l'atmosphère oppressante ou située dans un milieu particulier.
illustration :Harold Pinter à son domicile londonien en octobre 2005 (AP)
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