samedi 10 octobre 2009

Jacques Chessex a rendu son dernier souffle au milieu des livres

Je viens à peine d'ouvrir l'ordinateur et voilà déjà une mauvaise nouvelle.
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"la liseuse" de Johann Peter Hasenclever
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Jacques Chessex est tombé, victime d’un malaise cardiaque, lors d’une conférence sur l’adaptation théâtrale de son roman La confession du pasteur Burg à Yverdon-les-Bains (VD).
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«La conférence avait lieu à la Bibliothèque municipale en fin d’après-midi. Au moment des questions, un spectateur a interpellé Jacques Chessex sur sa position face à l’affaire Polanski, raconte un témoin.
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Soudain, l’écrivain s’est effondré.» Les secouristes, arrivés rapidement sur les lieux, ont tenté de le ranimer, sans succès. L’écrivain n’a pas survécu à son malaise cardiaque. 
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Un grand de la littérature

Son décès marque la disparition d’un grand de la littérature romande.
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L’œuvre de Chessex est incontestablement, avec celles d’Alice Rivaz, de Maurice Chappaz ou de Georges Haldas, l’une des plus marquantes de la littérature romande et francophone du XXe siècle.
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Or, ce qui saisit chez cet écrivain possédé par le démon de la littérature est sa capacité de rebondir, de se rafraîchir et d’entretenir un véritable jaillissement créateur continu.
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L’homme lui-même avait quelque chose de la légende vivante. La querelle, l’invective dans les cafés et les journaux, voire la bagarre à poings nus n’auront point trouvé de représentant plus acharné. Il y avait du forcené en Jacques Chessex, pour le pire autant que pour le meilleur. Rien de ce qui est écrit ne lui était étranger, pourrait-on dire de cet écrivain flaubertien par sa passion obsessionnelle, quasiment religieuse.
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Chessex était écrivain sans discontinuer et depuis toujours à ce qu’il semble, à l’imitation d’un père fou de mots avant lui (Pierre Chessex était historien, rappelons-le, spécialiste des étymologies), toute sa vie sera mise en mots et sa carrière d’homme de lettres fit l’objet d’une stratégie tissée de plans et de calculs, de flatteries et de rejets, d’avancées sensationnelles (le premier Goncourt romand, en 1973) et de faux pas signalant la passion désordonnée d’un grand inquiet peu porté, au demeurant, à s’attarder dans les mondanités.
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Jacques Chessex s’est portraituré maintes fois en renard, et c’est en effet la figure de bestiaire qui lui convient le mieux, rapportant tout au butin de son œuvre Celle-ci n’a rien pour autant de statique ni de prévisible: elle impressionne au contraire par son évolution constante et son enrichissement, sa graduelle accession à une liberté d’écriture aux merveilleuses échappées.
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Marqué par le suicide de son père
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L’œuvre de Jacques Chessex (né en 1934) tire l’essentiel de sa dramaturgie et de sa thématique d’un scénario existentiel marqué par le suicide du père, évoqué et réinterprété à d’innombrables reprises. Cette œuvre procède à la fois d’un noyau poétique donné et d’un geste artisanal hors du commun, d’un élan obscur et d’un travail concerté sans relâche.
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Dès la parution du premier de ses recueils, l’année de ses vingt ans, et avec les trois autres volumes qui ont suivi rapidement, le jeune poète se montre à la fois personnel, déterminé et bien conseillé, visant aussitôt la double reconnaissance romande et parisienne.
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L’affirmation de l’écrivain

Après quatre premiers recueils de poèmes qui s’inscrivent sans heurts sur la toile de fond de la poésie romande, l’écrivain va s’affirmer plus nettement dans les récits de La tête ouverte, publié chez Gallimard en 1962, et surtout avec La confession du pasteur Burg, paraissant en 1967 chez Christian Bourgois et qui amorce la série des variations romanesques sur quelques thèmes obsessionnels, à commencer par celui de l’opposition de l’homme de désir et des lois morales ou sociales.
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De facture plutôt classique, La confession du pasteur Burg, que l’auteur appelle encore récit, représente bel et bien le premier avatar d’un ensemble romanesque à la fois divers et très caractéristique en cela qu’il «tourne» essentiellement et presque exclusivement autour d’un protagoniste masculin constituant la projection plus ou moins directe de l’auteur.
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La cristallisation sera la plus dense dans Jonas, grand livre de l’expérience alcoolique, mais le romancier saura rebondir parfois à l’écart de l’autofiction, comme Le rêve de Voltaire l’illustre de la manière la plus heureuse. Ce qui nous paraît en revanche limité, chez le Chessex romancier, tient au développement des personnages et surtout des figures féminines, qui relèvent plus du type que de la personne intéressante en tant que telle.
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L’ogre, consacré par le Prix Goncourt en 1973, ne fait pas exception.
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Une suite de batailles

A l’évidence, et de son propre aveu d’ailleurs, Jacques Chessex a conçu son œuvre comme une suite de batailles, et le lui reprocher serait vain, même s’il est légitime de préférer tel aspect de son œuvre à tel autre. A cet égard, ses «romans Grasset» participât d’un certain réalisme français, issu de Flaubert et de Maupassant, ont sans doute compté pour l’essentiel dans la reconnaissance de Jacques Chessex par la France. Cela étant, son œuvre est à prendre dans son ensemble multiforme.
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Jacques Chessex n’a cessé, de fait, de creuser plusieurs sillons, en alternance ou simultanément: la poésie, rassemblée chez Bernard Campiche en 1999; le roman ou les nouvelles comptent parmi les plus belles pages de l’auteur; les proses, autobiographiques le plus souvent, mais tissées de digressions et portraits constituant un autre aspect du grand art de Chessex; enfin de nombreux essais. Les saintes écritures consacrées aux auteurs romands et nettement plus datées, entre autres écrits sur des peintres et autres lieux. Plus récemment, les ouvrages plébiscités par le grand public. -
PIERRE BLANCHARD / JEAN-LOUIS KUFFER 09.10.2009 23:15

2 commentaires:

Alex-Mot-a-Mots a dit…

Je ne connaissais pas cet auteur, et donc n'avait pas porté attention à cette nouvelle.

mazel a dit…

bonjour Alex,
c'est ça qui est pratique avec les blogs... on découvre des auteurs...

je ne sais pas pour toi, mais j'ai une nette préférence pour les livres recommandés par les amis plutôt que ceux montés en épingle par la presse...

lus seulement 2 histoires de lui : Un Juif pour l'exemple et Le Vampire de Ropraz ... impressionnant ! sur la base d'histoires vraies.

difficile de te recommander l'un ou l'autre. Ils sont tout aussi magnifiques.

passe une bonne journée
bises