mercredi 3 novembre 2010

Michel Houellebecq : la carte et le territoire

lecture de la rentrée littéraire
un roman non dénué d'humour... pas un pastiche mais pas loin non plus. Roman sur l'art contemporain... et ses dérives, mais aussi une belle galerie de portraits de people du moment... grinçant et agaçant quelquefois, mais aussi de beaux moments de tendresse et de mélancolie. Et, cerise sur le gâteau... un petit meurtre et une enquête policière.

J'ai vraiment été séduite par ce livre, et pas du tout gêner par les emprunts à wikipédia... et au moins il n'est pas tomber dans le "botulisme" d'un BHL qui avait omit de le faire !

Par contre, pas trop envie de faire un compte-rendu de lecture, la presse en a déjà parler si longuement qu'il ne reste pratiquement rien a en dire sans dévoiler le livre et gâcher la lecture d'un futur lecteur.

Par contre, je me demande comment vieillira ce roman... lorsque tous les protagonistes seront morts et oubliés...
*

Revue de presse...

Pas de sexe, de partouze, de putes à Pattaya. Si le nouveau Houellebecq est moins spectaculaire que ses précédents, s'il se teinte d'une tonalité plus douce, il n'en est pas moins visionnaire - juste plus profond, peut-être. Avec La Carte et le Territoire, le monde désertique n'a ni l'exotisme de Lanzarote, ni l'aspect SF de la planète postapocalyptique de La Possibilité d'une île : ce désert, c'est le nôtre, ici et maintenant, rempli à ras bord de produits manufacturés, traversé d'êtres irrémédiablement seuls, de moins en moins habité par Michel Houellebecq himself.

Si l'une des nombreuses lectures de ce texte d'une densité et d'une richesse impressionnantes est celle d'une vision du monde rompue à la manufacturisation de tout, à la mise à mort de l'authenticité (le territoire, ou le terroir) pour mieux l'imiter en la caricaturant à la norme mondialisée, à l'avènement de l'argent-roi qui tue tout sur son passage, même les écrivains, le livre est aussi la preuve que Michel Houellebecq refuse de se manufacturer lui-même.

Plutôt que de s'imiter, l'auteur va se démultiplier. Car La Carte et le Territoire est avant tout un formidable autoportrait de Michel Houellebecq, en écrivain, en artiste, en enquêteur, en homme ou en chien, en solitaire qui n'a plus rien à attendre de l'humain passé de la société du spectacle à celle de la consommation. Rarement on aura vu un écrivain se faire apparaître avec une distance aussi comique que glaçante, avec tendresse aussi, comme s'il était observé par un autre, dans son propre roman. Un roman à la structure complexe, vertigineuse, galerie des glaces qui donne le tournis : au-delà de sa propre apparition, l'écrivain va s'incarner aussi dans ses autres personnages, devenus autant d'avatars de lui-même.

Il est Jed Martin, cet artiste sur lequel s'ouvre le roman, et qui fera fortune en exposant d'abord des reproductions de cartes Michelin représentant la France, puis des peintures de "métiers", ces maillons de la chaîne de production dont, au plus haut du Marché, sont Steve Jobs et Bill Gates, héros d'un de ses tableaux. Il est Jasselin, dans la dernière partie du livre, le flic chargé de mener l'enquête sur le meurtre sauvage de Michel Houellebecq, qui vit seul avec sa femme, sans enfant, et qui a dû "apprendre" à regarder la mort en face, à scruter ces cadavres en décomposition auxquels il est constamment confronté. Chacun représentant une facette de la démarche de l'écrivain.

Et puis, Houellebecq est aussi Houellebecq, écrivain retiré du "commerce" des humains, installé seul en Irlande puis dans la province française, qui s'empiffre de charcuterie industrielle et de vins argentins. Enfin, il est aussi Michel, dit Michou, le bichon bolonais du couple Jasselin, devenu stérile à cause d'une maladie : "Ce pauvre petit chien non seulement n'aurait pas de descendance, mais ne connaîtrait aucune pulsion, ni aucune satisfaction sexuelle. Il serait un chien diminué, incapable de transmettre la vie, coupé de l'appel élémentaire de la race, limité dans le temps - de manière définitive." Mais après tout, est-ce si grave quand le sexe, comme le pense l'inspecteur, n'est au fond que "(...) la lutte, le combat brutal pour la domination, l'élimination du rival et la multiplication hasardeuse des coïts sans autre raison d'être que d'assurer une propagation maximale des gènes." Comme le serait toute structure capitalistique ?

Depuis son premier roman, Extension du domaine de la lutte, mais surtout avec Les Particules élémentaires, Houellebecq a su penser et théoriser le monde à travers sa propre existence, ses propres difficultés à vivre, parfois ses joies. Pas étonnant qu'il se place aujourd'hui, carrément, au coeur même de son dispositif romanesque - objet d'observation et sujet poétique à la fois. La différence de taille, c'est que La Carte et le Territoire bascule dans le temps d'après la douleur de la "misère sexuelle" - le temps de l'acceptation mélancolique de la marche du monde (les êtres étant si peu différents, eux-mêmes comme en devenir manufacturé).

Roman d'un écrivain arrivé à maturité et qui semble avoir suffisamment "compris" la vie pour accepter de lâcher prise, roman stoïque sur l'état du monde, l'état des êtres, le bilan d'une vie, la fin de Houellebecq-personnage, sacrifié, comme tout, sur l'autel de l'argent. Car au XXIe siècle, les artistes n'ont plus de morts romantiques : on les flingue pour des raisons triviales, vulgaires, comme on vit souvent toute sa vie. "Ce qui marche le mieux, ce qui pousse avec la plus grande violence les gens à se dépasser, c'est encore le pur et simple besoin d'argent", confiera le père de Jed à son fils.

L'amour, la poésie, sont pourtant présents. Mais comme des choses précieuses, fugaces, éphémères : les seuls vrais luxes quand tout se réifie, se vend, s'achète. Et tant pis pour ceux qui, comme Jed qui ne saura pas retenir sa fiancée Olga, laisseront passer l'amour - il n'y a jamais de seconde chance, constate Michel Houellebecq. Reste que ce magnifique roman irréductible à une seule thèse, construit comme un labyrinthe, fourmillant de visions métaphysiques, écrit avec une maîtrise sidérante, nous faisant constamment la grâce de parer son désespoir d'une ironie irrésistible, n'est pas à lire comme un document sur la société. Tel Jed Martin qui choisit d'intituler sa première exposition La carte est plus intéressante que le territoire, ce que nous dit Michel Houellebecq à travers cette magistrale leçon de littérature qu'est aussi La Carte et le Territoire, c'est que le roman sera toujours plus intéressant (plus vrai, plus fort, plus beau) que toute réalité. A condition qu'il s'agisse d'un très grand roman, comme il en arrive rarement, comme il vient de nous en arriver.- http://www.lesinrocks.com/livres-arts-scenes/livres-arts-scenes-article/t/49774/date/2010-08-29/article/la-carte-et-le-territoire-formidable-autoportrait-de-houellebecq/

8 commentaires:

Neph a dit…

J'ai été séduite moi aussi, mais c'est vrai qu'on finit par en entendre un peu trop parler...

Anne Sophie a dit…

visiblement, soit on adore soit on déteste cet auteur, mais il ne laisse pas indifférent !

mazel a dit…

bonjour Neph,
bonjour Anne Sophie,

Séduite en effet, mais j'ai bien failli ne pas le lire à cause de trop nombreuses critiques.

Houellebecq laisse rarement indifférent, toujours un petit parfum de scandale autour de ses livres...

mais je préfère encore ça à la pub que l'on nous assène à longueur d'ondes avec un Musso ou un Lévy...

bises à toutes les deux

Ankya a dit…

Je n'ai jamais lu cet auteur.

mazel a dit…

jamais trop tard pour commencer Ankya,
bises

Alex Mot-à-Mots a dit…

Alors, alors, prix Goncourt ou pas ?!

argali a dit…

J'ai tenté trois romans de cet auteur et n'en ai fini aucun. Cela m'arrive une fois sur trente ou quarante livres ! C'est dire.
Je n'aime pas !
Ni les propos, ni le style. Et celui-ci n'a pas fait exception.
Désolée...

mazel a dit…

bonjour Argali,
pourquoi être désolée ? c'est simplement que cet auteur n'est pas fait pour toi... et il y a tellement de livres à lire...
Je passerai te voir demain sur babelio, ce soir juste envie de retrouver mon livre...
bonne soirée
bises