Le premier Prix mémorable des Libraires Initiales a été attribué à La terre et la guerre de Jacques Chauviré (Ed. Le Temps qu'il fait).
Les Libraires Initiales ont créé cette année le Prix mémorable des Libraires Initiales pour saluer la réédition d’un auteur oublié, d’un auteur étranger décédé encore jamais traduit en français, ou d’un inédit ou d’une traduction révisée, complète d’un auteur
Résumé :
Clef de voûte de l'univers romanesque de Jacques Chauviré et, sûrement, son roman le plus ambitieux, La Terre et la Guerre ne dépaysera pas les lecteurs de l'écrivain médecin : la Saône n'est pas loin et plusieurs des personnages ont plus qu'un air de famille avec ceux de ses autres récits.
L'action y débute le 23 août 1914 dans une région de Bourgogne, la Dombes, un domaine, la Bervillière, et au sein d'une famille d'apparence solide, les Calvière.
Tout au long de cette fresque attentive à chacune de ses figures, et bien que le lecteur n'en soit jamais le témoin direct, c'est pourtant bien le front de l'Est qui dispute leur première place aux protagonistes.
Même si, au bout du compte et de quatre années, la guerre n'est plus, pour chacun, que ce qu'il en a rapporté : un journal tenu sur place, une méchante blessure, une citation, un morceau d'obus fiché dans un poumon.
Il s'agit ici de la guerre vécue depuis l'arrière, par les femmes, les paysans et ceux qui en sont revenus, dans tous les sens du terme.
Mais au-delà de l'évocation d'une époque qui se fissure, le roman sait aussi, par endroits, se révéler rétrospectivement visionnaire en dévoilant la formidable force d'entraînement de la guerre, et pas uniquement pour l'industrie d'armement ou la marbrerie funéraire.
Font irruption, par le biais des conversations et choses vues "à la ville", des bribes puis des pans entiers du monde appelé à remplacer celui dont maint signe indique que son temps est accompli.
Et pourtant. S'il est des glissements de terrain irréversibles, semble nous confier l'auteur en guise d'épilogue, sur le sol bientôt aplani "rien n'a cessé d'être, ou tout va recommencer".
Jacques Chauviré est né en 1915 près de Lyon où il a fait ses études et fut médecin généraliste pendant quarante ans à Neuville-sur-Saône où il est mort en 2005.
En littérature, il fut l'ami de Jean Reverzy (qui avait été son condisciple), de Claude Roy et d'Albert Camus (qui fit publier en 1958 son premier livre, Partage de la soif- réédité en 2000 par Le Dilettante).
Il est l'auteur de cinq autres romans publiés initialement par Gallimard :
Les passants (réédité en 2001 par Le Dilettante),
La terre et la guerre ( rééd. Le temps qu'il fait, 2008),
La confession d'hiver (rééd. Le temps qu'il fait, 2007),
Passage des émigrants (rééd. Le Dilettante, 2003 ),
Les mouettes sur la Saône (rééd. Le temps qu'il fait, 2004),
et de deux recueils de nouvelles : Rurales (avec des illustrations de Jacques Truphémus, Maison du Livre de Pérouges, 1983)
et Fins de journées (Le Dilettante, 1990).
Son ultime récit, Elisa, a paru en 2003 à nos éditions, précédant de peu les pages demeurées inédites de son journal d'un médecin de campagne (2004)
et un volume de nouvelles posthume : Massacre en septembre (2006).
Note
L'an dernier j'avais lu avec grand plaisir "les passants", je lirai donc probablement celui-ci en cours d'année...
LA DEDICACE DE L'AUTEUR :
Je fus pendant quarante ans médecin à Neuville sur Saône.
A l'automne 1958, j'entrepris d'écrire "Les Passants" à la suite de la visite de l'un d'eux ; un jeune homme qui voulut garder l'anonymat.
J'appris seulement qu'il habitait avec sa mère une banlieue de Lyon et que depuis quelques semaines il était tourmenté par un inconfort, parfois par un remords d'être puis, sans l'avouer clairement, il me donna à comprendre qu'il était préoccupé par un sentiment de culpabilité.
Nous cherchâmes ensemble et nous ne découvrîmes rien dans sa vie qu'il eût à se reprocher.
Il me semble qu'il m'ait dit alors qu'il était instituteur. Le jugement qu'il portait sur lui-même me parut gratuit et il me sembla que je ne pouvais rien pour lui. Nous nous revîmes cependant une fois. Sans succès. Puis il disparut.
Mais dans les semaines qui suivirent je ne cessai de m'interroger à son sujet. Qu'allait-il devenir ? Il me fallait une fin qui, si possible, m'apaisât.
Je commençai alors à écrire une fiction dans laquelle j'allais tenter de savoir quel serait le destin de mon passant-patient. Mon ouvrage terminé, je ne fus pas libéré.
illustration : la liseuse de Marcel Rieder
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