mardi 27 octobre 2009

prix Virilo, seconde édition : hormone XY et moustaches

En passant sur http://www.actualitte.com/actualite/14494-prix-virilo-XY-hormone-moustaches.htm, l'un des sites littéraires que je préfère...
suis restée étonnée par l'un des candidats à ce prix : Valéry Giscard d'Estaing !
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Tout de même accorder un prix de ce genre a une bluette même présidentielle, c'est un comble !
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La littérature est vraiment mise à mâle.
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illustration : une fois n'est pas coutume, mais là, "UN lectueur" s'impose... une toile Carl Spitzweg
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Avec supplément monocle pour les plus classieux de ces messieurs...
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Avec « un poil dans la main, un livre dans l'autre », le prix Virilo a tout de même pu trouver le temps de renouveler sa liste de sélectionnés pour une seconde édition de ce contrepoint littéraire du Fémina.
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Un prix qui « a prouvé au monde qu'il fallait mettre un genre au talent, donner un sexe au génie ».
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Et le 9 novembre prochain, le prix Virilo remettra à prompt renfort de moustaches, non loin du Crillon, où le Femina récompensera son lauréat, son prix, à 11 h 30, au Café de l'Ambassade.
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Mais il remettra également le prix Trop Virilo, qui récompense « la poussée de testostérone littéraire la plus vivace ».Muy macho, si !Si le Virilo Prize a disparu, au profit d'une seule littérature francophone cette année, d'autres accessits, comme le Prix de la plus mauvaise quatrième de couverture seront remis, uniquement sur le blog.
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Pour le prix Virilo, sont sectionnés

Loin des bras de Metin ARDITI (Actes Sud)
Nous autres de Stéphane AUDEGUY (Gallimard)
Assortiment pour une vie meilleure de Thomas GUNZIG (Au Diable Vauvert)
Jan Karski de Yannick HAENEL (Gallimard)
Dans les ombres sylvestres de Jérôme LAFARGUE (Quidam)
Des hommes de Laurent MAUVIGNIER (Minuit)
Trois femmes puissantes de Marie NDIAYE (Gallimard)
La Vérité sur Marie de Jean-Philippe TOUSSAINT (Minuit)
Yanvalou pour Charlie de Lyone TROUILLOT l (Actes Sud)
Les Insomniaques de Camille de VILLENEUVE (Philippe Rey) Et pour le prix Trop Virilo,
Parquet flottant de Samuel CORTO (Denoël)
L'hyper Justine de Simon LIBERATI (Flammarion)
La Princesse et le Président de Valery G. d'ESTAING (De Fallois/ X.O)
La Confession négative de Richard MILLET (Gallimard)
Cadence de Stéphane VELUT (Ch. Bourgois)
Kata Sutra, la vérité crue… de N.DAAM, E. DEFAUD, T. LECOQ J. SABROUX, E. PHILIPPE (Ja. Duvernet)
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Toujours doté de 11 € pour accompagner la réussite du lauréat et son talent hormonal, le Virilo n'attend plus que vous.
source : actualitté - Rédigé par
Clément S., le mardi 27 octobre 2009 à 08h46

En 2008, les lauréats ont été :

* Prix Virilo à Robert Alexis, pour "Les Figures" (Editions José Corti)
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* Prix Trop Virilo à Pierre Bisiou, pour "Enculée" (Editions Stock)
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illustration : softlab.ece.ntua.gr
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On y pense pas assez souvent, mais les Championnats du monde de barbe et moustaches ont eu lieu le 23 mai 2009. - source : http://www.tribords.com/?championnats-monde-barbe-moustaches

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idées de lecture :

La Moustache de Emmanuel Carrère
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Ayant vidé la poubelle sur le trottoir, il trouva vite le sac qu'on plaçait dans la salle de bains, en retira des coton-tiges, un vieux tube de dentifrice, un autre de tonique pour la peau, des lames de rasoir usagées. Et les poils étaient là.
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Pas tout à fait comme il l'avait espéré : nombreux, mais dispersés, alors qu'il imaginait une touffe bien compacte, quelque chose comme une moustache tenant toute seule.
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Il en ramassa le plus possible, qu'il recueillit dans le creux de sa main, puis remonta. Il entra sans bruit dans la chambre, la main tendue en coupelle devant lui et, s'asseyant sur le lit à côté d'Agnès apparemment endormie, alluma la lampe de chevet.
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Elle gémit doucement puis, comme il lui secouait l'épaule, cligna des yeux, grimaça en voyant la main ouverte devant son visage. " Et ça, dit-il rudement, qu'est-ce que c'est? "
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La moustache de Tahsin Yücel
Un baiser sans moustache de Catherine Simon
L'été de la moustache de François Gravel
La moustache du biographe de Kingsley Amis
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Un peu de littérature classique

LA MOUSTACHE
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Château de Solles, lundi 30 juillet 1883.
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Ma chère Lucie,
rien de nouveau. Nous vivons dans le salon en regardant tomber la pluie. On ne peut guère sortir par ces temps affreux; alors nous jouons la comédie.
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Qu'elles sont bêtes, ô ma chérie, les pièces de salon du répertoire actuel. Tout y est forcé, grossier, lourd.
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Les plaisanteries portent à la façon des boulets de canon, en cassant tout. Pas d'esprit, pas de naturel, pas de bonne humeur, aucune élégance.
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Ces hommes de lettres, vraiment, ne savent rien du monde. Ils ignorent tout à fait comment on pense et comment on parle chez nous. Je leur permettrais parfaitement de mépriser nos usages, nos conventions et nos manières, mais je ne leur permets point de ne les pas connaître.
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Pour être fins ils font des jeux de mots qui seraient bons à dérider une caserne ; pour être gais ils nous servent de l'esprit qu'ils ont dû cueillir sur les hauteurs du boulevard extérieur, dans ces brasseries dites d'artistes où on répète, depuis cinquante ans, les mêmes paradoxes d'étudiants. Enfin nous jouons la comédie.
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Comme nous ne sommes que deux femmes, mon mari remplit les rôles de soubrette, et pour cela il s'est rasé.
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Tu ne te figures pas, ma chère Lucie, comme ça le change! Je ne le reconnais plus... ni le jour ni la nuit. S'il ne laissait pas repousser immédiatement sa moustache je crois que je lui deviendrais infidèle, tant il me déplaît ainsi. Vraiment, un homme sans moustache n'est plus un homme.
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Je n'aime pas beaucoup la barbe; elle donne presque toujours l'air négligé, mais la moustache, ô la moustache! est indispensable à une physionomie virile. Non, jamais tu ne pourrais imaginer comme cette petite brosse de poils sur la lèvre est utile à l'oeil et... aux... relations entre époux.
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Il m'est venu sur cette matière un tas de réflexions que je n'ose guère t'écrire. Je te les dirai volontiers... tout bas. Mais les mots sont si difficiles à trouver pour exprimer certaines choses, et certains d'entre eux, qu'on ne peut guère remplacer, ont sur le papier une si vilaine figure, que je ne peux les tracer.
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Et puis, le sujet est si difficile, si délicat, si scabreux qu'il faudrait une science infinie pour l'aborder sans danger. Enfin! tant pis si tu ne me comprends pas.
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Et puis, ma chère, tâche un peu de lire entre les lignes. Oui, quand mon mari m'est arrivé rasé, j'ai compris d'abord que je n'aurais jamais de faiblesse pour un cabotin, ni pour un prédicateur, fût-il le père Didon, le plus séduisant de tous! Puis quand je me suis trouvée, plus tard, seule avec lui (mon mari), ce fut bien pis.
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Oh! ma chère Lucie, ne te laisse jamais embrasser par un homme sans moustaches ; ses baisers n'ont aucun goût, aucun, aucun !
Cela n'a plus ce charme, ce moelleux et ce... poivre, oui, ce poivre du vrai baiser. La moustache en est le piment.
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Figure-toi qu'on t'applique sur la lèvre un parchemin sec... ou humide. Voilà la caresse de l'homme rasé. Elle n'en vaut plus la peine assurément.
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D'où vient donc la séduction de la moustache, me diras-tu ? Le sais-je ?
D'abord elle chatouille d'une façon délicieuse. On la sent avant la bouche et elle vous fait passer dans tout le corps, jusqu'au bout des pieds un frisson charmant. C'est elle qui caresse, qui fait frémir et tressaillir la peau, qui donne aux nerfs cette vibration exquise qui fait pousser ce petit "Ah !" comme si on avait grand froid.
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Et sur le cou ! Oui, as-tu jamais senti une moustache sur ton cou ? Cela vous grise et vous crispe, vous descend dans le dos, vous court au bout des doigts. On se tord, on secoue ses épaules, on renverse la tête ; on voudrait fuir et rester ; c'est adorable et irritant ! Mais que c'est bon !
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Et puis encore... vraiment, je n'ose plus ? Un mari qui vous aime, mais là, tout à fait, sait trouver un tas de petits coins où cacher des baisers, des petits coins dont on ne s'aviserait guère toute seule. Eh bien, sans moustaches, ces baisers-là perdent aussi beaucoup de leur goût, sans compter qu'ils deviennent presque inconvenants !
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Explique cela comme tu pourras. Quant à moi, voici la raison que j'en ai trouvée. Une lèvre sans moustaches est nue comme un corps sans vêtements ; et, il faut toujours des vêtements, très peu si tu veux, mais il en faut !
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Le créateur (je n'ose point écrire un autre mot en parlant de ces choses), le créateur a eu soin de voiler ainsi tous les abris de notre chair où devait se cacher l'amour. Une bouche rasée me paraît ressembler à un bois abattu autour de quelque fontaine où l'on allait boire et dormir.
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Cela me rappelle une phrase (d'un homme politique) qui me trotte depuis trois mois dans la cervelle. Mon mari, qui suit les journaux, m'a lu, un soir, un bien singulier discours de notre ministre de l'agriculture qui s'appelait alors M. Méline. A-t-il été remplacé par quelque autre ? Je l'ignore. Je n'écoutais pas, mais ce nom, Méline, m'a frappée.
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Il m'a rappelé, je ne sais trop pourquoi, les scènes de la vie de Bohème. J'ai cru qu' il s'agissait d'une grisette. Voilà comment quelques bribes de ce morceau me sont entrées dans la tête.
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Donc M. Méline faisait aux habitants d'Amiens, je crois, cette déclaration dont je cherchais jusqu'ici le sens : "Il n'y a pas de patriotisme sans agriculture ! " Eh bien, ce sens, je l'ai trouvé tout à l'heure ; et je te déclare à mon tour qu'il n'y a pas d'amour sans moustaches. Quand on le dit comme ça, ça semble drôle, n'est-ce pas ? Il n'y a point d'amour sans moustaches ! "Il n'y a point de patriotisme sans agriculture", affirmait M. Méline ; et il avait raison, ce ministre, je le pénètre à présent !
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A un tout autre point de vue, la moustache est essentielle. Elle détermine la physionomie. Elle vous donne l'air doux, tendre, violent, croquemitaine, bambocheur, entreprenant !
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L'homme barbu, vraiment barbu, celui qui porte tout son poil (oh! le vilain mot) sur les joues n'a jamais de finesse dans le visage, les traits étant cachés. Et la forme de la mâchoire et du menton dit bien des choses, à qui sait voir. L'homme à moustaches garde son allure propre et sa finesse en même temps.
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Et que d'aspects variés elles ont, ces moustaches !
Tantôt elles sont retournées, frisées, coquettes. Celles-là semblent aimer les femmes avant tout !
Tantôt elles sont pointues, aiguës comme des aiguilles, menaçantes. Celles-là préfèrent le vin, les chevaux et les batailles.
Tantôt elles sont énormes, tombantes, effroyables. Ces grosses-là dissimulent généralement un caractère excellent, une bonté qui touche à la faiblesse et une douceur qui confine à la timidité.
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Et puis, ce que j'adore d'abord dans la moustache, c'est qu'elle est française, bien française. Elle nous vient de nos pères les Gaulois, et elle est demeurée le signe de notre caractère national enfin.
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Elle est hâbleuse, galante et brave. Elle se mouille gentiment au vin et sait rire avec élégance, tandis que les larges mâchoires barbues sont lourdes en tout ce qu'elles font.
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Tiens, je me rappelle une chose qui m'a fait pleurer toutes mes larmes, et qui m'a fait aussi, je m'en aperçois à présent, aimer les moustaches sur les lèvres des hommes.
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C'était pendant la guerre, chez papa. J'étais jeune fille, alors. Un jour on se battit près du château. J'avais entendu depuis le matin le canon et la fusillade, et le soir un colonel allemand entra chez nous et s'y installa. Puis il partit le lendemain.
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On vint prévenir père qu'il y avait beaucoup de morts dans les champs. Il les fit ramasser et apporter chez nous pour les enterrer ensemble. On les couchait, tout le long de la grande avenue de sapins, des deux côtés, à mesure qu'on les apportait; et comme ils commençaient à sentir mauvais, on leur jetait de la terre sur le corps en attendant qu'on eût creusé la grande fosse.
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De la sorte on n'apercevait plus que leurs têtes qui semblaient sortir du sol, jaunes comme lui, avec leurs yeux fermés. Je voulus les voir; mais quand j'aperçus ces deux grandes lignes de 6gures affreuses, je crus que j'allais me trouver mal ; puis je me mis à les examiner, une à une, cherchant à deviner ce qu'avaient été ces hommes.
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Les uniformes étaient ensevelis, cachés sous la terre, et pourtant tout à coup, oui ma chérie, tout à coup je reconnus les Français, à leur moustache !
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Quelques-uns s'étaient rasés le jour même du combat, comme s'ils eussent voulu être coquets jusqu'au dernier moment ! Leur barbe cependant avait un peu repoussé, car tu sais qu'elle pousse encore après la mort.
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D'autres semblaient l'avoir de huit jours; mais tous enfin portaient la moustache française, bien distincte, la fière moustache, qui semblait dire : "Ne me confonds pas avec mon voisin barbu, petite, je suis un frère."
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Et j'ai pleuré, oh! j'ai pleuré bien plus que si je ne les avais pas reconnus ainsi, ces pauvres morts. J'ai eu tort de te conter cela. Me voici triste maintenant et incapable de bavarder plus longtemps.
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Allons, adieu, ma chère Lucie, je t'embrasse de tout mon coeur. Vive la moustache !
- Guy de Maupassant
- Texte publié dans Gil Blas du 31 juillet 1883, sous la signature de Maufrigneuse, puis publié dans le recueil Toine

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