mercredi 9 septembre 2009

Prix Wepler 2009 : première sélection

Bonjour à tous, début de journée, je lis la presse... littéraire... un arrêt chez http://livres.fluctuat.net/blog/39666-prix-wepler-2009-premiere-selection.html...
Ici aussi, comme pour le Médicis, seulement 3 femmes... et une seule sur ma liste... décidemment pas l'année des femmes.
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Déjà sur ma liste : Stéphane Velut, Thierry Hesse,
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illustration : "la liseuse" de John Ebersberger
Comme chaque année depuis 1998, le prix Wepler a dévoilé l'identité des dix auteurs qui concourent cette année pour recevoir la distinction.
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Créé par la librairie des Abbesses, en collaboration avec la Fondation la Poste et la brasserie qui lui a donné son nom, le prix Wepler récompense "une oeuvre marquée par une audace, un excès, une singularité".
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illustration : de Nikolay Samoukov
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Les auteurs en lice :
en lice pour le Médicis, moyennement tentée
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Beyoglu est un quartier, une humeur où dominerait le bleu. Beyoglu est une colline, la huitième, hors des remparts qui ceignent les sept collines d’Istanbul.
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À Londres, un homme perd le sommeil. Il y a longtemps, il s’est égaré dans une langue qui n’était pas la sienne. Il a épuisé ses forces dans la torpeur usante des villes de l’Occident. Sa vie est en suspens, une attente, pénétrée d’un parfum d’inéluctable. Ses pas l’emmènent sur les rives du détroit, à Beyoglu.
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Beyoglu est un prisme, bâti sur une faille. Un concentré d’humanité parcouru de forces contraires, d’attentes conjuguées, de volontés travesties.
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Beyoglu est une rumeur qui court sur la rive européenne du Bosphore. Le creuset d’un murmure où se confondent les langues d’une cité-empire. Un village sillonné par la course d’un enfant, un entrelacs de rues en pente et de conversations, une fenêtre sur le ciel balkanique. Un territoire qui n’en finirait pas de s’effriter, de se perdre et de se relever. Une croisée, où les hommes naissent et cohabitent, passent, réussissent et corrompent, où d’autres se laissent rattraper par des désirs enfouis.
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Et ceux que leurs pas mènent jusqu’à Beyoglu, ceux qui d’aventure viennent à y rester, il arrive que leurs espoirs et la cadence de leurs rêves, pour un temps et parfois pour toujours, en soient transformés.
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Raymond Federman, Les carcasses, Léo Scheer. tentée
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Est-ce que tout finit quand on meurt ? Non ! Trop vide, trop triste pour le grand fabulateur Federman qui, sans donner dans la " méta-pata-physique ", invente un système très organisé - quoique exubérant - de transmutation : les êtres vivants sont des carcasses circulant sans cesse de la vie à la mort - et vice versa -, se transmutant indéfiniment en humains, animaux, plantes ou objets divers.
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S'ensuivent des aventures cocasses et rocambolesques nous permettant d'observer les révoltes qui agitent la zone des carcasses - conçue comme une sorte de purgatoire-entrepôt - mais aussi de suivre la destinée de carcasses historiques ou particulièrement malchanceuses en matière de transmutation...
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Livre impertinent entre fable et science-fiction, Les Carcasses est à la fois une ode à la vie teintée de burlesque et un livre profond, intensément federmanien.
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Hélène Frappat, Par effraction , Allia. moyennement tentée
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En chinant aux Puces de Clignancourt, le narrateur ou la narratrice, on ne sait pas au juste, acquiert une caisse de films de famille datant des années 50.
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Il y découvre alors Aurore, une jeune fille issue d une famille bourgeoise, filmée par son père puis par son fiancé jusqu à ses trente ans.
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L étonnement survient quand, aux images de la jeune fille se superposent les rêveries et l histoire d A., jeune télépathe.
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Le mystère s avère d autant plus troublant que le doute grandit quant à l assimilation de l identité des deux personnages : A. et Aurore.
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Sous des dehors séduisants, dans l atmosphère classique et surannée d une famille de la bourgeoisie provinciale de type chabrolien, Par effraction parvient à entraîner le lecteur au coeur même des problématiques du monde contemporain.
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L auteur ne cesse de mettre à mal la frontière fragile qui sépare la sphère publique de la sphère privée, invitant ainsi le lecteur à poser un regard réflexif sur la réalité, toute relative, du monde dans lequel il évolue.
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Les « cambriolages intimes » et fictionnels du récit font écho au voyeurisme ambiant de la télévision et des blogs, à l ère du numérique. Le voyeur s immisce partout et se révèle dans l il de chacun. Il naît dans le regard de Sabrina, jeune amie de A., qui s introduit dans la demeure des parents de Claire, une camarade de classe.
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On le retrouve également dans l oeil du narrateur qui visionne ces quelques instants filmés. Mais il imprègne surtout, de manière insidieuse, celui de tout lecteur qui entre par effraction dans la vie des personnages. Ce soir, le seul spectateur, c est vous.
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Frédéric Junqua, Kart, Léo Scheer. premier roman...
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Je participe à ma première chasse alors que je ne suis encore qu'une fraîche recrue. Je porte les insignes du rang le plus infime de la hiérarchie, un uniforme bien coupé, ne me rappelle pas les circonstances de mon embrigadement, ressens un confort moral précis.
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À vingt-deux ans, je suis aisément le plus âgé de ma troupe et l'on m'y considère soit comme un attardé soit comme un modèle. Injustement arrêté, happé par l'autorité en place, un jeune homme est expédié aux confins du pays rejoindre les brigades du pouvoir.
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Au début. De férocité en obéissance aveugle, il se déprend du joug et fait l'expérience de l'humanité. Kart est l'histoire de ce jeune homme. Kart n'est pas ce jeune homme. Kart est le premier roman de Frédéric Junqua.
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Jérôme Lafargue, Dans les ombres sylvestres, Quidam. petite tentation...
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Un homme sauvage, jeteur de sorts, venu d’un nulle part archaïque et terrifiant, s’installe à Cluquet, petit village pris entre l’océan et une forêt tout aussi immense.
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On l’y craint comme on profite de ses dons, jusqu’à ce que la guerre l’emporte comme des millions d’autres. Mais ce révolté dans l’âme a-t-il tout à fait disparu ?
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Audric, son arrière-petit-fils, éprouve d’énormes difficultés à assumer cette ascendance pesante, dans un hameau désormais abandonné par la faute de son aïeul et de sa magie funèbre, mais qu’il ne peut lui-même se résoudre à quitter. N’est-il qu’un fétu de paille ballotté par l’histoire sombre de sa famille ? Ou quelqu’un d’encore plus inquiétant, esprit insurgé porteur d’un destin qui le dépasse ?
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Dans les ombres sylvestres n est pas seulement une ode à la forêt et ses enchantements. C est aussi un portrait à fleur de peau d’un homme fragile, amoureux, et désespéré à l’idée de ne pas se montrer à la hauteur d’ancêtres hors du commun dans un monde qui se disloque jour après jour.
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Dany Laferrière, L'énigme du retour, Grasset. vague tentation, sans plus, parce que j'aime bien l'auteur...
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A la suite de cette annonce tragique, le narrateur décide de revenir dans son pays natal. Il en avait été exilé, comme son père des années avant lui, par le dictateur du moment.
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Et le voilà qui revient sur les traces de son passé, de ses origines, accompagné d'un neveu qui porte le même nom que lui.
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Un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui lui fera voir la misère, la faim, la violence mais aussi les artistes, les jeunes filles, l'espoir, peut-être. Le grand roman du retour d'exil.
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Jean-Marc Lovay, Tout là-bas avec Capolino, Editions Zoé. pas tentée
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Étrange écrivain que Jean-Marc Lovay, né le 14 janvier 1948 à Sion, dans le canton du Valais, en Suisse. Il passe son enfance dans les montagnes, vagabonde, escalade les cimes, quitte le lycée pour partir en Afghanistan, en Inde et au Népal.
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La contemplation de la nature, des animaux, l’a autant formé que la littérature. Il écrit : « Tranquille conscience de la dissociation des choses et de l’oeil les regardant, et du troisième oeil observant choses et regards. »
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Derrière l’image contemplée se profile une nouvelle image qui en suscite une troisième. Promeneur solitaire, Lovay s’enfonce dans la touffeur des bois dont il reconstitue le peuplement.
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Nous l’accompagnons dans sa vision hallucinatoire du monde qui veut le nettoyage des portes de la perception. Le moelleux de la prose de Lovay nous invite au sacré. Paul Valéry disait que la liturgie est « une opération mystique ou symbolique, décomposée en actes et en phrases ». Tout là-bas avec Capolino nous ramène au coeur des êtres et des choses, au foyer palpitant du cosmos, à la foi, tout simplement.
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Catherine Mavrikakis, Le ciel de Bay City, Sabine Wespieser. moyennement tentée
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Dans cette ville du Michigan où elle est née, entre supermarché, autoroute et lycée, tout destine Amy à l'adolescence sans histoire d'une jeune Américaine type.
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Tel est bien le souhait de sa mère, juive polonaise venue sur ce continent tout neuf pour tenter de fuir le passé familial.
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Mais dans la maison de tôle de Veronica Lane, les fantômes ne se laissent pas oublier. Les nuits d'Amy sont hantées par d'horribles cauchemars, où ressurgissent étrangement les suppliciés de la Deuxième Guerre mondiale, comme aussi le visage de sa soeur aînée morte à la naissance.
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Ses jours eux sont habités par de sourdes obsessions, qui peu à peu se matérialisent dans une course contre la montre pour échapper à la malédiction familiale, dont le ciel toxique de Bay City se fait l'écho.
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Le roman détaille les jours cruciaux de 1979, pendant lesquels le destin de la narratrice va basculer : le 4 juillet, fête de l'Indépendance et jour de ses dix-huit ans, la maison de tôle prend feu. La famille entière part en fumée, dans un saisissant retour de l'histoire, laissant Amy face à son présent.
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Tout l'enjeu de ce livre puissant et inspiré est bien dans la volonté désespérée de son héroïne d'en finir avec le passé. Devenue pilote de ligne pour échapper enfin à la poussière et à la cendre, elle n'aura de cesse d'interroger le ciel serein et indifférent...
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Grand roman américain en ce qu'il ne cesse de croire possible l'avenir de ses personnages, Le Ciel de Bay City interroge avec une effrayante justesse la capacité d'un peuple à oublier son histoire.
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Lyonel Trouillot, Yanvalou pour Charlie, Actes Sud. moyennement tentée...
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Jeune avocat d'affaires dévoré d'ambition, Mathurin D. Saint-Fort a voulu oublier ses origines pour se tenir désormais du meilleur côté possible de l'existence.
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Jusqu'au jour où fait irruption dans sa vie Charlie, un adolescent en cavale après une tentative de braquage, qui vient demander son aide au nom des attachements à leur même village natal.
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Débusqué, contraint de renouer avec le dehors, avec la douleur du souvenir et la misère d'autrui, l'élégant Mathurin D. Saint-Fort embarque, malgré lui, pour une aventure solidaire qui lui fait retraverser, en compagnie de Charlie et de quelques autres gamins affolés, les cercles de la pauvreté, de la délinquance, de la révolte ou de la haine envers tout ce que lui-même incarne.
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Mathurin, Charlie, Nathanaél, Anne : quatre voix se relaient ici pour dire, chacune à son échelle, le tribut qu'il incombe un jour à chacun de payer au passé, qu'il s'agisse de tirer un trait sur lui afin de contourner l'obstacle, de l'assujettir à une idéologie - ou, plus rarement, et quoi qu'il en coûte, de demeurer fidèle au "yanvalou", ce salut à la terre ancestrale, en retrouvant les liens qui fondent une communauté.
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Voyage initiatique au coeur de la désespérance, Yanvalou pour Charlie est sans aucun doute le roman de l'abandon des hommes par les hommes, et le chant qui réaffirme la rédemption d'être ensemble - en Haïti comme ailleurs.
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Stéphane Velut, Cadence, Christian Bourgois. Très tentée, je le rajoute sur ma liste de lecture...
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Munich, 1933. Un peintre, chargé d'exécuter le portrait d'une enfant louant l'avenir radieux de la nouvelle Allemagne, se cloître en compagnie de son modèle.
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Mais c'est tout autre chose qu'il fait de sa jeune pensionnaire et qu'il déploie comme un cérémonial au fil de son récit.
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Car ce sont ses carnets que l'on lit ; le narrateur y prend son lecteur à témoin. On hésitera à discerner dans cet étrange huis clos le jeu du rite ou de la soumission.
aucune tentation...
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"Je suis forte comme fille, je me disais dans l'avion, d'afficher une sérénité si sereine, n'en revenais pas de me voir aussi paisible, quasiment paissant et non pas hurlant comme une vache dont on aurait prélevé le veau, qui n'aurait que ses pauvres sentiments bovins maternels, l'un n'empêche pas l'autre, pour meugler à mort et personne pour lui répondre.
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Je lisais donc en paix apparente ces fameuses lettres de Theodor W Adorno à Thomas Mann et réciproquement, tandis que ma soeur avait les yeux fixés sur les aérofreins et me racontait des histoires de pilotage, de puissance masculine et de folie volante."
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Ciselé à la virgule près, ce roman égrène les souvenirs d'un récent séjour à Berlin hanté par la figure du compositeur Schönberg et son "esprit de résistance".
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L'autodérision et le désenchantement y expriment une conscience aiguë des occasions manquées, sans éteindre cependant l'énergie contagieuse du désir.
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Thierry Hesse, Démon, L'Olivier : retenu pour le Médicis également, très tentée, sur ma liste...
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Quelles furent les dernières pensées de Franz et Elena? C'est la question qui obsède Pierre, après que son père, Lev Rotko, lui a raconté un soir de novembre 2001 ce qu'il lui avait obstinément caché durant des années : le destin de ses parents, Franz et Elena, des Juifs russes assassinés par les nazis, son exil en 1953, et tous les malheurs communs aux êtres pris dans la tourmente de la guerre.
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Pour Pierre, cette révélation est comme une déflagration : la guerre, qu'il connaît bien pour avoir sillonné, en tant que grand reporter, l'Afrique de l'Ouest, fait cette fois effraction dans son histoire intime. II veut vraiment connaître Franz et Elena? Alors il lui faut éprouver la vie avec la peur, la vie avec la mort.
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Du jour au lendemain, Pierre part pour Grozny, qui se révèle tragiquement parfaite pour faire l'expérience de l'abandon. Et Démon est le roman de cette expérience. Dans ce livre au souffle épique défilent tour à tour le massacre des Juifs d'Ukraine, la mort de Staline, l'attaque des Twin Towers vue par Poutine, un attentat meurtrier dans un théâtre de Moscou. Thierry Hesse transforme notre actualité en histoires. En mettant en scène des dizaines de personnages, de lieux, d'époques, il nous prouve qu'il sait aussi transformer notre Histoire en roman, comme avant lui Tolstoï ou Vassili Grossman.
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On saura en novembre qui succèdera aux Mains gamines d'Emmanuelle Pagano.
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Avant elle, le jury du prix Wepler avait notamment distingué François Bon, Laurent Mauvignier et Eric Chevillard.
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Pour en savoir plus voir le .Site > http://www.wepler.com .
Ils ont reçus ce prix :
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illustration : de l’artiste australienne Katherine Hattam

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