dimanche 3 mai 2009

Fellag - le dernier chameau et autres nouvelles

souvenir de lecture...
" Dans ma petite tête d'enfant, les Français étaient une entité abstraite, et j'étais très impatient de les voir arriver, afin de découvrir comment ils étaient faits.
Je n'en dormais plus.
Une légende, qui courait depuis la nuit des temps, disait qu'ils étaient d'une grande beauté.
Au point que nous utilisions couramment l'expression Yeçbeh am-urumi!, qui veut dire: Il est beau comme un Français!
Mais, en même temps, dans l'imaginaire transmis par ma grand-mère, ma mère et mes tantes, ils n'étaient pas tout à fait humains. Ainsi, quand je refusais d'aller au lit, ma mère n'évoquait-elle pas le loup, mais disait d'une voix menaçante: Va te coucher tout de suite, sinon Bitchouh viendra te manger tout cru!
Dans les cinq secondes qui suivaient, je dormais à poings fermés, de peur de me faire dévorer par cet ogre, dont les deux syllabes me terrifiaient. Bitchouh était la transcription phonétique kabyle de Bugeaud, l'un des fameux généraux qui avaient " pacifié " l'Algérie, comme on dit chez vous, et auquel les autochtones prêtaient un caractère sanguinaire et monstrueux.
Est-ce que les militaires français, malgré leur grande beauté, seraient aussi terribles que leur auguste prédécesseur? " - ISBN-10: 2709625180
biographie :
Mohand Said Fellag, né en 1950 à Azzefoun en Kabylie (Algérie), est un comédien, écrivain et humoriste algérien.

Il a fait ses études primaires à
Azzefoun et ses études secondaires au lycée Ali Mellah à Draa el Mizan.

Il entre dans
l'Ecole d'art dramatique d'Alger en 1968 et y reste quatre ans avant d'évoluer dans plusieurs théâtres en Algérie.
De 1978 à 1985, il participe à plusieurs expériences théâtrales et retourne en Algérie, en 1985 pour être engagé par le Théâtre national algérien et interprèter le rôle principal dans L' Art de la comédie d'Eduardo De Filippo.
En 1986, il joue Le Costume blanc couleur glace à la noix de coco de Ray Bradbury et crée Les Aventures de Tchop, son premier one-man-show.
Il tourne plusieurs films pour le cinéma et la télévision dans une période de turbulences algériennes. Fellag est à l'initiative du parti "Cocktail Khorotov" en 1989 puis "SOS Labès".
Le FIS remporte les élections, un raz-de-marée islamiste gagne tout le pays. L'artiste crée Un bateau pour l'Australie-Babor Australia.

En 1995, après l'explosion d'une bombe lors d'une de ses représentations, il s'exile d'abord en Tunisie puis en France.
Il y rencontre un succès populaire avec ses spectacles. Il y met en scène avec lucidité et humour des personnages confrontés aux difficultés sociales de son pays.
Il publie son premier roman Rue des petites daurades un an plus tard et revient en 2005 avec son spectacle Le dernier chameau puis L'Ere des Ninjas et Djurdjurassic en 2008.

Il a joué dans plusieurs films tels que Rue des figuiers de
Yasmina Tahiaoui.
bibliographie : (cliquez sur le titre de l'article)
Les Aventures de Tchop, 1965. [sa première pièce de théâtre]
SOS Labes textes de scène.
Cocktail Khorotov textes de scène.
Le Balcon de Djamila textes de scène.
Djurdjurassique bled,
1999, textes de scène.
Rue des petites daurades, roman,
2001.
C'est à Alger, couverture de
Slimane Ould Mohand, Editions JC Lattès, Paris, 2002.
Comment réussir un bon petit couscous,
2003.
Le Dernier chameau, et autres histoires, nouvelles,
2004.
L'Allumeur de Rêves Berbères, illustrations de Slimane Ould Mohand, Editions JC Lattès, Paris,
2007.
*



Revue de presse :
Son entrée en scène déclenche des gloussements et des hurlements de rires !
Pour un tel accueil, il a suffi à Fellag de traverser le rideau, de marcher quelques pas et de se tenir droit comme un i.
Dans cette prestance se lit l’hospitalité d’un grand maître de cérémonie au regard pétillant, un brin polisson, du genre vieux copain rigolard impatient de raconter la dernière.
Au visage du Coluche kabyle, fort de plus de 30 ans de carrière en Algérie et neuf ans en France, le sourire offert en gratitude aux applaudissements vient sincère mais contracté par l’effort à venir, soit 1h30 de monologue sous de sobres projecteurs, presque sans décoration ni accessoires.
Servie sans originalité par une équipe technique trop sobre, la performance solo se boit pourtant comme du petit lait.

Aux néophytes (de plus en plus rares de ce côté de la Méditerranée), tout de suite absorbés par tant d’expressivité faciale et corporelle narratrices par excellence, Le dernier Chameau doit paraître une magistrale, magique découverte.
Sous la plus simple apparence, en tenue piquée au coin de la rue, Fellag s’adonne à un jeu de scène total, porté par une gestuelle et une diction remarquables.
En formidable conteur, il se livre à des jeux de langues époustouflants entre un français excellent au point de sembler s’en moquer, le berbère natal, l’arabe et un peu d’accent pied-noir.
Quant aux connaisseurs, pas moins réjouis, il leur semble retrouver un vieil ami. Très autobiographique, cette caverne d’Ali-Baba théâtrale renferme en effet bien des souvenirs personnels.
Bavard dans le meilleur sens du terme, le moulin à parole nommé Mohammed Saïd Fellag tourne avec une précision inouïe pour raconter de nouvelles histoires pas si fraîches que ça, mais bien conservées par l’auteur de « Comment réussir un bon petit couscous » (Lattès, 2003).
Au menu figurent les fruits de son imagination et de la mémoire collective d’une génération qui a connu le meilleur et le pire en Algérie.

En direct du ciné-club de Tizi-Ouzou

Dans l’ensemble hétéroclite, les premiers récits donnent déjà le meilleur. La rencontre du troisième type entre villageois montagnards kabyles et tirailleurs sénégalais, la fascination mystérieuse du petit Fellag pour l’opéra observé derrière la vitrine du marchand de télés, les contorsions dans un bus bondé pour les « caleurs professionnels » avides de contacts avec une jeune fille, comment donc le projectionniste interrompt les péplums pour donner l’évolution du score du match de foot local…
Fellag peut tout mimer, expliquer ou illustrer.
Ainsi pour recréer l’ambiance du ciné-club de Tizi-Ouzou au début des années soixante, le comédien se multiplie en personnages et en émotions.
Par de splendides sous-entendus, empreints de poésie tamisée ou de satire éclairée, il plonge au cœur de son goût précoce pour le théâtre classique, navigue au gré des vagues politiques et culturelles en Algérie au siècle dernier, et efface souvent la frontière entre réel et virtuel.
Ainsi, béats devant les étreintes au cinéma, les Algériens s’évadent de leur sexualité frustrée de tous les jours.

Parfois irrévérencieux mais jamais déplacé, Fellag concilie la dérive maîtrisée de son imaginaire et la fidélité amoureuse aux histoires des peuples kabyle, algérien et français.
Au final, valise en main, son personnage débarque en France. Très ému, il retrouve par hasard, derrière le guichet des ASSEDIC, Jeannette, son grand amour d’enfance. Mélancolique en larmes, elle se dit très touchée de le revoir et lui avoue ne jamais s’être sentie aussi Algérienne depuis qu’elle est revenue en France.

Un sentiment réciproque en Algérie, reprend Fellag, et Le dernier Chameau (titre parabolique de peu de nécessité) se retire en pensées pleines d’espérance pour son pays d’origine. En conclusion, l’espoir fait vivre...
Entre-temps, Fellag a gardé une folle danse du ventre pour le milieu du spectacle ! Cinq minutes de douce euphorie dans les gradins, comme après un but vainqueur, à battre des mains en cadence en criant sa délivrance !
Pour ses vieux jours de repos sans histoire, il reste à Fellag le soin de faire péter ses traditionnelles bretelles pour en être arrivé là, à cette grande joie du public.
François Cavaillès(mars 2004)
François Cavaillès est journaliste et critique d'art à Paris. Ancien reporter en radio, puis en presse, dans la région d'Ottawa (Canada), il s'intéresse aujourd'hui aux cultures de l'Asie du Sud-Est et étudie le thaï à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris.

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