mardi 16 décembre 2008

littérature mexicaine : Fabrizio Mejía Madrid


Tout de même plus agréable de trouver enfin un livre que j'ai envie de lire...

Fabrizio Mejía Madrid est né à México en 1968.

Romancier, nouvelliste et chroniqueur. Lauréat du Prix de poésie Antonin Artaud 2004 pour Hombre al agua.

Il est l’auteur des chroniques :

Pequeños actos de desobediencia civil (1996)
et Salida de emergencia (2007)

ainsi que des romans :

Erótica nacional (1994),
Viaje alrededor de mi padre (2004),
Hombre al agua (2004)
et El rencor (2006), entre autres.

“Les paroles, ici, ont valeur d’actes ; ce sont les escarmouches de notre guerre civile de l’indolence, où le premier qui se fâche a perdu. Et les perdants doivent partir. La seule victoire, c’est s’y réveiller. Quant au reste, nul n’en sait rien. Tenons-nous-en à l’essentiel : rester, c’est la comprendre, c’est savoir ce qui importe, c’est à dire rester.”

Fabrizio Mejia Madrid est journaliste, habitant de Mexico et spécialiste de la ville. Il a tenu un certain temps une rubrique des faits divers qui, dit-il, lui a permis d’aller dans des quartiers où il n’aurait jamais eu l’occasion de mettre les pieds autrement.

Ce fantastique roman est une promenade floue dans Mexico, vue par un narrateur à la vie tout aussi flottante. Car la ville est construite sur un lac, et sur du passé. D’où son côté incertain, que la vie sordide des mégapoles du tiers monde n’arrive pas à dissimuler. Mexico est une ville disparue, une ville engloutie qui cherche à masquer sa précarité souterraine derrière l’hystérie des voitures et des gens.

Le texte évoque les quatre éléments : la terre (le séisme de 85), l’eau (les inondations récurrentes et interminables, l’impossible assèchement), l’air (la pollution omniprésente) et enfin le feu (les incendies, la menace permanente des volcans). Entre ces quatre sentinelles de l’Apocalypse, le narrateur nous entraîne dans des aventures vagues et hilarantes.

Fabrizio Mejia Madrid est plein d’humour et viscéralement attaché à sa ville. Cela n’empêche pas Mexico d’être, bien sûr, une métaphore de la vie humaine.

Par discrétion, nous éviterons les comparaisons évidentes avec la Lisbonne de Pessoa ou le Dublin de Joyce, mais il faut se rendre à l’évidence : l’écrivain Madrid porte une ville dans sa tête.


Le naufragé du Zocalo

Coincé entre un dépotoir, un poste à essence, un magasin de solvants et une gargote où des Noirs forniquent en public, Urbina végète à Mexico, ville monstrueuse condamnée à sacrifier ses enfants aux divinités aztèques, indiennes et espagnoles.

Ayant chassé une amie de la ville pour s'approprier son appartement, Urbina est à son tour expulsée au retour de Paula.

Il échoue alors dans un village pouilleux au pied du volcan Popocatépetl où il va alphabétiser des Indiens sourds-muets.

La recherche d’emploi que va mener Urbina dévoile le tissu social et historique de la ville, il nous raconte avec humour les catastrophes de son existence de nomade.
En 1967, une phénoménale chute de neige sur Mexico annonça la venue d’un être « au-dessous de toute beauté ». Ainsi naquit Pablo Urbina, d’une mère déçue et d’un père démarcheur pour des inventeurs de lunettes qui guérissent la myopie, de patchs anticancéreux, d’automobiles fonctionnant à l’urine...

De cette vie, Urbina tirera sa doctrine : « les utopistes sont ceux qui, sachant qu’une rose sent bon, croient pouvoir en faire de la bonne soupe; et les réalistes, ceux qui sont prêts à accomplir quelque chose qui leur fait honte. »

Adulte, Urbina ne connaît de l’avenir que la date de péremption du lait et c’est avec le tabac qu’il eut sa relation la plus durable.

Il y a bien Paula et David, des amis de l’université et son ex-femme Luisa, mais ces rapports loufoques ne débouchent que sur des échecs. Imprégné de sa philosophie personnelle, Urbina promène à travers Mexico son humour ravageur et d’un appartement emprunté à l’autre échouera dans un village en ruine au pied du volcan Popocatépetl, où il doit alphabétiser de pitoyables Indiens sourds-muets, sous l’oeil vorace d’une cantinière borgne…

Ce roman est la peinture d’une ville monstrueuse qui s’effondre sous l’effet de sa propre densité, sapée de l’intérieur. Placée sous le signe de l’anéantissement, la « cité de la Joyeuse Apocalypse », pour survivre, doit leurrer sans cesse vingt millions d’individus en leur cachant l’exposition jamais visitée de leurs échecs, en plein musée de leurs déchets.

Avec un humour noir beckettien, sans concession, mais dont la dérision est renforcée par une certaine tendresse, Fabrizio Mejia Madrid met en évidence la déroute profonde de la plus grande partie de la population de Mexico ; c’est tragi-comique au pied de la lettre.

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