mardi 27 mai 2008

Boualem Sansal : Le Village de l'Allemand

Les narrateurs sont deux frères nés de mère algérienne et de père allemand.
Ils ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d'Aïn Deb, près de Sétif.
En 1994, le GIA massacre une partie de la population du bourg.
Pour les deux fils, le deuil va se doubler d'une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid... Basé sur une histoire authentique, le roman propose une réflexion véhémente et profonde, nourrie par la pensée de Primo Levi.
Il relie trois épisodes à la fois dissemblables et proches : la Shoah, vue à travers le regard d'un jeune Arabe qui découvre avec horreur la réalité de l'extermination de masse ; la sale guerre des années 1990 en Algérie ; la situation des banlieues françaises, et en particulier la vie des Algériens qui s'y trouvent depuis deux générations dans un abandon croissant de la République.
" A ce train, dit un personnage, parce que nos parents sont trop pieux et nos gamins trop naïfs, la cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée.
Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles. "
Sur un sujet aussi délicat, Sansal parvient à faire entendre une voix d'une sincérité bouleversante.

Biographie de l'auteur :

Né en 1949, Boualem Sansal vit à Boumerdès, près d'Alger. Depuis son premier livre, Le serment des barbares, il est considéré comme l'un des écrivains algériens les plus importants. Le village de l'Allemand est son cinquième roman.
Article de presse :
Il existe des auteurs qui méritent de vrais lecteurs, des lecteurs qui méritent qu'on écrive pour eux, y compris ceux qui ne lisent pas, y compris ceux qui sont juste occupés avec le tracas de la vie et n'ont jamais une seconde pour parcourir une page. Ces auteurs et ces lecteurs-là peuvent ne jamais se rencontrer mais ce n'est pas grave, la possibilité existe. Si les vrais auteurs ont tous un peu de Sisyphe, Boualem Sansal n'est pas loin d'en incarner le mythe.
A l'occasion de la mort de leurs parents massacrés par le GIA près de Sétif en 1994, deux frères, Malrich et Rachel Schiller qui ont été élevés en France par un oncle immigré, découvrent que leur père, un Allemand converti à l'islam, marié à une Algérienne, était un bourreau nazi qui a mis ses compétences au service du FLN.
Rachel est ingénieur, plus qu'intégré, marié à Ophélie. Et, le nom de sa femme le dit, il est un nouvel Hamlet, un qui va enquêter sur le passé de son père, partir sur les traces de la vieille barbarie et découvrir qu'il y a bien quelque chose de pourri dans beaucoup de royaumes, que les fascismes sont encore à l'œuvre. Et il va ressentir la nécessité de racheter cela, d'assumer la part d'ombre de l'humanité. Malrich, petit zonard en voie de réinsertion par la mécanique auto, parvient au même niveau de conscience en jetant un regard lucide sur sa banlieue. Et lui aussi décide de se battre, même si, peut-être, c'est perdu d'avance.
Les journaux croisés des deux frères nous disent, au ras du quotidien, à hauteur de petits destins, à la fois notre innocence à tous et nos complicités tacites avec les crimes commis au nom des idéologies.
Regulus est ce général romain, capturé par les Carthaginois, envoyé à Rome pour négocier la paix, avec promesse de revenir, et qui a conseillé au Sénat de poursuivre la guerre. A la suite de quoi il est retourné se faire torturer à Carthage, honorant sa parole. Tu es un requin, Boualem. Il faut plus que du courage pour publier un roman qui opère un rapprochement entre les intégrismes islamistes – l'international, celui du terrorisme, et le petit, celui du noyautage des cités –, et retourner ensuite chez toi, près d'Alger. - Michel Quint (Écrivain), Texte recueilli par Jacqueline Artus
http://bibliobs.nouvelobs.com/romans
Note :
Dès les premières pages j'ai su que je lisais un roman exceptionnel. Probablement le meilleur de l'année 2008... a mi-parcours, j'en suis persuadée.

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