dimanche 13 juillet 2008

Franz Bartelt : le bar des habitudes

livre de chevet (nouvelles)



Avez-vous comme moi, un café où vous aimez passer quelques heures?
Vous savez, ces lieux où les visages vous sont familiers; où les serveurs savent ce que vous allez commander.
Un endroit où il fait bon lire, au milieu du bruit ambiant et des volutes de cigarettes? Franz Bartlet réunit dans ce recueil seize histoires, dont certaines parlent de ces endroits typiquement français.

Le bar des habitudes est en fait le titre de la première nouvelle de ce livre : Balmont entre comme tous les matins dans le troquet de son quartier. Mais ce matin-là, rien ne se passera comme à l'habitude.
Mauvais rêve : Malone se surprend un matin à avoir envie de tuer sa femme. Cette envie est si intense qu'il a peur pour elle.
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Ma tournée : Nadège est serveuse. Un jour elle voit l'homme de sa vie entrer dans le bar.
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La tourte : alors que toute la famille est attablée pour déguster la tourte, un SDF entre dans la salle à manger.
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Date limite de consommation : quand une jeune fille de 19 ans décide de se tatouer sur le ventre "date limite de consommation" avec la date d'anniversaire de ses 50 ans.
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Histoire molle : à quoi ressemble la vie d'un couple de mous?
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Le souvenir de Fred : En allant chercher son pain comme tous les jours, Tony croise son ami Fred. Mais celui-ci a changé, sa peau est devenue noire comme de l'ébène.
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Un parcours sans fautes : c'est l'histoire de Mme Belvaux, dont le mari, professeur de français, la reprend sans cesse sur son élocution.
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Lili : Lili n'aime pas son nom. Elle fera tout pour en changer.
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Un mauvais joueur : Protone aime bien aller dans les bars et lancer des paris sur son poids. Qui devinera, à cinquante kilos près, combien il pèse?
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Tueur en série : et si c'était une vocation, comme plombier ou dentiste? Si on ressentait le même amour du travail bien fait?
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Le sixième commandement : quelle peut-être l'issue pour un époux terriblement jaloux?
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Dans le train : un homme prend le train pour retrouver sa région natale. Mais le train roule et ne s'arrête jamais.Testament d'un homme trop aimé : tout est dit dans le titre.
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Un voisin redoutable : Pedro est au désespoir, de nouveaux voisins viennent de s'installer à côté de chez lui, et ils sont aussi stupides que fachos.
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Ta tête d'assassin : Jeff aime bien faire sa tête d'assassin pendant les repas de famille. Cela amuse ses neveux et nièces. Mais jamais il n'aurait imaginer jusqu'où cela pourrait l'emmener.
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Ce sont des récits très différents les uns des autres: tendres, cruels, drôles, réalistes, surnaturels... Pourtant toutes ces histoires ont en commun le grain de sable qui vient enrayer la machine. Comment réagit-on quand l'inatendu frappe à notre porte?
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L'écriture de Franz Bartlet est très simple, épurée, au service de ses personnages et histoires. Ma lecture s'est faite en apesanteur, hors du temps, avec un sentiment d'irréalité et de bien être.

Dans les rades du Nord, mieux que chez soi


Franz Bartelt fait basculer le quotidien et livre seize nouvelles douces et décalées.
Au Bar des habitudes, il suffit d'un détail pour que tout se grippe et glisse dans la confusion: une cliente qui n'est pas à l'heure, un homme refusant de quitter le zinc, un absent pour faire le quatrième à la belote coinchée.
A la maison, même topo. Le mari se met à rêver qu'il tue sa femme, et les années de mariage sans le plus petit nuage se transforment en minutes de cauchemar. Un clochard joue les invités surprises dans une famille bien sous tous rapports et c'est l'hallali.
En seize nouvelles, Franz Bartelt découpe ainsi le quotidien, le pousse dans ses retranchements, joue sur un mot, un sentiment, une situation et plonge dans l'incongru, dans une dérive qui fait tomber les masques, comme s'il faisait du saut à l'élastique avec ses personnages pour s'en rapprocher, s'en éloigner, s'en rapprocher encore.

Qu'il écrive des romans, des récits, des textes courts ou des polars, Franz Bartelt reste un oulipien du fantastique, un obsédé du minuscule comme ces piliers de bar qui s'installent dans le même coin obscur, se font oublier des pékins facilement envapés pour surprendre les nouvelles du dehors.
Dans les bistrots du nord de la France où l'écrivain a ses quartiers, il croise des couples mous qui s'abandonnent au plaisir, meurent comme ils respirent, dans un double contentement muet. Un jour, il prend un train qui mène à ses souvenirs d'enfance mais ne s'arrête à aucune gare convenue.

Plusieurs fois, Franz Bartelt a mis ses pas dans ceux des poètes. Il a suivi Verlaine et Rimbaud dans des paysages d'Ardenne où le noir et blanc est une tenue de rigueur.
Il a également accompagné l'œuvre d'André Dhôtel dans un texte quasiment initiatique (Aux pays d'André Dhôtel, aux éditions Traverses).
De toutes ces influences, il a fait son miel, le nez dans la mousse de bière et les yeux dans les nuages. Désormais, Le bar des habitudes est un lieu de rendez-vous obligatoire, le détour nécessaire pour passer de l'autre côté d'un miroir un peu piqué, celui que l'on scrute les soirs de solitude: il vous renvoie votre visage, juste derrière le comptoir, quand on se dit qu'il faudrait prendre le chemin du retour, rentrer chez soi, là où personne ne vous attend. (lire)
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Note : tout simplement magnifique... une bonne lecture de vacances !

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