Après avoir chanté les amours des héros, Ovide chanta les siennes, qui lui avaient acquis une singulière célébrité.
Il n'était bruit dans Rome que de ses exploits amoureux ; ils faisaient l'entretien des riches dans leurs festins, du peuple, dans les carrefours, et partout on se le montrait quand il venait à passer.
Attirées plutôt qu'éloignées par cette réputation, toutes les belles sollicitaient son hommage, se disputaient le renom que donnaient son amour et ses vers ; et il se vante d'avoir, en les faisant connaître, doté d'une foule d'adorateurs leurs charmes jusqu'alors ignorés.
Il avoue d'ailleurs ingénument qu'il n'est point en lui de ne pas aimer toutes les femmes, même à la fois, et les raisons qu'il en donne, quoique peu édifiantes, font de cette confession une de ses plus charmantes élégies.
Le mal était surtout que ses maîtresses avaient quelquefois des rivales jusque parmi leurs suivantes.
Corinne l'accusa un jour d'une intrigue avec Cypassis sa coiffeuse ; Ovide, indigné d'un tel soupçon, se répand en plaintes pathétiques, prend tous les dieux à témoin de son innocence, renouvelle les protestations d'un amour sans partage et d'une fidélité sans bornes. Corinne dut être entièrement rassurée.
Mais l'épître suivante (et ce rapprochement est déjà très piquant ) est, adressée à cette Cypassis ; il la gronde doucement d’avoir, par quelque indiscrétion, livré le secret de leur amour aux regards jaloux de sa maîtresse, d'avoir peut-être rougi devant elle comme un enfant ; il lui enseigne à mentir désormais avec le même sang-froid que lui, et finit par lui demander un rendez-vous.
Le recueil de ses élégies fut d'abord publié en cinq livres, qu'il réduisit ensuite à trois, "ayant, corrigé, dit-il, en les brûlant," celles qu'il jugea indignes des regards de la postérité.
A l'exemple de Gallus, de Properce et de Tibulle qui avaient chanté leurs belles sous les noms empruntés de Lycoris, de Cynthie et de Némésis Ovide célébra sous celui de Corinne la maîtresse qu'il aima le plus. Tel est du moins le nom que plusieurs manuscrits ont donné pour titre aux livres des Amours. Mais quelle était cette Corinne ?
Qui était Corinne ?
Cette question, qui n'est un peu importante que si on la rattache à la cause de l'exil d'Ovide, a longtemps exercé, sans la satisfaire, la patiente curiosité des siècles ; et comment eût-on pénétré un secret si bien caché même au sicle d'Ovide, que ses amis lui en demandaient la révélation comme une faveur, et que plus d'une femme, profitant, pour se faire valoir, de la discrétion de l’amant de Corinne, usurpa le nom, devenir célèbre, de cette maîtresse mystérieuse, et se donna publiquement pour l'héroïne des chants du poète ?
Du soin même qu'il a mis à taire le nom de la véritable, on a induit qu'elle appartenait à la famille des Césars.
On a nommé Livie, femme de l’empereur ; mais la maîtresse eût été bien vieille et l'amant bien jeune : on a nommé Julie, fille de Tibère ; mais alors, au contraire, la maîtresse eût été bien jeune et l'amant bien vieux ; ce que ne permettent de supposer ni la date ni aucun passage des Amours.
On a nommé Julie, fille d'Auguste, et cette opinion, consacrée par l'autorité d'une tradition dont Sidoine Apollinaire s'est fait l'écho, n'est pas aussi dépourvue de toute vraisemblance, quoiqu'on ne l'ait appuyée que sur de bien futiles raisons.
Julie, veuve de Marcellus, avait épousé Marcus Agrippa ; or, dit-on, les élégies parlent du mari de Corinne, de ses suivantes, d'un eunuque.
Ailleurs, il la compare à Sémiramis ; ailleurs encore, il lui cite, pour l'encourager à aimer en lui un simple chevalier romain, l'exemple de Calypso qui brûla d'amour pour un mortel, et celui de la nymphe Égérie, rendue sensible par le juste Numa.
Corinne ayant, pour conserver sa beauté, détruit dans soir sein le fruit de leur amour, Ovide indigné lui adresse ces mots, le triomphe et la joie du commentateur : "Si Vénus, avant de donner le jour à Énée, eût attenté à sa vie, la terre n'eût point, vu les Césars !"
Enfin, s'écrie-t-on victorieusement, le tableau qu'Ovide a tracé, dans une des dernières élégies de ses Amours, des moeurs dissolues de sa maîtresse n'est que celui des prostitutions de cette Julie qu'accompagnaient en public des troupes d'amants éhontés, qui affichait jusque dans le Forum, dit Sénèque, le scandaleux spectacle de ses orgies nocturnes, et que ses débordements firent exiler par Auguste lui-même dans l’île déserte où elle mourut de faim.
Mais toutes ces phrases d'Ovide à sa Corinne peuvent n'être que des hyperboles poétiques, assez ordinaires aux amants, et applicables à d'autres femmes que Julie, et n'avoir point le sens caché qu'on a cru y découvrir. Il en est qui ont pensé mettre fin à toutes les conjectures en disant qu'Ovide n'avait, en réalité, chanté aucune femme, et que ses amours, comme celles de Tibulle et de Properce, n'existèrent jamais que dans son imagination et dans celle des commentateurs ; ce qui n'est qu'une manière expéditive de trancher une difficulté insoluble.
Médée
Les plaisirs ne détournaient pas Ovide de sa passion pour la gloire : "Je cours, disait-il , après une renommée éternelle, et je veux que mon nom soit connu de l'univers.
" L'oeuvre qui nourrissait en lui cette immense espérance était une tragédie ; et le témoignage qu'il se rend à lui-même, en termes, il est vrai, peu modestes, d'avoir créé la tragédie romaine, peut avoir un grand fond de vérité, à en juger par les efforts plus louables qu'heureux des écrivains qui s'étaient déjà essayés dans ce genre, à l'exemple du prince, lequel, au rapport de Suétone, avait composé une tragédie d'Ajax, connue seulement par le trait d'esprit dont elle fut pour lui l'occasion quand il la détruisit.
La postérité ne peut prononcer sur le talent dont Ovide fit preuve dans cette nouvelle carrière, puisque sa Médée est aujourd'hui perdue.
On a nié qu'il eût pu être un bon auteur dramatique, en ce qu'il est trop souvent, dans ses autres ouvrages, hors du sentiment et de la vérité.
Un fait qu'on n'a pas remarqué donne à cette assertion quelque vraisemblance ; c'est que Lucain, peu de temps après, composa une tragédie sur le même sujet ; il ne l'aurait point osé, si celle d'Ovide eût été réputée un chef-d'oeuvre.
Toutefois elle jouit longtemps d'une grande renommée : "Médée, dit Quintilien, me paraît montrer de quoi Ovide eût été capable, s'il eut maîtrisé son génie au lieu de s'y abandonner ; " et l'auteur, inconnu mais fameux, du Dialogue sur les orateurs, met cette pièce au-dessus de celles de Messala et de Pollion, qu'on a surnommé le Sophocle romain, et à côté du Thyeste de Varius, le chef-d'oeuvre de la scène latine.
Deux vers, voilà ce qui reste de la Médée d'Ovide, parce qu'on les trouve cités, l'un, dans Quintilien :Servare potui, perdere an possim rogas?l'autre, dans Sénèque le rhéteur :Feror huc illuc, ut plana deo.
Ovide, en latin Publius Ovidius Naso. : Son surnom (Naso) lui vient de son nez proéminent (tout comme Cicéron, dont le surnom signifie pois chiche, qu'il devait à la verrue d'un de ses ancêtres).
Né le 20 mars 43 av. J.-C. à Sulmona, dans le sud de l'Italie — mort en 17 ap. J.-C., en exil à Tomes (l'actuelle Constanţa en Roumanie), c'est un poète latin qui vécut durant la période qui vit la naissance de l'Empire romain.
Il naît un an après l'assassinat de Jules César, est adolescent lorsqu'Auguste s'empare du pouvoir pour transformer la République en Empire, et meurt trois ans après ce premier empereur.
Délaissant très tôt les carrières juridique et administrative, il connaît la célébrité grâce à ses recueils de poèmes, les Amours, les Héroïdes, l'Art d'aimer et les Remèdes à l'amour.
A l'âge de dix-huit ans, son père lui permet d'aller voyager à Athènes, voyage qui le marquera et alimentera ses œuvres (notamment Les Métamorphoses).
Après l'âge de quarante ans, il abandonne la poésie érotique pour écrire les Métamorphoses, poème de 12 000 hexamètres dactyliques répartis en quinze livres et reprenant les récits de la mythologie grecque et romaine.
Le 19 novembre de l'an 8 ap. J.-C., Ovide est exilé sur les bords du Pont-Euxin, à Tomes, par décision d'Auguste, pour des motifs qui nous sont inconnus.
Diverses hypothèses ont été émises sur les causes de cette relégation. L'une d'elles est que le prétexte aurait été la prétendue immoralité de L'Art d'aimer (quoique ce recueil ne soit immoral que selon les canons monothéistes, bien postérieurs).
On a aussi avancé qu'une relation amoureuse entre la fille d'Auguste — Julie — et le poète aurait déplu à l'empereur.
Exilé n'est pas banni: c'est avec ses biens et ses esclaves qu'Ovide arriva à Tomes le 9 mai de l'an 9 ap. J.-C. et c'est dans ce lieu éloigné de Rome, sur une île proche de la côte (mais qui se trouve aujourd'hui dans une lagune au nord de Constanţa) qu'il bâtit sa villa et qu'il passa les dernières années de sa vie.
Néanmoins, il y conserva tous ses droits en tant que citoyen romain, ce qui est extrêmement rare pour un exilé.
Il y écrivit d'ultimes vers: les Tristes et les Pontiques, qui contiennent des confidences pleines de mélancolie où s'expriment sa nostalgie, sa douleur et sa détresse d'exilé. Ovide tente en vain de revenir à Rome.
Il écrit un traité de pêche et un pamphlet intitulé "Ibis", ainsi que quelques descriptions des Thraces vivant autour de Tomes.
Après sa mort, sa famille ne put rapatrier son corps. Suite à l'affaissement des sols, sa tombe se trouve aujourd'hui sous l'eau.
source - wikipédia
illustration : la liseuse de Marian van Puyvelde
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