mercredi 29 juillet 2009

Karine Naccache - Chana tova, Barbara

Entre rire et larmes, récit de l'année mouvementée de la famille de Barbara Mandel, rythmée par les fêtes juives et leurs rituels.


la romancière humanise les rites, brosse pour les néophytes un tableau touchant mais sans complaisance de ce que certains appelleraient au singulier (et donc mal à propos), la "famille juive".

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illustration : vitrail de la Grande Mosquée de Jérusalem représentant les Tables de la Loi, dessiné par Annie Montariol
*Bonne année Barbara, mais Barbara ne viendra pas.

Une année à la table d'une famille juive pratiquante, fragilisée par l'attitude de rejet de l'une des leurs et qui guette son retour.

Chana tova : bonne année, en hébreu.

C'est le voeu qu'il est d'usage de se souhaiter à l'occasion de Roch Hachana, le nouvel an juif, point de départ de cette histoire.
D'un Roch Hachana au suivant, une année s'écoule. Pareille à toutes les autres dans le cycle immuable du calendrier des fêtes juives.
Et semblable à aucune autre dans la vie des Mandel, la famille de Barbara, qui s'est éloignée des siens et n'assiste plus aux fêtes rituelles du clan pour des raisons mystérieuses.
Récit de leur année mouvementée, ce roman explore aussi la multiplicité des temps qui habitent nos existences.
Temps d'hier et d'aujourd'hui, temps sacré et temps profane, temps du rire et temps des larmes, les temps se télescopent en chacun des personnages de cette histoire, pour le meilleur et parfois pour le pire.
Nous les suivons dans l'aventure de leur quotidien, tandis que les textes sacrés, qui s'invitent dans la structure même du roman, nous accompagnent au rythme des fêtes juives et de leur rituel.
Comme dans la tragédie grecque, la voix des dieux s'impose. Mais là où la tragédie condamne les êtres à une destinée déjà écrite, cette antitragédie drôle et émouvante révèle la part de liberté, infime mais précieuse, qui est à notre portée.

La famille Mandel a l’habitude de passer les fêtes juives en famille.
Cette année, autour de la table de Roch Hachana :
- le grand-père sceptique aux blagues lourdes, voire antisémites,
- son épouse, dynamique agente immobilière et grand-mère scrupuleuse dans la préparation des rites,
- Marc, juif traditionaliste qui ne saurait transiger le nettoyage de Pessah,
- Valérie, la narratrice, maîtresse d’école au caractère bien trempé qui, sans l’avouer, comprend le scepticisme de son père…
A ce noyau dur, il faut rajouter conjoints et conjointes, enfants (ou petits-enfants).
Seule manque à l’appel Barbara. Pour la première fois, la fille aînée des Mandel n’est pas à table avec les siens pour Roch Hachana.
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Devant sa photo, sa cadette (et narratrice), Valérie, broie du noir…
Sa grande soeur a toujours été son modèle, à 10 ans à 20 et 30 ans, elle admirait secrètement sa beauté lumineuse, « naturelle » sans être “nature“, sa silhouette fine, son regard frondeur et son « élégance décontractée ».
Elle aimait que sa grande et protectrice soeur vienne la secouer quand elle, pendant les fêtes, végétait sur le canapé.
L’enthousiasme de Barbara, sa gaîté, son tempérament de leadeuse contraste aujourd’hui avec sa soudaine disparition.
Certes, les Mandel sont plutôt pudiques, mais de là à garder le silence pendant plusieurs semaines, plusieurs mois….

Avant la disparition de Barbara, les fêtes du calendrier juif étaient une manière de rassembler les membres du troupeau dispersés.
En dépit des divergences entre sceptiques et traditionalistes, les rites soudaient les Mandel, rassemblaient petits et grands autour d’une histoire commune, de croyances partagées ou de rassurantes habitudes.
Si bien qu’en l’absence de Barbara, Valérie commence à douter de la nécessité de ce partage….
Bien plus pesants que l’absence, les non-dits : la narrtrice ne sait combien de temps elle pourra se composer un visage de bonne mère, d’adulte responsable, quand les enfants, eux, ont la chance, pour Pourim, d’être véritablement déguisés.
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Comme son personnage principal, Karine Naccache est une pédagogue maîtresse.
Tout en racontant avec tendresse l’histoire de la famille Mandel, elle présente les différentes fêtes du calendrier juif, explique, citations à l’appui, leurs origines historiques, leurs fondements théologiques.
Et, en enserrant ce « cours de religion » dans l’histoire de Valérie, la romancière humanise les rites, brosse, pour les néophytes, un tableau touchant mais sans complaisance de ce que certains appeleraient au singulier (et donc mal à propos), la “famille juive”.
source : Alliance
Autre livre à lire :
Mauvaise conscience de Karine Naccache
Comment réagir lorsqu'on vient de se faire plaquer et que l'on n'arrive pas à se raconter des histoires ?
C'est là le défi de Laurence, une jeune femme de 28 ans, flanquée d'une lucidité qui lui pourrit la vie.
Ce livre est une fable drôle et mordante.


Les fêtes juives en 2009 et 2010




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