jeudi 29 octobre 2009

Jim Holt - Petite philosophie des blagues et autres facéties


Grace à Blog-o-book nous avons été sélectionnées pour le lire : 4nn3, Fée de passage, Theoma, Velvet

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Attention pour ceux qui se méprendraient sur le titre, ce n'est pas un recueil de blague, même s'il y en a quelques unes à titre d'exemple, ce livre est plus a classer dans la catégorie essai.
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Une histoire définitive de la blague et de ses implications philosophiques ne pourra jamais être écrite puisque Jim Holt affirme que la blague n’est pas en soir un idéal immuable, mais une tradition historique qui évolue avec le temps.
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Il tente tout de même d’en saisir l’évolution.
Un ouvrage érudit et plaisant, tonique et réjouissant. C'est intelligent et bienvenu, un très bon moment de lecture !
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Les blagues et histoires drôles et leur évolution au fil du temps et des siècles.
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L'auteur montre que les blagues évoluent plus qu'elles ne se créent et permettent d'expulser l'agressivité contenue en chacun.
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Holt remonte le temps et fait débuter le premier recueil de blagues connu en Occident à l'antiquité avec le Philogéros . Contenant environ 265 blagues en grec ancien.
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Certaines blagues reviennent sous plusieurs versions différentes, signe qu’il s’agit bien d’un recueil tiré en grande partie de sources orales.
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De nombreux personnages sont moqués, dont les « intellectuels » dont la formation uniquement livresque cache mal la stupidité mais grossit la prétention, les avares, les charlatans, les femmes, les gens à la mauvaise haleine, etc...
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Mais qu'est ce qu'une histoire drôle ?
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Elle s'articule, en deux parties. Il y a d'abord la montée d'une tension. La seconde partie de l'histoire drôle est appelée la chute : le danger est passé, ou un changement de perspective dans l'histoire révèle que le danger était faux ou ridicule. La relâche brutale de la tension déclenche le rire.
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Il y a deux ingrédients important dans une histoire drôle :
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La tension : plus elle est forte plus le rire sera fort. Pour instaurer une tension forte, on peut utiliser des sujets tendus, comme la politique, la religion, les relations homme-femme, le sexe. L'homme pouvant s'identifier à n'importe quel personnage, la mise en place de situations tendues n'est pas limitée.
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La chute : la relâche brutale de la tension. Une histoire drôle expliquée fait rarement rire. La personne à qui on l'explique peut même être vexée de ne pas l'avoir comprise sans aide.
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Dans la presse :
On ne badine pas
avec l’humour
Une Philosophie des blagues, fût-elle Petite, c’est l’idéal : on cumule le plaisir de lire des histoires drôles avec la gratification de ne pas être là pour rigoler mais de s’instruire - un peu comme, à l’époque où le magazine plein de jeunes filles dénudées s’introduisit en France, il y avait des gens prétendant acheter Playboy pour les textes plutôt que pour les photos.
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Même le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, de Freud, on y retourne voir en diagonale pour retrouver les meilleures histoires.
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C’est dire que, tout en étant attentif à son étude et ses commentaires, on attend surtout de Jim Holt et sa Petite Philosophie des blagues et autres facéties des histoires drôles de qualité : il sera aussi jugé à cette aune.
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On n’est pas déçu, dans l’ensemble. Il y a déjà quelque chose d’amusant à voir l’auteur, collaborateur du New York Times et du New Yorker, ressusciter les érudits de la blague et les divers scientifiques de l’humour. «Une étude de 13 804 blagues recensées à New York en 1963 révélait que 17% d’entre elles touchaient au sexe et 11% aux "négros".»
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Jim Holt s’intéresse aussi aux cas d’école, aux performances humoristiques, telle la blague en une phrase («J’étais si laid à ma naissance que la sage-femme a giflé ma mère») et même en deux mots («Prétentieux ? Moi ?»).
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Il prend soin de placer l’humour jusque dans sa recherche, quand il étudie la façon dont circulent les blagues.
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«"Il existe deux théories traditionnelles, me dit Dundes. L’une qu’elles viennent des agents de change, qui disposent de temps entre les ventes et de puissants réseaux de communication pour les diffuser. L’autre qu’elles seraient inventées par les prisonniers, qui disposent également de temps libre et d’un auditoire captif. […] Ces deux théories n’en font probablement plus qu’une aujourd’hui."»
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C’est l’histoire drôle à travers les âges qui inspire Jim Holt. «Bien que nous considérions les blagues comme une constante culturelle, il s’agit d’une forme d’humour qui fluctue avec la montée et la chute des civilisations.»
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A partir d’une blague d’écolier («Pourquoi les pets sentent-ils ? Pour que les sourds puissent en profiter»), il remonte les siècles pour la retrouver sous une autre forme dans les Mille et Une Nuits.
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Celle-ci, en revanche, n’est compréhensible que pour nos générations et peut s’appliquer à chaque anniversaire de Monica Lewinski : «Tu te rends compte ! Monica a déjà 30 ans ! Je la revois encore marcher à quatre pattes dans le bureau ovale de la Maison Blanche.»
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Il y a aussi toutes les blagues ratées, celles qui sont juste racistes, misogynes, salaces, homophobes, dépourvues du moindre humour. .
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L’auteur cite à ce sujet la remarque de la comédienne juive Sarah Silverman : «L’Holocauste n’est pas toujours drôle.» «Les blagues sont le fruit d’une ingéniosité humaine qui, au plus tendu et au plus épuré, confine à l’art», écrit Jim Holt.
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On voit bien que ce n’est pas forcément par paresse ou une sorte de poujadisme intellectuel qu’on s’intéresse souvent plus aux blagues qu’à leur étude. Les blagues réussies elles-mêmes sont déjà une étude.
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Il y a des incongruités qui ne font rire personne seulement évoquées, telles les êtres mourant de faim au milieu d’une planète d’abondance. Leur éventuel succès vient de la façon dont elles surmontent les pulsions sexuelles, racistes, antisémites ou scatologiques qui les animent.
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«Leur fonction première est de déjouer notre autocensure», écrit Jim Holt en résumant Freud et rappelant aussi leur «différence fondamentale» avec les rêves : celles-là demandent à être comprises tandis que celui-ci peut demeurer impénétrable au rêveur.
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Voici une blague «recueillie en Belgique en 1960» qui montre aussi comme Américains et Français ont une vision différente de l’histoire belge : «Pourquoi les Américains ont-ils les Noirs, et les Belges les Flamands ? Parce que les Américains ont choisi en premier.»
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Sur ce thème du racisme, Jim Holt a au demeurant ce qu’il appelle une «métablague» et qui ressemble en effet à une critique sociale à elle toute seule : «Par quoi commence une blague sur les Noirs racontée par un Blanc ? Par un coup d’œil par-dessus l’épaule.»
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Il y aussi la blague à vocation philosophique que Jim Holt appelle «le contre-exemple spontané» et dont le type est «- Tout le monde sait tout sur tout. / - Je ne savais pas.» Le philosophe du langage John Langshaw Austin affirmait dans une conférence qu’il connaissait des langues où une double négation valait affirmation, où une double négation renforçait la négation mais aucune où une double affirmation vaudrait une négation, alors, «du fond de la salle, avec un accent appuyé de Brooklyn fusa le commentaire : "Ouais, ouais."»
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On doit au philosophe, logicien et mathématicien britannique Alfred North Whitehead cette remarque qui n’est pas drôle mais a tout pour intéresser les spécialistes de l’écriture : «L’absence totale d’humour de la Bible demeure la chose la plus singulière de toute l’histoire de la littérature.»
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Autre lecteur, pour compléter... (extraits): http://www.hemcel.fr/2009/10/petite-philosophie-des-blagues-et.html
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Journaliste pour le New Yorker, Jim Holt se voit un jour confier la mission d'écrire un article sur l'histoire des blagues et de leurs collectionneurs.
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Cette recherche que l'auteur restitue d'une plume légère et fort agréable l'a ramené... aux calendes grecques, plus précisément à Palamède, légende antique de la blague.
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Les collectionneurs contemporains de blagues se nomment Legnan, Schmulowitz ou encore Alan Dundee, prof de blagues à Berkeley...
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La seconde partie de l'ouvrage est consacrée spécifiquement à la philosophie de la blague. L'essence de ces bons mots tiennent en quelques ficelles que décelèrent des penseurs aussi fameux que Kant ou Bergson.
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sur wikipédia, voir également : Blague,


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