L'épisode le plus marquant : le match de foot entre belligérants...
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C’est en allemand, sa langue d’adoption, que Saša Stanišić a écrit l’un des plus grands romans « yougoslaves » de ces dernières années, l’une des plus magistrales évocations de la guerre de Bosnie et des destinées des orphelins de l’ancien pays commun, jetés à travers le monde.
C’est en allemand, sa langue d’adoption, que Saša Stanišić a écrit l’un des plus grands romans « yougoslaves » de ces dernières années, l’une des plus magistrales évocations de la guerre de Bosnie et des destinées des orphelins de l’ancien pays commun, jetés à travers le monde.
Saša Stanišić est né en 1978 à Višegrad, en Bosnie-Herzégovine, la ville sur les bords de la Drina, connue pour son fameux pont dont Ivo Andrić racconta l’histoire. Il a grandi dans un environnement et une famille « mixte », serbo-bosniaque, mais surtout communiste.
Pourtant, en 1992, la guerre s’empare de la Bosnie et de Višegrad, qui fut le théâtre d’un épouvantable nettoyage ethnique dès les premières semaines du conflit, comme toutes les villes de la vallée de la Drina.
Alors âgé de quatorze ans, Saša Stanišić suivit ses parents qui avaient choisi l’exil vers l’Allemagne. Il a écrit dans son pays et sa langue d’adoption ce détonnant premier roman, qui fut publié en 2006.
Le narrateur du récit s’appelle Aleksandar, et l’inspiration autobiographique est pleinement assumée : similitude des lieux et des dates, événements manifestement vécus par l’écrivain lui-même, passage au travail d’écriture pour rechercher et sublimer le temps perdu.
Ce jour-là, à Tokyo, Carl Lewis fait descendre le record du monde du 100 mètres sous les 10 secondes.
Ce même jour, Slavko, le grand-père maternel d’Aleksandar, assiste à l’exploit devant sa télévision. Et meurt d’une crise cardiaque.
Un monde s’effondre pour le jeune garçon, un monde dans lequel se mêlaient les croyances magiques de l’enfance et les récits légendaires de l’aïeul, dominés par la figure tutélaire de Tito et par la mythologie des Partisans communistes.
S’il ne peut faire revenir Slavko à la vie, son petit-fils lui fait la promesse de continuer ses histoires. Il y était beaucoup question de communisme, de pêche à la ligne dans la Drina, d’Ivo Andrić, mais aussi de football.
La promesse est tenue. Tous ces éléments se retrouve dans ce roman exubérant, construit comme par arborescence, en suivant la remontée chaotique des souvenirs.
Le récit converge néanmoins vers une sorte de trou noir, qui coupe en deux la vie d’Aleksandar/Saša ainsi que la structure du roman : la guerre de Bosnie, que les mots se refusent à nommer explicitement, même si l’on en voit partout les manifestations.
La force du livre tient beaucoup à son art de l’évocation indirecte.
Le tableau des réfugiés dans une cave à Višegrad, les images de cadavres à la surface de la rivière, un match de foot entre miliciens serbes et bosniaques, dans une clairière sur le front, où le vaincu sera condamné à perdre aussi la vie.
Sur les murs défraîchis de la maison familiale, seul perdure un petit rectangle immaculé : la place du portrait de Tito que l’on a décroché. Tel le rêve d’un pays évanoui, dont le grand-père racontait à son petit-fils l’histoire mythifiée.
Aleksandar/Saša part en Allemagne, il doit réinventer sa vie.
À Višegrad, il a laissé Asija, qui fut cause de ses premiers émois amoureux.
Le jeune homme n’a plus qu’à essayer de retrouver, par l’écriture, le fil de cette enfance interrompu, le rêve de ce premier amour, le souvenir du pays englouti, et la Drina, toujours majestueuse.
Après Marica Bodrožić (Tito est mort), Saša Stanišić démontre la vitalité et l’originalité d’une jeune littérature « yougo » d’expression allemande.
N’hésitant pas à mettre ses pas dans les traces du grand maître Ivo Andrić, il donne un premier roman qui résonne déjà comme un chef d’oeuvre, et qui constitue, à ce jour, l’une des plus importantes évocations littéraires de la guerre de Bosnie.
source - le courrier des Balkans - Jean-Arnault Dérens -Mise en ligne : mercredi 29 octobre 2008
5 commentaires:
Je souhaitais le lire : tu confirmes mon choix !
C'est une lecture qui m'a beaucoup intéressée, d'autant que j'ai lu juste avant "le pont sur la Drina" mais j'ai vraiment trouvé des longueurs dans le milieu du livre, pas toi ?
bonjour Sylire,
En effet, quelques longueurs... mais dans l'ensemble, vraiment un livre très intéressant.
La partie qui m'a le plus impressionnée est "le match de foot"...
Vrai ou imaginé ? d'après toi ?
En fait, cet épisode m'en rappelle un autre, durant la première guerre mondiale, dans les tranchées au moment de noël...
bonjour Leiloona,
Il serait dommage de passer à côté d'un très bon livre... je te souhaite une très bonne lecture...
En attendant, je commence aujourd'hui "Ulysse from Bagdad"...
Après, je me ferais une petite pause avec des polars...
bonne journée
Tout à fait plausible, le match de foot, vrai à mon avis.
Bonne semaine Mazel !
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