vendredi 28 août 2009

Patrice Blouin - Tino et Tina

En lisant le Monde...
Toujours aussi curieuse d'en savoir plus sur les nouveaux romans...
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En littérature, le premier pas est une expérience profonde et décisive : si l'aventure doit continuer, elle dessine déjà les linéaments d'une oeuvre future.
Mais comment seulement s'y prendre ?
C'est le casse-tête d'un écrivain qui ne "manque à personne", comme le disait l'éditeur Jérôme Lindon, et qui prend le risque de transformer sa solitude en singularité dans l'espérance de la publication.
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Certains nouveaux venus cherchent à faire du bruit, et n'échappent pas à la tentation du coup. Comme si l'idée de carrière se substituait à celle de l'oeuvre, et le produit à celle du projet. Il faudrait être déjà presque arrivé, alors que le signal du départ vient à peine d'être donné.
Dans une époque aussi vive que la nôtre, pour être remarqué, l'identification d'un livre à son sujet doit souvent être immédiate.
C'est le primat de l'énoncé qui prévaut et rapproche la littérature de ce qu'elle ne devrait pas seulement être : médiatrice d'un message et réduite à un simple synopsis.
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Si tel était le cas, Tino et Tina, le premier roman de
Patrice Blouin, n'attirerait pas beaucoup l'attention.
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Son histoire est mince, économe. Elle raconte la destinée d'un frère et d'une soeur abandonnés par leur mère à l'âge de 15 ans, et qui se livrent à un curieux apprentissage de la vie.
Tino et Tina vont chercher à s'en approcher par le jeu, la fantaisie, la méditation, pour tisser des liens nouveaux avec elle.
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En matière d'histoire, rien de particulièrement novateur dans ce roman. Il s'agit d'une énième variation sur le thème du double et des enfants terribles.
Pourtant, malgré la simplicité de l'argument, il y a une dimension qui porte ce livre plus haut que là où il prétend être. Car cette histoire, son auteur semble parfois la regarder avec distance.
Elle s'interrompt à plusieurs reprises, et laisse place à un curieux dialogue entre deux divinités, Charybde et Scylla, qui s'interrogent sur l'écriture de ce livre. Celui-ci tient en effet sur un fil, et c'est un exercice périlleux auquel se livre Patrice Blouin : faire entrer le lecteur dans son histoire sans jamais perdre de vue qu'un roman est avant tout un artefact.
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L'auteur, sans doute encore hanté par le soupçon du Nouveau Roman à l'égard du récit traditionnel, assume cet héritage, mais persiste dans le travail de l'imagination. Peut-on aujourd'hui croire aux histoires ? Question essentielle quand on décide d'écrire un livre, et de surcroît très courageuse lorsqu'il s'agit du premier.
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Quand le roman se termine, malgré la retenue de Blouin, ses ingrédients sont enfin rassemblés. L'écriture, procédant par petites touches, a fini par dessiner des images, mais interrompues par le livre arrivé à son terme, ce qui engendre une légère frustration.
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Encore une fois, l'intention de Patrice Blouin, pour un premier texte, est d'échapper au grand bluff. C'est une entrée discrète en littérature, qui laisse entendre qu'il n'a pas épuisé ses ressources, et que son premier roman est peut-être déjà travaillé par le livre d'après.
source : Amaury da Cunha - http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/08/27/permier-roman-l-entree-litteraire_1232354_3260.html#xtor=RSS-3260
Tino et Tina, de Patrice Blouin, L'Arbalète/Gallimard, 92 p., 12 €.
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illustration : "la liseuse" de Igor Bitman

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