samedi 12 septembre 2009

Les livres sélectionnés pour le prix de Flore

Je continue avec la ronde des prix littéraires...
toujours des hésitations et peu de tentations...
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Les membres du jury de Flore ont annoncé, vendredi 11 septembre, leur première sélection en vue du prix qui sera décerné le 5 novembre.
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illustration : "la liseuse" d’Anita Tesoriero
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Solo, de Michka Assayas (Grasset) tentation nulle
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Quand le passé décide de bousculer une vie, il prend souvent la voix d'une femme - et, dans cette histoire, la femme s'appelle Tatiana... Un jour, Denis, une petite gloire de la culture rock, trouve en effet un étrange message sur la boîte vocale de son téléphone : c'est Tatiana, une fille avec qui " ça s'était mal terminé " trois ans plus tôt, qui révèle qu'elle a été enceinte de lui, qu'elle a avorté sans qu'il le sache, et qu'il doit maintenant payer.
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La somme est dérisoire, mais cette brutale reconnaissance de dette bouleverse un anti-héros qui, jusque-là, vivait en bons termes avec ses compromis et qui, soudain, se voit contraint de regarder en face son existence, ses illusions, ses incertitudes.
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Au passage, il devra dresser le bilan d'une génération immature, la sienne, celle des quarantenaires qui n'ont jamais voulu grandir et qui laissent en héritage, sinon des mythes ou des légendes urbaines, le culte de l'argent et de la célébrité, et le mépris pour ceux qui n'ont ni l'un, ni l'autre.
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Personne, de Gwenaëlle Aubry (Mercure de France) déjà sélection pour un autre prix, toujours aucune tentation
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Personne est le portrait, en vingt-six angles et au centre absent, en vingt-six autres et au moi échappé, d'un mélancolique.
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Lettre après lettre, ce roman-abécédaire recompose la figure d'un disparu qui, de son vivant déjà, était étranger au monde et à lui-même.
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De " A " comme " Antonin Artaud " à " Z " comme " Zelig " en passant par " B " comme " Bond (James Bond) " ou " S " comme " SDF ", défilent les doubles qu'il abritait, les rôles dans lesquels il se projetait.
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Personne, comme le nom de l'absence, personne comme l'identité d'un homme qui, pour n'avoir jamais fait bloc avec lui-même, a laissé place à tous les autres en lui, personne comme le masque, aussi, persona, que portent les vivants quand ils prêtent voix aux morts et la littérature quand elle prend le visage de la folie.
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Buzz-moi, d'Aurélia Aurita (Les Impressions nouvelles) tentation nulle
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Dessiné par une débutante et publié à un tirage d'abord modeste, le premier volume de Fraise et Chocolat connaît un succès aussi rapide qu'inattendu.
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Au centre du " buzz ", Chenda - alias Aurélia Aurita - est en quelques semaines l'objet de toutes les attentions mais aussi de nombreuses attaques, et tente de faire face.
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Buzz-moi retrace la carrière de ses ouvrages, telle que l'a vécue l'auteure au fil des mois. Des coulisses des médias généralistes (de Elle à Libé, d'Europe 1 au Grand Journal de Canal Plus) à celles du milieu de la bande dessinée (éditeurs, festivals, lectrices et lecteurs), le livre raconte de manière vive et souvent drôle comment le tourbillon suscité par Fraise et Chocolat a été vécu par celle qui en est à la fois le créateur, le témoin et l'analyste.
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Un homme louche, de François Beaune (Verticales) tentation hésitante
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Un homme louche se partage en deux cahiers, deux époques de la brève existence de Jean-Daniel Dugommier : l'histoire d'un adolescent précocement interné puis, après une ellipse de vingt-cinq ans, celle d'un adulte quasi normal portant un regard brutalement distancié sur son passé, son entourage et l'insolite du quotidien.
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Dans ce roman, diversité des registres et humour noir louchent assurément du côté de la liberté déjantée et foisonnante de la littérature anglo-saxonne.
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Parquet flottant, de Samuel Corto (Denoël) pas de tentation
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" C'était à n'en plus douter un accomplissement personnel fort, une sorte de transe extatique : la magistrature m'ouvrait ses bras. Des bras bruns, puissants, poilus, tentaculaires... "
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Ainsi commence ce voyage où, tel un naufragé échoué en milieu hostile, Étienne Lanos, nommé substitut du procureur dans un tribunal de province, organise sa survie : approche pour le moins singulière des dossiers judiciaires, comportement déroutant pendant les audiences, érotomanie active, usage... stupéfiant de substances entreposées au palais de justice.
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Un roman aussi drôle qu'impertinent sur le monde très secret des procureurs de la République. Un regard inédit sur la manière dont la justice prend aujourd'hui sa place dans la société des hommes.
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L'hyper-Justine, de Simon Liberati (Flammarion) hésitation... déjà vu dans une autre liste de prix et pas retenu... mais... un doute... et si c'était bien...
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Ce livre nocturne se déroule en une soirée et je voudrais idéalement qu'on le lise d'une traite, en une soirée. Il met en scène la confrontation entre un homme qui a perdu sa mère et celle qu'il soupçonne de l'avoir vendue à ses bourreaux.
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Deux caractères que tout oppose, unis par des liens singuliers : le fétichisme, le goût de la cruauté, une hypersensibilité de prédateur et l'amour vorace des filles faciles.
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Fake, de
Giulio Minghini (Allia) peut-être, bien que le monde des bobos ne me passionne guère... hésitation...
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Suite à une rupture douloureuse, un jeune Italien installé à Paris s’inscrit, sur le conseil d’une ancienne maîtresse, sur un site de rencontres fondées sur les affinités culturelles.
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Il va découvrir une sorte d’univers parallèle, où la prétention intellectuelle est de mise et dont il sera vite le prisonnier.
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Traducteur désœuvré d’un roman de René Crevel, ce trentenaire, aux références littéraires bien établies, va, d’abord subrepticement, puis, bien vite exclusivement, consacrer son temps à la rencontre de femmes.
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Entre un rendez-vous foireux et une lettre nostalgique de son ex, une citation étonnamment pertinente de Crevel et une gorgée de vodka, une critique lapidaire de son pays d’origine et la succession avide des corps, un regard acerbe sur le milieu « bobo » parisien et la prise de notes éparses, une soif de séduction qui dépasse de loin celle de L’homme qui aimait les femmes de François Truffaut et une addiction infernale proche de celle de Requiem for a dream de Selby, le narrateur restitue les impressions que cette nouvelle vie lui inspire.
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Il relève impitoyablement tout indice de médiocrité humaine. Il jette au visage de ses contemporains le désespoir et l’incapacité des gens à communiquer et à s’attacher, leur soif d’amour et leur atroce solitude. Mais plutôt qu’une étude « sociologique » du phénomène c’est l’histoire personnelle d’un homme qui se déroule, sous nos yeux, comme une bobine dévidée de rencontres sans lendemain.
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Loin de le combler, ces relations mettent en lumière sa propre misère affective. Et si chaque nouvelle rencontre est assimilée à un petit suicide, la tentation de continuer le jeu semble cependant chaque fois plus forte. S’il multiplie les aventures, c’est pour n’en vivre aucune pleinement.
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S’il croit se protéger, il ne parvient finalement qu’à se détruire. L’écriture fragmentaire épouse son style de vie, se réduisant peu à peu à un simple kaléidoscope des solitudes.
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Dans une langue limpide et nerveuse se succèdent des portraits de femmes crus ou poignants, des morceaux choisis, d’une lucidité grinçante ou d’un humour corrosif. Les innombrables faux profils, prothèses identitaires, sorte de double virtuel dont l’existence ne peut qu’être éphémère –fakes – dont le narrateur finira par se servir pour manipuler ses interlocutrices, achèveront d’usurper sa vraie identité.
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Spectateur impuissant de sa propre perdition, il sera embarqué dans une vertigineuse fuite en avant aux confins du virtuel et du réel. Succession hallucinante de mises en abîme littéraires et virtuelles, ce roman pourrait se lire comme une véritable odyssée contemporaine chorale.
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À la fois roman picaresque et vibrant « j’accuse » porté au système spectaculaire qui envahit désormais la sphère des sentiments, Fake est surtout une chronique politiquement déjantée du nouveau désordre amoureux.
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Les Aimants, de Jean-Marc Parisis (Stock) déjà vu sur une autre liste, toutjours pas tentée
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" Ava était-elle si exceptionnelle ? N'ai-je pas croisé pendant toutes ces années d'autres femmes comme elle, essentiellement disposées à la beauté, à la vérité ? Je ne le pense pas, Ava était vraiment incomparable. Mais, admettons. Il faut alors croire que j'aurai tenu ces autres femmes à distance. Car ce n'était plus l'heure : j'avais déjà rencontré Ava, j'étais dans son orbite. Toute vie est soumise aux lois de l'attraction. Ava aura polarisé la mienne très tilt, à un âge oit certains corps sont très sensibles à la lumière. Ma vie avec elle, en sa présence, fut ma jeunesse, puis ma vie d'homme, jusqu'à maintenant. Ille nia grandi. Comme nous axions le mente âge et que l'attirance était réciproque, il se peut aussi qu'elle ait tiré quelque force de moi pour se maintenir à l'altitude qui était la sienne. Aujourd'hui le ciel est vide. J'aurais aimé raconter une autre histoire, mais c'est tout ce qu'il m'en reste, et je n'en reviens pas ".
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Délectations moroses, de
Frédéric Schiffter (Le Dilettante) déjà vu, toujours aussi peu tentée
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Au nombre des vices enfantés par l’oisiveté, saint Augustin déplore la delectatio morosa, qu’il définit comme la « longue et complaisante rumination de pensées que l’âme devrait rejeter sitôt qu’elle en est effleurée ».
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Or, Frédéric Schiffter cultive coupablement cette passion triste. Échoué à Biarritz depuis des années où il jouit sans entraves de ses temps morts, le « philosophe sans qualités » – selon sa carte de visite – a tout loisir de noter des cogitations, des souvenirs, des regrets et des humeurs dont l’acidité, même diluée dans les larmes, n’épargne rien, ni le monde ni son ego.
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Mes illusions donnent sur la cour, de Sacha Sperling (Fayard) me parait passablement vide...
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Sur un transat, il mange un esquimau. Le chocolat fond autour de sa bouche, il s'en met partout. On dirait du sang séché. Le ciel est de la même couleur que le soleil. Ce matin, on a braqué le millibar.
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Augustin voulait qu'on célèbre son départ. L'air a une vague odeur de jasmin. Je suis sûr que c'est le produit d'entretien. Il se lève pour aller commander quelque chose au restaurant, de l'autre côté de la piscine. Je l'observe. De longs palmiers bougent lentement derrière lui. Graphique. Il plonge dans l'eau. Il disparaît quelques secondes, puis il réapparaît. Il revient, il se rallonge sur son transat. Je regarde les parasols kitch, jaunes et rouges, et je pense que ce serait vraiment beau de les voir tous s'envoler en même temps
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Le prix de Flore, du nom du célèbre café de Saint-Germain-des-Prés, a été créé en 1994. Il s'est donné pour mission de couronner un jeune auteur au talent prometteur. Les critères de sélection sont l'originalité, la modernité et la jeunesse. Le jury est composé de journalistes et se distingue par son indépendance, sa liberté, son insolence.C'est au mois de novembre que le Prix est remis lors d'une soirée au café de Flore.
2008 Tristan Garcia La meilleure part des hommes (Gallimard)
2007 Amélie Nothomb Ni d'Eve ni d'Adam (Albin Michel), bien aimé
2006 Christine Angot Rendez-vous (Flammarion) ma découverte de Angot... détesté.
2005 Joy Sorman Boys, boys, boys (Gallimard)
2004 Bruce Benderson Autobiographie érotique (Rivages)
2003 Pierre Mérot Mammifères (Flammarion) bien aimé
2002 Grégoire Bouillier Rapport sur moi (Allia)
2001 Christophe Donner L'Empire de la morale (Grasset)
2000 Nicolas Rey Mémoire courte (Au Diable Vauvert)
1999 Guillaume Dustan Nicolas Pages (Balland)
1998 Virginie Despentes Les jolies choses (Grasset)
1997 Philippe Jaenada Le chameau sauvage (Julliard) pas encore lu !!!
1996 Michel Houellebecq Le Sens du Combat (Flammarion)
1995 Jacques A. Bertrand Le Pas du Loup (Julliard)
1994 Vincent Ravalec Cantique de la Racaille (Flammarion) découverte de Ravalec... adoré
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1 commentaire:

Cécile Qd9 a dit…

Moi aussi j'avais adoré le Ravalec. Quant au fait de ne pas lire Jaenada tu sais que c'est un cas de divorce... ;o)