vendredi 28 août 2009

"Les Veilleurs" : dans les labyrinthes de la folie, de l'érudition et du rêve

En lisant le Mondes...
En savoir plus sur un livre figurant sur ma liste de lecture...
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L'obligation d'éduquer ses maxillaires et ses globes oculaires, pour pouvoir communiquer avec les autres, est une véritable dictature !
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Cette contrainte, Oscar Nexus la maudit, lui qui n'a que le masque lisse du pauvre type, du paumé un peu barge, "trop à vif dedans".
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Veilleur de nuit dans un complexe immobilier, le personnage de Vincent Message rêve d'une idylle avec une belle défigurée.
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Et finit, un matin de février, par descendre dans la rue armé d'un pistolet pour tuer trois personnes, des gens qu'il ne connaissait pas.
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Tel est le point de départ de cet étonnant premier livre, qui mixe les genres, frôle le fantastique, perd parfois le lecteur dans des labyrinthes d'érudition, mais possède une force certaine. Condamné à la prison à perpétuité à cause de "sa mauvaise volonté évidente et son refus de coopérer avec la justice", Nexus paraît absent à son procès, pantin de bois se laissant ballotter par les juges et les avocats, amnésique incapable d'expliquer ses mobiles.
Deux hommes se penchent sur son cas, conjuguant enquête et thérapie : Paulus Rilviero, officier de police judiciaire, et Joaquim Traumfreund, analyste.
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IDENTITÉ LACUNAIRE

Intrigante, émaillée de quelques tics d'inversion, mais aussi de jeux de mots (Traumfreund ne serre pas les mains, il "pince une foule de crabes"), la première partie des Veilleurs a de quoi séduire.
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Oscar Waldo Andrease Nexus, le criminel à l'identité lacunaire, s'est joué "avec une effronterie hors normes" des contrôles kafkaïens de la société moderne. Sans dossiers, fiches ou archives dans les administrations, il reste une énigme pour ses contemporains, obligeant Rilviero à plancher sur son mystère "avec ce filet que les entomologistes réservent aux papillons rares".
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Féru d'antipsychiatrie, Traumfreund héberge Nexus dans une annexe de sa clinique, afin d'étudier son cas. Mais il est bien difficile, sans recourir à la torture, de faire parler un homme qui semble avoir fait voeu de silence. Nexus étant un dormeur pathologique, on entreprend donc de lui faire raconter ses rêves.
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Seulement, comment comprendre un homme qui s'exprime par délires pour redonner du sens au monde ?
Comment décrypter sa langue quasi étrangère, trouver une cohérence dans son matériau onirique ?
D'autant que se fait jour une affolante découverte : en fait, Nexus ne rêve pas, ses hallucinations cohérentes ne sont qu'une création de son psychisme, une fable destinée à compenser l'inanité de ce qu'il a vécu.
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Commence alors, avec les longs récits énigmatiques de Nexus, qui vit dans un monde parallèle, un second roman, exploration d'univers virtuels plus ou moins antiques, ésotériques, situés dans le désert, dans les temps d'antan - tous développements qu'il faut bien avouer ingrats.
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Car c'est la limite de ce roman touffu, truffé de références (le logiciel Daedalus, l'Aneph, Altenberg, la tribu des Xylographes...), féru d'écriture jusqu'à l'excès parfois et ne dédaignant pas les ironies, comme le prouvent les interprétations de Traumfreund.
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A tort ou à raison, on ne le suit qu'avec difficultés dans son ailleurs à la Frank Herbert (l'auteur de Dune), cette contrée peuplée de pèlerins en quête d'identité, pas plus que dans sa fascination pour la folie et pour l'entropie à la Thomas Pynchon.
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Dans leur laboratoire du sommeil, les veilleurs poursuivent leur travail sur Nexus.
Ils le suspectent bientôt d'être un fabulateur pathologique, atteint de Pseudologia phantastica, mal des mythopathiques à l'exubérance imaginative et verbale : un timbré ne pouvant concevoir sa vie autrement que comme une odyssée dont il serait la figure de proue.
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Un débat s'instaure alors entre le flic et le médecin sur la responsabilité de la Raison et le déficit de l'Imaginaire dans les désastres de la planète.
Encore une manière, pour Vincent Message, de brasser allègrement les savoirs et les zones culturelles ou historiques, des frères Grimm à Auschwitz. Trop peut-être.
N'empêche : ce livre a du souffle et vibre de littérature.
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Les Veilleurs, de Vincent Message, Seuil, 636 p., 22 €.
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illustration : "la liseuse" de Ari Arzi

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