dimanche 4 janvier 2009

"Quand on achète un Westlake, on est sûr de se marrer!"

Spécialiste du roman policier, Claude Mesplède, auteur du Dictionnaire des littératures policières (éd. Joseph K), revient pour LEXPRESS.fr sur la disparition de l'écrivain américain Donald Westlake.
Comment définir le style Donald Westlake?

L'homme était d'une modestie incroyable.
Humble, discret et très drôle. Il savait parler de ses livres en termes très simples.
Ses cinq premiers ouvrages étaient inspirés par les écrivains Dashiell Hammett, Peter Rabe ou William Irish.
Il n'a trouvé son style, l'humour, qu'avec Le Pigeon d'argile en 1965. Il disait "C'est le premier livre qui m'appartient vraiment... Je l'ai commencé et soudain je ne pouvais plus aborder le genre aussi sérieusement que je l'avais fait." La dérision était sa marque de fabrique.
Son personnage, John Dortmunder, est un voleur sans armes à la tête d'une bande de bras cassés et impliqué dans des situations de plus en plus loufoques. Le Couperet (1997) et Le Contrat (2000) constituent deux exceptions.
Ils traitent, pour le premier, de la course au profit et du chômage, et, pour le second, du monde de l'édition. Ce sont deux ouvrages au ton plus glaçant.

Il s'est frotté à beaucoup de genres différents...

Il a commencé en écrivant ce que j'appellerais pudiquement des "romans légers". Les écrivains Bill Bronzini ou Lawrence Block ont aussi débuté leur carrière en signant des livres érotiques. Dans Adios Scheherezade (1970), Donald Westlake raconte d'ailleurs l'histoire d'un écrivain de romans pornos frappé par l'angoisse de la page blanche. Il s'est aussi essayé à la science-fiction, sous un de ses dix pseudonyme, Curt Clark, avec Arnachaos (1989) et au western avec Brian Garfield dans Place au gang ! (1973).

Donald Westlake était si prolifique qu'il a écrit sous de nombreux pseudos...

En même temps qu'il changeait de style, il changeait aussi de nom pour ne pas tromper sa clientèle. Quand on achète un Westlake, on est sûr de se marrer!
Or, sous le pseudonyme de Richard Stark, il met en scène le personnage de Parker, un tueur de sang froid.
Il a écrit aussi cinq autres livres sous le pseudonyme de Tucker Coe. L'histoire de Mitch Tobin, un policier révoqué pour faute grave. Pour expier en s'isolant du monde, l'ancien flic passe son temps à construire un mur interminable autour de son jardin et à creuser un second sous-sol dans sa cave. Tobin abandonne parfois ses travaux afin d'enquêter pour des individus qui ne peuvent faire appel ni à la police ni à un privé.

Que pensait-il des adaptations de ses livres au cinéma?

Je pense qu'il n'en était pas très satisfait, particulièrement de celles réalisées en France comme Le Jumeau, tourné par Yves Boisset.

Un livre à conseiller pour entrer dans l'univers de Donald Westlake?

Je conseillerais Aztèques dansants (1973) et Pierre qui roule (Pierre qui brûle) (1970) qui est le premier de la série Dortmunder.
Attention, les premiers livres de Donald Westlake parus dans la Série Noire ont été tronqués.
Il faut acheter les versions éditées chez Rivages/Noir.
J'inviterais les internautes à lire Smoke: un cambrioleur se fait attraper alors qu'il tente de dérober des ordinateurs dans un laboratoire. Pour ne pas être envoyé chez les flics, il accepte de jouer les cobayes humains et de devenir invisible.
Derrière Smoke se cache une attaque contre le contrôle du génome humain et contre l'industrie du tabac. Une dénonciation toute en subtilité. Westlake est un grand humaniste qui se sert de son humour pour faire passer la pilule.
source : l'express-livres - Julien Bordier, publié le 02/01/2009 15:35
illustration : la liseuse d'Anthony Droedge

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