mardi 17 novembre 2009

curiosité de lecture : contes de fées

Et bien voilà, plus qu'une cinquantaine de pages a lire du "Parlement des fées"...
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Je ne sais toujours pas comment je vais bien pouvoir aborder le compte-rendu...
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Enfin, pour aujourd'hui, envie de visiter les sites des fées...
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et quelle chance, en plus d'un passage chez wikipédia, j'ai trouvé un magnifique travail sur le sujet sur le site de la BNF...
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j'emprunte donc l'un des passages qui pourra éventuellement me servir de fil conducteur pour mon résumé... et je vous en fait profiter par la même occasion.
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en fin d'article vous trouverez 3 livres que j'ai particulièrement aimé...
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illustration : par lafeedombre
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Contrairement à une idée répandue, la fantasy française existait avant les grandes influences anglo-saxonnes, J. R. R. Tolkien ou J. K. Rowling. La France est en effet réputée peu accueillante pour la création de mondes imaginaires, et l’esprit cartésien y tuerait toute velléité de magie. Cependant, sous le masque de l’insolite ou du merveilleux, une fantasy aux visages multiples a fleuri tout au long du XXe siècle. Largement occultée, elle permet pourtant de jouer le rôle d’alternative à des modèles limités, de remettre en cause la mainmise anglo-saxonne sur l’imaginaire, mais aussi de redécouvrir plusieurs œuvres sous un autre jour.
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illustration : de Marcel LorAnge *
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Les précurseurs
Les spécialistes français de la fantasy mettent souvent en avant la vogue du conte de fées littéraire née au XVIIe siècle, représentée entre autres par Madame d’Aulnoy (Les Fées à la mode, 1697)
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La comtesse de Ségur écrit des pastiches réussis de ces contes (Les Nouveaux Contes de fées : « Histoire de Blondine, Bonne biche et Beau Minon », « La Cabane enchantée », « Le Bon Petit Henri », 1856).
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Leur particularité réside dans l’importance accordée aux artifices du merveilleux, dont les détails participent pour une large part au plaisir de lecture.
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On peut y voir, déjà, l’émergence d’un trait essentiel de la fantasy.
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Il faut attendre les récits allégoriques pour enfants d’André Maurois (Le Pays des trente-six mille volontés (1928), Patapoufs et Filifers) pour trouver des pays imaginaires plus ou moins imprégnés de magie.
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Les œuvres d’Henri Bosco, écrites d’abord pour les adultes, portent un mystère teinté de magie païenne : L’Âne Culotte (1937) est proposé à la jeunesse sous forme tronquée, et L’Enfant et la rivière (1945) connaît un succès qui ne se dément pas.
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C’est Marcel Aymé qui reprend le topos merveilleux des animaux parlants pour l'adapter à un cadre contemporain.
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Les Contes du chat perché (1934-1946) créent un monde proche de la fantasy, avec parfois la plongée dans d’autres mondes (« Les Cygnes »).
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Les jouets vivants apparaissent également en littérature de jeunesse.
Colette écrit L'Enfant et les sortilèges pour Ravel (1925),
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et Feodor Rojankovsky créent l'album Michka en 1947.
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Cet ours en peluche doué de vie inspire une longue série d'albums pour enfants, parmi lesquels on peut citer Mitch de Grégoire Solotareff et Nadja (1988).
Enfin, André Dhôtel, grand admirateur de Mervyn Peake, donne avec Le Pays où l’on n’arrive jamais (1955) un classique indémodable sur le pays mouvant et inaccessible qu'une profonde nostalgie cherche inlassablement,
annonçant quelque part Le Parlement des fées de John Crowley
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ou les œuvres de Jonathan Carroll.
En reprenant la forme du conte pour la moderniser et lui donner un tour personnel, Pierre Gripari ouvre une voie royale à la fantasy. Les Contes de la rue Broca (1967) allient drôlerie et gravité,
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très loin des contes poétique d’Oscar Wilde. Il contribue aussi à discréditer une tendance parallèle, la floraison de féeries évanescentes, dont les œuvres de Catherine Kar sont un bon exemple.
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Marie-Aude Murail en moquera la mièvrerie dans son essai Continue la lecture, on n’aime pas la récré, avant de sacrifier à la fantasy à travers la légende médiévale de l’enfant enlevé par les fées (Le Changelin).
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De quoi parlent les contes ?
Les contes de fées parlent de la quête de l’amour et de la richesse, du pouvoir et des privilèges qui l’accompagnent, et surtout du chemin qui permet de sortir de la forêt et de retrouver la sécurité et la quiétude du foyer.
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Ramenant les mythes sur terre et leur imprimant un tour humain plutôt qu’héroïque, ils donnent un caractère familier aux histoires conservées dans les archives de notre imaginaire collectif.
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Qu’on pense au Petit Poucet, image en miniature de David tuant Goliath, d’Ulysse aveuglant le Cyclope, de Siegfried terrassant Fafner.
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Les contes de fées nous entraînent dans une réalité familière au double sens du terme — à la fois profondément intime et centrée, non pas sur les enjeux du monde en général, mais sur la famille et ses conflits.
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Illustration d'Henry Morin pour Le Petit Poucet de Charles Perrault.
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À qui s’adressent les contes ?
L’ambiguïté du public destinataire du conte de fées littéraire est au cœur de l’œuvre de Perrault : morales adultes, préfaces à visées éducatives, œuvres réputées pour enfants.
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Un siècle plus tard, les frères rassemblent des récits clairement enracinés dans l’univers des adultes, si l’on considère les préoccupations et les ambitions des principaux personnages.
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La Belle au Bois Dormant, dans le conte de Perrault, se conduit peut-être comme une enfant étourdie et désobéissante lorsqu’elle se saisit de la quenouille qui va la plonger dans un profond sommeil, mais ses véritables ennuis commencent lorsqu’une marâtre jalouse entend se la faire servir "à la sauce Robert".
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Riquet à la houppe nous enseigne que l’amour transfigure l’être aimé et que la noblesse de caractère l’emporte sur la beauté physique.
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Barbe-Bleue, avec sa chambre interdite où sont enfermés les cadavres d’anciennes épouses, traite de la loyauté, de la fidélité et de la trahison conjugales, et montre que le mariage est hanté par la menace du meurtre.
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Raiponce s’attache aux dangereuses envies d’une femme enceinte et montre qu’il est vain de vouloir protéger la vertu d’une fille en l’enfermant dans une tour.
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Si les post-adolescents sont avides de contes qui explorent les rituels de séduction et les affaires conjugales, les enfants sont plutôt attirés par ceux qui éclairent leurs propres faiblesses.
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La peur d’avoir faim, l’angoisse de la séparation, les terreurs nocturnes, la hantise d’être abandonné et dévoré : tels sont les grands enjeux de leur existence.
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Contrairement au conte de fées classique dont le cheminement va de la désintégration d’une famille sérieusement perturbée à la fondation d’une nouvelle union baignant dans la félicité, les contes de fées pour enfants ramènent leurs héros et leurs héroïnes chez eux, éliminant le plus souvent le méchant parent fauteur de troubles ou présentant des parents sincèrement contrits et ivres de joie lorsque leurs enfants reviennent à la maison.
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Dans Hänsel et Gretel des frères Grimm, les enfants se jettent au cou de leur père, devenu veuf entre-temps.
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Les parents du petit Poucet se "réjouissent" de son retour et l’accueillent "à bras ouverts".S’adressant à un public qui ne se limite pas aux enfants, le conte de fées constitue une fonction d’apprentissage.
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illustration : Et l'ogre l'a mangé par Louis-Léopold Boilly. Huile sur toile, .
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Espace et temps

Illustration par Gustave Doré pour La Belle au Bois dormant. Dans Les Contes de Perrault
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Pays de nulle part ou pays proche ?
Les formules traditionnelles " Il était une fois… ", " Au temps jadis… ", placent le conte dans un passé imprécis, aux contours mal définis, hors du temps vécu, du temps historique.
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Contrée lointaine et fictive, le pays des contes de fées est aussi un monde familier, avec ses villages dominés par le château seigneurial (Le Chat botté) et ses forêts profondes (Le Petit Poucet), ses masures où vivent de pauvres gens (Hänsel et Gretel), ses fontaines et ses rivières auxquelles la tradition populaire attribue un caractère enchanté (Les Fées).
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Autant de repères qui permettent de situer le conte dans un espace connu.
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Le héros quitte un lieu clos pour aller faire sa vie et construire son identité. L’espace du conte se dédouble alors en lieux ouverts que le héros doit parcourir pour, en fin de conte, mieux se retrouver : c’est "le vaste monde" que courent les héros des Contes de Grimm (Les Deux Frères, Le Vaillant Petit Tailleur), où pays inventé, réel et affectif se mêlent pour mieux les égarer.
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Illustration de Kay Nielsen pour Cerise ou la Grenouille mariée par les frères Grimm
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Le foyer, lieu de départ
Un jour, le héros du conte de fées doit quitter le foyer familial pour partir à la recherche de son identité.
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Cellule protectrice – comme le palais du fond des océans de la Petite Sirène – ou espace d’emprisonnement – comme la maison familiale de Cendrillon –, le foyer est un lieu clos que le héros doit abandonner de façon volontaire ou forcée, chassé par ses parents (Petit Poucet) ou au contraire après y avoir été maintenu contre son gré (Cendrillon, Peau-d’Âne).
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C’est la première étape, obligatoire, des pérégrinations du héros, et la condition même du récit. Peau d’Âne s’enfuit du domicile familial afin d’éviter les assauts incestueux de son père.
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Les parents du Petit Poucet préfèrent abandonner leurs enfants dans la forêt plutôt que d’assister à leur mort lente mais inéluctable.
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Le cas de Cendrillon, maintenue contre son gré au centre même du foyer, près de l’âtre, dans les cendres, ne fait que conforter cette hypothèse. Mais ici le départ du foyer familial ne peut s’effectuer que contre le vœu des parents.
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De même, Blanche-Neige, enfermée par sa marâtre dans le château de son père, doit, pour recouvrer son identité, affronter les dangers du vaste monde sylvestre et prouver son bon cœur en se mettant au service des sept nains.
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Illustration de Kay Nielsen pour Hansel et Gretel par les frères Grimm
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La forêt, lieu d’initiation
Lieu ouvert, sombre et dense, qui inspire la crainte et l’effroi, peuplé d’animaux cruels (loups) et d’êtres barbares qui se repaissent de chair fraîche (ogres), la forêt brouille tous les repères du héros ainsi que ceux du lecteur-auditeur qui retrouve ses terreurs enfantines.
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Car la forêt renferme bien des pièges, sous la forme d’un asile trompeur comme cette maison de pain d’épices sur laquelle se précipitent Hänsel et Gretel mourant de faim, sans entendre la petite voix de la sorcière qui les prévient, sur le mode de la ritournelle enfantine : "Grigno, grigno, grignoton / Qui grignote ma maison ? "
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De même, Blanche-Neige trouve refuge dans la maison des sept nains, mais il s’agit d’un asile factice où sa marâtre a tôt fait de la retrouver. Car la forêt, rarement décrite, est aussi un lieu d’initiation.
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C’est en la traversant que Blondine échappe au cruel magicien de la forêt des Lilas pour trouver refuge auprès de Bonne-Biche et de Beau-Minon (comtesse de Ségur).
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Le Petit Poucet, vainqueur par deux fois des pièges de la forêt, en sort grandi et transformé, sinon en taille du moins en maturité. Une nouvelle fois, le héros ne triomphe de l’épreuve que lorsqu’il en sort, c’est-à-dire lorsqu’il trouve le moyen de franchir cet espace faussement accueillant ou franchement hostile.
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Illustration d'Angela Barrett pour Blanche-Neige par Joséphine Poole d'après Grimm
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Le château, ou l’apothéose du héros
Le château, preuve matérielle de la réussite du héros, est un lieu préservé du monde extérieur, un lieu de sécurité, signe de la complète transfiguration du héros et de son ascension sociale : c’est le cas pour le château de l’ogre acquis bien rapidement par le faux Marquis de Carabas grâce aux ruses du Chat botté.
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Au-delà de la consécration sociale et de la récompense accordée à la suite des épreuves surmontées victorieusement, le château symbolise le lieu de l’accomplissement définitif.
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Cendrillon, Peau-d’Âne, Blanche-Neige, la Belle au Bois dormant, sont récompensées de leur vertu et reçoivent en même temps fortune, gloire et époux dans l’espace consacré du château.Mais le château peut aussi se révéler maléfique, pour ceux qui brûlent de le connaître de fond en comble.
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C’est le cas de la Belle au Bois dormant, qui, en parcourant le château familial découvre une vieille fileuse oubliée au fond d’un grenier : négligeant toute prudence, elle se saisit de la quenouille et s’endort pour un sommeil de cent ans.
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C’est aussi le cas de la femme trop curieuse de Barbe-Bleue qui pénètre dans la chambre interdite, en dépit des menaces proférées par son maléfique et terrifiant époux.
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Série de cartes illustrées d'après le Prince Charmant par Mme Leprince de Beaumont.
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Quelques livres que j'ai bien aimé...
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Qu'est-ce qu'un conte ? Bruno Bettelheim, psychiatre d'enfants, y voit un rite de passage entre l'univers de l'enfance et le monde des parents.
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L'intérêt que les enfants portent à ces récits, les affects qu'ils éprouvent à leur lecture, prouvent que ces histoires sont pour eux affaire sérieuse.
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Le conte aide les enfants à donner du sens à leur vie : il formule à sa façon ce qui, du monde des adultes, leur échappe et les intriguent.
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La simplicité des situations et des personnages (bon/méchant, enfant/parent, héros/ennemi...) offre à l'imaginaire infantile des repères faciles pour reproduire, à quelques simplifications près, des pensées ou des sentiments qui ont été réprimés dans la vie réelle.
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Bettelheim retrouve dans le matériel des contes de fées les grands thèmes analytiques : "Les trois petits cochons" mettent en scène l'opposition entre le principe de plaisir et le principe de réalité ; Blanche-Neige se rattache aux conflits oedipiens ; La Gardienne d'oies, rapporté à l'interdit de l'inceste, indique la voie vers l'autonomie, etc.
Des analyses qui vous feront relire autrement les contes de votre enfance !
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" Il était une fois un prince beau comme le jour. Il vivait entre son chien et son cheval, à l'orée d'un bois, dans un château aux murs gris et au toit mauve... "
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C'est pour sa femme Michelle, convalescente, que Boris Vian rédigea en 1943 ce conte de fées où abondent les sorcières, les cavernes, les îles fantastiques, comme dans les romans de chevalerie médiévaux.
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Mais n'attendons pas, bien sûr, du futur romancier de L'Ecume des jours qu'il prenne au sérieux les mille et une péripéties qui jaillissent sous sa plume.
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Dès cette oeuvre de jeunesse, son jeu consiste à piéger le récit à coups de calembours, de clins d'oeil, de dérision et de burlesque. Il y excelle, et nous amuse autant qu'il s'amuse.
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Voici exaucé le vœu de La Fontaine, et déployée pour la première fois la richesse de trois siècles de contes de fées ; depuis Les Souhaits ridicules (1693) de Charles Perrault à La Belle et la Bête (1946) de jean Cocteau.
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Et voici réparée une grande injustice : on a cru que le conte de fées était mort en 1789, mais après cinquante ans de turbulences il connut au XIXe siècle une véritable renaissance.
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Le présent recueil propose une exploration complète du domaine français à travers cinquante auteurs dont les sensibilités et les imaginations permettent de mesurer l'évolution et le perpétuel enrichissement du genre, alors que se développent l'éducation et l'industrialisation.
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De ce vaste panorama émergent de surprenantes révélations. Qui savait que des personnages aussi respectables, aussi réalistes, aussi matérialistes que l'évêque Fénelon, J.-J. Rousseau, Voltaire, Balzac, Alexandre Dumas, Théodore de Banville, Jules Verne, Anatole France, Emile Zola même, avaient composé des contes de fées ?
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Dans un domaine plus ancien, on découvrira que Mademoiselle de Lubert (La Princesse Camion, La Princesse Coque d'œuf et le prince Bonbon) annonce les investigations du surréalisme : que Caylus (Le Prince Courtebotte et la Princesse Zibeline) s'avère un précurseur du Seigneur des anneaux, et on comprendra mieux la fascination qu'exercent, au-delà des siècles, au delà des guerres et des modes, l'inexplicable et le merveilleux.

5 commentaires:

bonheurdelire a dit…

Magnifique article , complet bien illustré, bravo à vous!
C'est un plaisir de découvrir votre blog!
Bonne soirée. Amitiés de Normandie

mazel a dit…

bonjour Bonheur de lire,
ravie que ça vous plaise... mais avez-vous un blog quelque part ? je serais ravie de suivre votre actualité.
bonne journée, bises

A_girl_from_earth a dit…

Très sympa vraiment ces billets thématiques! J'aime particulièrement celui-ci, étant une grande fan des contes de fées. J'avais prévu de lire "Si les fées m'étaient contées, le titre déjà est vraiment bien trouvé - mais bon quel pavé quand même!

mazel a dit…

vrai, ça donne envie de se replonger dans les contes... et je vais avoir le plaisir de le faire de nouveau... je viens juste de recevoir de "livraddict" en partenariat avec les éditions Lattès "le cadeau du froid" de Welma Wallis...

mis en attente pour cause de livre en cours (bibliothèque) et livre où j'ai été sélectionné par "babelio"...

sans compter tout ce qui traine de gauche et de droite venant de la brocante et du bouquiniste... de quoi tenir tout l'hiver et plus encore !

bises

expert sorcellerie a dit…

Excellent article , complet, bien pensé et illustré.
Vraiment j'ai bien aimé! Avec un grand plaisir de découvrir votre blog!
Bonne journée à vous.