lundi 31 août 2009

Buenos Aires érige une statue à Mafalda

Hommage à Quino
45 ans après être née sur la table de travail de Joaquin Salvador Lavado, alias le caricaturiste Quino, Mafalda aura sa statue à Buenos Aires, à l'occasion des 77 ans de son père.












Elle est encore à l’abri des regards indiscrets, les mains posées sur les genoux, le regard fixé sur ce monde qu’elle aime et qui la révolte : Mafalda, l’héroïne de bande dessinée la plus connue d’Amérique latine, attend son heure dans l’atelier d’un sculpteur.
*
"On dirait qu’elle regarde la caméra.
Elle pose quand même un tout petit peu", murmure, ironique, l’auteur de la statue, Pablo Irrgang, 43 ans, cheveux longs et barbichette, assis à ses côtés.
*
Bientôt, à Buenos Aires, des milliers de fans pourront faire comme lui: la statue de Mafalda et le banc sur lequel elle est assise seront posés dimanche face à l’immeuble où elle est née en 1964, sous la plume du dessinateur Joaquin Salvador Lavado, alias "Quino", dans le quartier historique de San Telmo.
*
"On doit encore la faire briller un peu", poursuit Irrgang dans son atelier du quartier de Barracas, dans le sud de la capitale, comme s’il s’excusait de n’avoir pas encore une telle célébrité fin prête.
Irrgang est modeste. "Mon travail a été plutôt technique. Je ne la considère pas comme mon oeuvre. C’est l’oeuvre de Quino", dit-il. Tout au plus admet-il un rôle d’"intermédiaire" entre le papier et la vie en trois dimensions.
*
C’est pourquoi il a cherché conseil auprès du grand homme. Il lui a envoyé des photos en Italie, où il réside, et Quino lui a renvoyé ses remarques : coudes trop marqués, chevilles trop fines. "J’ai voulu la rendre plus fine", avoue Irrgang.
Personnage universel Tout en échangeant des mails avec Quino, il s’est replongé dans les aventures de Mafalda, dont le regard sur le monde, plein de malice, est devenu universel.
*
Irrgang sait qu’il a affaire à un monstre, connu du monde entier, traduit dans plus de vingt langues. "Un héros de notre temps", selon le mot du sémiologue Umberto Eco, qui ajoute qu’il ne s’agit pas "d’une définition exagérée pour ce petit personnage fait de papier et d’encre".
*
"C’est un personnage si actuel : il suffit de changer le mot Vietnam par celui d’Irak et c’est la même histoire !", s’émerveille Irrgang.
Il se lève et assène un coup de poing à l’ancien président américain George Bush, dont le buste en caoutchouc, qui vibre longtemps après le coup, est sa première représentation d’une personnalité.
Mafalda, dessinée entre 1964 et 1973, appartient aux années glorieuses de la classe moyenne de ce pays. Un livre vient de paraître à Buenos Aires : "Histoire de la classe moyenne argentine : apogée et chute d’une illusion, 1919-2003"...
La pauvreté frappe aujourd’hui entre 30 et 40% de la population, selon les études indépendantes.
*
Irrgang aime finalement savoir que Mafalda "sera assise toute seule la nuit sur un banc comme, malheureusement, tant d’enfants de cette ville".
*
Il s’attend à ce que les gens la traitent comme la petite fille qu’elle est. Mais, au cas où, il l’a faite ultra-résistante, en résine epoxy renforcée avec de la fibre de verre.
*
Quino,
premier médaillé du bicentenaire de l'indépendance argentine
Un peu plus au nord, au coin des rues Chile et Defensa, à San Telmo, tout le monde semble prêt pour le grand jour. Une affichette invite les passants à se rendre à la cérémonie au cours de laquelle Quino, âgé de 77 ans, recevra la première "médaille du bicentenaire" de l’indépendance argentine (25 mai 1810).
*
Le marchand de journaux, Jorge Garin, 86 ans, qui apportait tous les matins à son ami Quino la matière de ses histoires, compte bien être là.

L’immeuble de dix étages, tout neuf au début des années 60, est sans grâce. Il deviendra touchant dès dimanche, lorsque Mafalda sera, comme sur sa bande dessinée, assise près de sa porte.
AFP 27.08.2009 09:18

Aucun commentaire: