mercredi 2 juillet 2008

Tony Hillerman, et les navajos Joe Leaphorn et Jim Chee

polar ethnique

Tony Hillerman est l’homme d’un univers romanesque, cette culture indienne qu’il n’en finit plus de sonder d’un ouvrage l’autre, anthropologue au service d’un monde où terre et ciel se rejoignent, où d’étonnants sorciers croisent des fantômes, où des flics cherchent à percer les mystères criminels tout autant que ceux de la mémoire d’un peuple.
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Evidemment, cette passion indienne ne doit rien au hasard.
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Tony Hillerman est né le 27 mai 1925 à Sacred Heart, petite bourgade catholique de cet Oklahoma où furent déplacés nombre d’indiens dans la première partie du XIXe siècle. Tony est le deuxième fils (sur trois enfants) d’August, un fermier qui tient également une épicerie, et de Lucy Grove. A l’école Sainte-Marie et au collège Konawa, il fréquente de nombreux enfants Séminoles et Pottawanies.
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Mais le jeune Tony rêve surtout de s’extraire de ce milieu rural. Après la mort de son père, il n’hésite pas à s’engager dans l’armée en 1943.
Durant la seconde guerre mondiale, il combat en France (en Alsace).
En 1945, il est gravement blessé, rapatrié, et décoré (Silver Star, Bronze Star et Purple Heart).
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Un journaliste, qui est tombé sur les lettres qu’il envoyait à sa mère, le pousse à se lancer dans l’écriture.
Après avoir décroché son diplôme de journalisme et s’être marié, il occupe de 1948 à 1962, différents postes dans divers journaux ou à l’agence United Press.
Il rejoint ensuite l’université du Nouveau Mexique, comme assistant du président puis professeur de journalisme. Mais le démon de l’écriture le rattrape.
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Une expérience, en août 1945, l’a profondément marqué. En visite pour la première fois sur le territoire de la grande réserve navajo, il assiste à un cérémonial destiné à aider les marines Navajos de retour du Pacifique à retrouver l’harmonie avec le monde qui les entoure.
Le rite s’appelle « Enemy Way », la voie de l’ennemi.
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Vingt ans plus tard, quand il cherche à situer l’action de sa première histoire criminelle, l’image lui revient. La Voie de l’ennemi sort en 1970, avec comme héros le lieutenant de police navajo Joe Leaphorn, et c’est un succès immédiat.
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D’emblée, le projet d’Hillerman est posé : ausculter la culture indienne, ses valeurs traditionnelles flottant dans le monde moderne.
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Après trois aventures avec Joe Leaphorn (dont la deuxième,Là où dansent les morts,
obtient l’Edgar 1973 aux Etats-Unis,
et le Grand prix de littérature policière en France en 1987),
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Hillerman décide de créer un nouveau personnage « plus traditionnel et moins imprégné par la culture des Blancs ».
Naît ainsi dans Peuple de l’ombre (1980) Jim Chee, sergent de la police tribale navajo de Crownpoint, près d’Albuquerque, plus instinctif et ouvert aux pratiques religieuses que son aîné.
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Les deux hommes se retrouvent à partir de Porteurs de peau en 1986.
Les relations qu’ils établissent enrichissent l’œuvre d’Hillerman qui ne se passe alors plus de son tandem, sauf en 1995 avec Moon, un roman sur fond de guerre du Vietnam.
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Considéré aux Etats-Unis comme un des maîtres du polar, Hillerman est également en France la locomotive (avec Ellroy) de la collection Rivages/Noir. Il vit aujourd’hui avec sa femme Marie Unzner (avec qui il eut 6 enfants) à Albuquerque, au Nouveau Mexique.
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Noms des héros Joe Leaphorn et Jim Chee
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Signes particuliers
Joe Leaphorn: lieutenant de la police tribale navajo à la retraite. Son épouse est décédée.
Il partage sa maison avec Louisa, professeur d'ethnologie.
Mais d'un commun accord, ils ne confondent pas amitié et sentiments.
Cette légende vivante saute sur la moindre occasion pour enquêter car il s'ennuie dans sa vie de retraité.
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Jim Chee: sergent dans la police tribale navajo.
Leaphorn a été son supérieur et, bien qu'il souhaite voler de ses propres ailes, il ne refuse pas un coup de main ponctuel de son ancien collègue.
A été amoureux à plusieurs reprises mais aujourd'hui, il s'apprête à épouser Bernadette Manuelito, policière de la réserve.
Jim Chee est un «chanteur» navajo, responsable des rites guérisseurs.
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Qualités Parfaitement intègres et respectueux de la nature et des rites indiens.
Grande connaissance du terrain puisqu'ils savent tout sur les traditions indiennes. Patients, ils tirent parti du moindre détail pour résoudre une enquête.
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Défauts Ils répugnent tous deux à travailler avec le pouvoir blanc et le FBI et pensent savoir, mieux que quiconque, résoudre les problèmes internes de leur peuple.
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Vision du monde Plus que de dénoncer les coupables, ce qui intéresse Jim Chee et Joe Leaphorn, c'est de savoir pourquoi un crime a eu lieu et en quoi il peut mettre en danger la société indienne. Ils respectent et vénèrent les traditions, la composition des clans et se défient de la civilisation américaine.
Ces deux personnages sont des âmes pures, qui veulent protéger un monde qu'ils savent en danger.
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Meilleure enquête Là où dansent les morts (Rivages).
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Actualité En 1956, un avion de la TWA percute un DC 7 au-dessus du Grand Canyon. Tous les passagers meurent dans l'accident.
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Cinquante ans plus tard, un diamant ayant appartenu à l'une des victimes, John Clarke, réapparaît en ville, entre les mains d'un jeune Indien qui voudrait bien le revendre.
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A priori, un «shaman» le lui aurait donné.
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Joanna, la fille non reconnue de John Clarke, voit soudain la possibilité d'effectuer un test ADN sur le cadavre: elle toucherait ainsi l'héritage qui lui revient.
Jim Chee et Joe Leaphorn doivent démêler le vrai du faux et faire face à une fondation qui préférerait qu'on oublie toute cette histoire pour ne rien avoir à payer.
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Face à une Amérique blanche qui ne pense qu'à l'argent, Tony Hillerman oppose la tradition et la révérence aux anciens. La mythologie tribale est particulièrement à l'honneur dans ce roman où Jim Chee et Bernadette ont décidé de faire cause commune
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Quelques titres
L'Homme Squelette
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Le 30 juin 1956, deux avions entrent en collision au-dessus du grand canyon, il n'y a aucun survivant.
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Presque cinquante ans plus tard, un jeune indien Hopi dépose chez un prêteur sur gage de Gallup un diamant contre vingt dollars. Intrigué, le directeur de l'établissement fait expertiser la pierre et apprend qu'elle en vaut vingt mille.
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Coïncidence, un braquage vient d'être commis dans une bijouterie. Le Hopi est arrêté, mail clame son innocence : le brillant lui aurait été donné il y a bien longtemps par un vieux shaman vivant au fond d'un grand canyon.
Mais quel crédit apporter à son étrange histoire ?
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Coyote attend
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Un policier navajo est assassiné.
Dans un dernier message, il informait son collègue Jim Chee qu'il allait appréhender le vandale s'amusant à peindre en blanc une partie de la montagne de la réserve.
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Non loin du lieu du meurtre, on retrouve le coupable, ivre et tenant dans sa main l'arme du crime.
Il s'agit du vieux chaman Ashie Pinto, "un homme-qui-lit-dans-le-cristal " que de nombreux universitaires ont l'habitude de consulter pour étudier la sorcellerie chez les Navajos.
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Le vieil Indien est emprisonné par le FBI. Mais le lieutenant Joe Leaphorn décide de l'aider car plusieurs faits étranges l'intriguent.
Que faisait Pinto dans ce coin du désert à 300 kilomètres de chez lui ? Comment y était-il arrivé ? Où avait-il trouvé une arme ?
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Ce nouvel épisode consacré aux policiers navajos Joe Leaphorn et Jim Chee compte parmi les réussites de l'auteur. L'intrigue est fort bien conçue, les enquêteurs attachants et la culture navajo authentiquement présente. "Coyote", c'est-à-dire le destin, réserve bien des surprises
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Le Cochon sinistre
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Un employé de la compagnie du gaz d'El Paso a découvert un homme abattu à l'endroit où le pays Navajo rencontre le territoire de la réserve apache Jicarilla.
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Voici le sergent Jim Chee aux prises avec un problème qui suppose l'intervention du FBI. Mais en ce cas, pourquoi le bureau de Washington semble-t-il si réticent à mener l'enquête, au point de vouloir faire passer un meurtre pour un accident de chasse ?
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Jim Chee se sent d'autant plus seul que l'agent Bernadette Manuelito ne travaille plus à ses cotés.
Cette dernière a en effet demandé son transfert dans la police des frontières.
C'est ainsi qu'elle est amenée à traquer un suspect jusqu à un ranch où sont élevés des animaux africains et où elle va croiser de curieux personnages.
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Peu à peu, des points communs se dessinent entre les enquêtes de Jim Chee et de Bernie, qui vont tomber sur un " cochon " dont ils ne soupçonnaient pas l'existence.Mystère. Action, amour et amitié, Hillerman est toujours un régal.
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Le Vent qui gémit
Bernadette Manuelito, jeune enquêtrice de la police tribale navajo, découvre le cadavre d'un homme dans un pick-up abandonné. mais, très influencée par sa culture d'origine, elle réagit en indienne et néglige certains éléments pour en privilégier d'autres.
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C'est ainsi qu'elle se méprend sur la cause du décès. Ce début d'enquête raté lui sera reproché par ses supérieurs et en particulier par le sergent Jim chef. C'est ainsi que Bernie décide de travailler en franc-tireur...
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Un mort qui renvoie à une vieille affaire, une mine d'or fantôme, une étrange plainte portée par le vent, sans compter de belles histoires de couples, tels sont les ingrédients de ce roman ou se déploient la sensibilité romanesque d'Hillerman et son talent magique de conteur. " Chacun de ses livres est, autant qu'un polar, un hommage rendu aux Indiens d'Amérique, à leurs dons, à leur savoir, à leur richesse intérieure. "
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Le voleur de temps
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Quand une anthropologue notoire arrive dans les montagnes sacrées du pays Anasazi, elle est d'abord furieuse de découvrir que le site funéraire pré-Navajo a été pillé ; puis elle est terrifiée par ce qui surgit de l'ombre.
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Des semaines plus tard, le lieutenant Joe Leaphorn, en examinant un rapport selon lequel l'anthropologue a dérobé de précieux objets, découvre aussi qu'elle a disparu.
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L'affaire prend un tour sinistre lorsque Jim Chee, à la recherche de materiel de fouilles disparu également, trouve autre chose de nettement plus macabre dans une fosse.
Leaphorn et Chee devront unir leurs forces pour exhumer le passé et résoudre une longue série de meurtres, plus étranges les uns que les autres.
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Le chagrin entre les fils
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L'ancien lieutenant Joe Leaphorn n'avait jamais oublié cette vieille tapisserie narrative.
Celle qu'on appelait "Le Chagrin tissé", à moins que ce ne fût "Le Chagrin entre les fils".
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Elle avait la réputation d'être maudite.
Elle perpétuait le souvenir des pires cruautés infligées aux Navajos - la Longue Marche, la captivité, la misère, les nombreux morts - tout ce qui leur avait été imposé par l'irrépressible et féroce soif d'or et d'argent de la culture blanche.
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Le Dineh enseigne à ses membres que, pour connaître la paix et l'harmonie, ils doivent apprendre à pardonner.
Or la tapisserie n'encourageait pas cet oubli des offenses...
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Cette célèbre couverture, Joe Leaphorn s'en souvenait bien, car elle avait été réduite en cendres dans l'incendie accidentel du bâtiment où elle était exposée, et l'on avait retrouvé dans les décombres le corps d'un des criminels les plus recherchés par le FBI.
Or voici que la tapisserie réapparaît, comme neuve, photographiée dans un magazine consacré aux demeures de luxe.
La page du magazine vient d'être envoyée à Leaphorn par son vieux collègue de l'époque, Mel Bork.
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Quand Mel disparaît, après avoir reçu des menaces téléphoniques, Joe Leaphorn se retrouve plongé dans cette affaire vieille de vingt ans, cet incendie prétendument accidentel qui lui était resté en mémoire.
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Les fantômes du passé l'amèneront à croiser le chemin du plus redoutable - et très actuel - ennemi parmi "Ceux-qui-changent-de-forme".
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Dix-neuvième enquête en territoire indien, Le Chagrin entre les fils ramène au premier plan la figure légendaire de l'ex-lieutenant Leaphorn et l'histoire du peuple navajo, dont Hillerman rappelle qu'elle fut marquée par la souffrance et la mort.
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Le Vent sombre
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Créé par Hillerman dix ans après Joe Leaphorn, son autre enquêteur navajo, Jim Chee se différencie quelque peu de son aîné.
Moins citadin, moins moderne et plus romantique, c'est un traditionaliste sans cesse sur la corde raide car il tente de mener son travail de policier avec son apprentissage de "chanteur" dépositaire des rites et des chants guérisseurs.
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Dans sa première apparition,
Le Peuple de l'ombre, il enquête sur le vol d'une mystérieuse pierre noire. Il va connaître sa première épreuve lorsqu'on lui propose d'intégrer le FBI, ce qui signifie de renoncer à ses origines.
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Sa seconde enquête, Le Vent sombre, se compose de plusieurs affaires reliées entre elles (sabotage d'une éolienne, recherche d'un Navajo soupçonné de cambriolage, identification d'un cadavre mutilé), et s'achève de façon stupéfiante par une cérémonie nocturne dans un village hopi.
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Le dernier volet de cette trilogie,
La Voie du fantôme, entraîne Jim à Los Angeles sur les traces d'une jeune fugueuse. Il vit cette séparation de son peuple comme un déchirement, d'autant que Mary, l'institutrice blanche dont il est tombé amoureux dès sa première enquête, voudrait bien le faire renoncer à sa vie de Navajo.
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Dans ces trois enquêtes, le propos demeure le même que dans
La Trilogie Joe Leaphorn : faire découvrir la nation Navajo et sa culture en utilisant un personnage encore plus traditionaliste que le précédent.
À la suite de ces trilogies, Hillerman a décidé de réunir ses deux personnages qui œuvrent désormais sur des enquêtes convergentes, voire communes. À la suite d'Arthur Upfield, Tony Hillerman donne ses lettres de noblesse au polar ethnologique.
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Porteurs-de-peau
La voie de l'ennemi

Joe Leaphorn est un policier d'origine indienne à la double culture et selon son créateur "un personnage de synthèse".
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Pour débusquer les coupables, il allie à la parfaite connaissance des coutumes de son peuple une maîtrise des méthodes policières modernes.
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Dans sa première aventure de La Trilogie Joe Leaphorn, La Voie de l'ennemi, il part à la recherche d'un petit délinquant, et retrouve son cadavre sur une piste de la réserve. Dès lors, il se pose deux questions : qui a commis ce meurtre, et pourquoi la victime a-t-elle été exposée au grand jour ?
Il trouvera les réponses en affrontant le Loup Navajo, un porteur de peau qui a décidé de se consacrer au mal.
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Dans sa seconde apparition,
Là où dansent les morts, Joe mène une enquête difficile pour retrouver le Petit Dieu du Feu, un jeune garçon issu d'une tribu zuñi qui a disparu. Là encore, il est confronté à des archéologues et trafiquants de tous poils.
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Dans le dernier volume de cette trilogie,
Femme qui écoute, un vieillard malade, Hosteen Tso, fait appel à Margaret Cigaret, une Femme-qui-Écoute aveugle.
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En lui posant des questions, elle doit pouvoir déterminer comment le soigner.
Profitant du moment où Margaret entre en transe, un inconnu assassine sa jeune nièce Anna qui lui servait de guide, ainsi que Hosteen Tso. Joe se retrouve face à un cas qui défie toute logique.
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Dans ces trois enquêtes de Joe Leaphorn, le propos de l'auteur reste identique : faire découvrir la nation Navajo et sa culture, ses coutumes et ses croyances, ses rites et ses mythes. Tony Hillerman y réussit parfaitement et donne ainsi – à la suite d'Arthur Upfield – ses lettres de noblesse au "polar ethnologique".
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Là où dansent les morts
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Là où dansent les morts, c'est le paradis selon les indiens Zuni, qui vivent cernés par trois réserves de Navajos,
tribus qu'ils ne portent pas dans leur coeur.
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Mais quand le jeune dieu du feu Zuni disparaît et que tout indique qu'il a été assassiné, c'est un policier Navajo qui entre en scène. son enquête le mènera dans deux autres " tribus " : des hippies et des anthropologues.
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Blaireau se cache
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Un casino de la réserve indienne est attaqué par trois hommes qui s'enfuient avec 400 000 dollars, après avoir tiré sur deux vigiles chargés de la sécurité.
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Un policier à la retraite est tué ; l'autre, Teddy Bai, grièvement blessé, est soupçonné de complicité avec les voleurs.
Ces derniers ont pris la fuite dans un camion, puis en avion.
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Lorsqu'il apprend la nouvelle, le sergent navajo Jim Chee juge ses vacances compromises, car le FBI organise une chasse à l'homme.
Sa collègue, Bernadette Manuelito, lui demande de prouver l'innocence de Teddy.
De son côté, le lieutenant Joe Leaphorn sort de sa retraite pour retrouver les trois pillards dont un ex-membre d'une organisation terroriste lui a fourni les noms.
Y figure Main de Fer, un sorcier Ute soupçonné de voler au-dessus des falaises...
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Inspiré par un fait divers qui provoqua une gigantesque course poursuite dans la région, Tony Hillerman raconte de façon efficace et réaliste une enquête difficile, menée dans le clair-obscur des croyances et légendes indiennes
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Les clowns sacrés
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Un professeur d'atelier de l'école de Thoreau a été mortellement frappé à la tête.
C'est un meurtre extrêmement important selon les critères de la réserve.
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Chee, récemment muté dans le service du lieutenant Joe Leaphorn, espère retrouver un écolier en cavale au pueblo de Tano, le jour des cérémonies annuelles.
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Après la danse des kachinas, c'est le moment des koshares, les clowns sacrés des habitants des pueblos.
Avec leur corps zébré de rayures noires et blanches, leur visage peinturluré de blanc, fendu d'un immense sourire noir, ils gesticulent en tous sens, provoquent de fausses bagarres, avec force chutes et maladresses.
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Mais ce qu'un des clowns fait ce jour-là fige le rire des spectateurs.
On va le retrouver assassiné dans une ruelle adjacente...
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Dieu-qui-parle
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Le Peuple de l'ombre
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Qu'est-ce donc qui avait fait mourir, au cours des années, tous ces Indiens Navajo, jadis miraculeusement épargnés lors de l'explosion d'un puits de pétrole ?
Un sorcier, sans nul doute.
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Mais un Blanc ou un Peau-Rouge ? Et par quel sortilège ? Par quelle maladie ? Et pour effacer les traces de quel crime astucieux et profitable ?
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Telles étaient les questions que se posait Chee, le policier de la Réserve indienne, sans se douter d'abord que son enquête le mettait en grand danger de mort.
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Le premier aigle
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Au sommet d'une mesa de la réserve navajo, le lieutenant Jim Chee retrouve l'agent Kinsman grièvement blessé et un indien Hopi venu là braconner un aigle en vue d'une cérémonie religieuse.
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Dans le même temps, Joe Leaphorn reprend du service pour enquêter sur la disparition d'une scientifique qui travaillait sur des nouvelles formes de peste bubonique.
Un thriller où la réflexion sur la médecine et sur la mort rejoint la défense des civilisations indiennes.
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Le grand vol de la banque de Taos
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Le 12 novembre 1957, le rédacteur en chef du New Mexican reçut un coup de téléphone de Ruth Fish qui occupait, depuis de nombreuses années, le siège directorial de la Chambre de commerce de Taos.
Elle lui apprit que la Banque de Taos allait être dévalisée dans la matinée.
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Elle annonça qu'elle allait se rendre à pied sur place et observer le déroulement des événements.
D'où tenait-elle ses renseignements ? Une amie était venue la prévenir.
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Les deux voleurs faisaient la queue à cet instant précis en attendant leur tour devant le guichet de la caissière.
L'un des deux hommes était déguisé en femme et tenait un revolver sous son sac à main.
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Recueil de nouvelles et d'articles publiés précédemment dans des journaux et des périodiques, le Grand vol de la Banque de Taos raconte des histoires vraies qui ont servi de sources à Tony Hillerman pour les romans mettant en scène Jim Chee et Joe Leaphorn.
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Un homme est tombé
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Depuis que Joe Leaphorn a pris sa retraite, Jim Chee occupe le poste de lieutenant de la police tribale Navajo.
Submergé par les tâches administratives, il n'éprouve plus guère de plaisir à se rendre au travail.
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Son supérieur lui demande des résultats rapides dans une enquête sur des vols de bétail alors qu'il se passionne pour un mystérieux squelette trouvé sur Ship Rock, la montagne sacrée des Navajos.
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Joe Leaphorn s'y intéresse également et fait vite le rapprochement avec une vieille affaire : la disparition d'un certain Harold Breedlove, propriétaire d'un ranch voisin et escaladeur confirmé.
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Comment cet homme a-t-il trouvé la mort au sommet de Ship Rock ?
C'est ce que Chee va devoir déterminer, avec l'aide de Joe Leaphorn et de Bernadette Manuelito, un jeune agent stagiaire qui ne manque pas de bonnes idées.
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Rares furent les déceptions
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" Quand j'essaie de résumer mes soixante-quinze années, je dois reconnaître que dans leur immense majorité ce sont des instants de bonheur ", écrit Tony Hillerman dans ce récit autobiographique, plein de pudeur et d'élégance.
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Il y souligne l'importance de l'éducation reçue de ses parents, l'apprentissage du respect, du don de soi, et nous permet de mieux comprendre comment on peut adhérer aux valeurs religieuses et spirituelles d'une autre culture, celle des navajos, tout en demeurant fidèle à la sienne.
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En un peu plus d'une vingtaine de livres, le créateur du célèbre tandem Leaphorn-Chee s'est imposé comme un auteur phare de " l'ethno-polar ".
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Les enquêtes de Joe Leaphorn et Jim Chee
Tony Hillerman est né en 1925 en Oklahoma, cette terre indienne de substitution où furent parqués, puis spoliés une fois encore, les grandes tribus de l'est et du sud des Etats-Unis.
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Il devint journaliste, s'établit au Nouveau-Mexique, c'est-à-dire en voisin d'autres cultures indiennes, pueblo, apache, navajo.
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En 1970, il publie un premier roman, The Blessing Way, mettant en scène, à côté d'un professeur d'université, un policier navajo nommé Joe Leaphorn. Dix-sept autres autres romans suivront, ayant toujours pour cadre la Grande Réserve et comme héros récurrents les flics de la police tribale Joe Leaphorn et Jim Chee, d'abord séparément, puis en duo, désiré ou non.
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Comme le fit Arthur Upfield trente ans auparavant avec les aborigènes d'Australie, Hillerman va nous immerger dans l'étonnante culture navajo et le décor grandiose de cet immense espace semi-désertique qu'est la Grande Réserve (60.000 km², soit un dixième de la surface totale de la France).
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L'effet de dépaysement que recherchent souvent les amateurs de polars est instantané, mais beaucoup sont rebutés par l'apparente complexité du "matériel ethnographique" livrés par Hillerman à chaque roman.
L'auteur a pourtant l'intelligence de ne pas en faire une condition sine qua non d'accès à son oeuvre.
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Il nous propose d'abord et avant tout d'excellents polars, bien construits, bien écrits et sachant tenir le lecteur en haleine.
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Tony Hillerman a rapidement compris qu'il valait mieux simplifier son propos ethnologique, le présenter d'abord comme une "manière de voir les choses" portées par ses différents personnages, en jouant sur la durée de plusieurs romans.
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Plutôt que de nous donner à lire la complexité de la métaphysique navajo, il était préférable de nous laisser entendre cette complexité dans sa traduction quotidienne (refus de l'ambition, appartenance au clan, politesse, recherche permanente de l'harmonie, insouciance au temps, répugnance aux cadavres, non croyance en l'au-delà, etc.).
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Au pire, les éléments de la cosmogonie navajo donnés par l'auteur seront vécus comme un exotisme supplémentaire ou perçus comme de la poésie pure.
Au mieux, ils susciteront un intérêt et une soif de connaissance que le lecteur curieux sera libre d'étancher en dehors du polar .
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Ce qui est tout à fait passionnant dans le cadre d'une lecture chronologique de l'œuvre, c'est de voir qu'Hillerman apprend en marchant, qu'il découvre ou qu'il comprend au fur et à mesure l'extraordinaire profondeur de cette perception du monde.
Ceci facilite l'initiation du lecteur.Hillerman reconnait être très proche de son premier héros, le lieutenant Joe Leaphorn. Un peu moins de la cinquantaine à ses débuts, celui qui va devenir le Légendaire lieutenant est un homme ayant effectué sa propre synthèse entre sa culture navajo et ce qu'il dut apprendre, de gré ou de force, de l'homme blanc.
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Les obligations de son métier l'ont mis en permanence au contact de la culture dominante, le plus souvent en position subalterne, et il lui a fallu composer avec cela.
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De fait, Leaphorn est un Navajo qui ne le montre pas, ou le moins possible.
C'est son épouse Emma qui assume pour eux deux cette fierté du Peuple et la dimension cultuelle de l'existence.
Outre l'amour que lui porte le Légendaire lieutenant, Emma est réellement sa moitié, cet aspect indispensable de la culture qu'il a dû mettre de côté.
Le décès d'Emma sera vécu comme une double tragédie par Leaphorn et le besoin de retrouver cette partie cultuelle/culturelle le rapprochera, d'abord de Jim Chee, puis du Professeur Bourebonette, une anthropologue blanche versée dans les histoires et coutumes du Diné.
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Le personnage de Jim Chee, créé par Tony Hillerman pour son quatrième roman, va lui permettre d'apporter une complexité que le caractère fini et la personnalité massive de Leaphorn rendaient impossible.
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Beaucoup plus jeune, le sergent Chee est situé entre les deux mondes.
Les liens très forts qui l'unissent à son oncle maternel, hosteen Frank Sam Nakai, chanteur réputé du peuple, les dispositions qu'on a cru voir en lui pour lui succéder comme hataali, sa façon de vivre quasi nomade et sa recherche permanente d'hózhó (l'harmonie et la beauté, l'harmonie dans la beauté) le font totalement navajo.
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Mais ses études, l'opportunité qui lui est donné de quitter la police tribale aux perspectives médiocres pour l'académie du FBI, son envie presque enfantine de mener une vie aventureuse, les liaisons amoureuses qui le lieront, d'abord à la jolie Marie Landon puis à l'avocate Janet Pete, l'attirent vers le côté belagaana (blanc) de l'existence.
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Jim Chee n'a pas encore fait de choix, il aimerait bien le beurre et l'argent du beurre et cette oscillation permanente va alimenter en angoisses le jeune sergent durant toute la durée du cycle.
Indécis, complexé mais aussi rebelle à l'autorité, Celui-qui-pense-lentement agit souvent comme un chien fou.
Le temps du cycle sera aussi pour lui celui de l'initiation, du passage à la maturité.
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On notera que les trois romans qui introduisent, d'abord Leaphorn, puis Chee, sont symétriquement construits.
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L'environnement des histoires est pueblo, zuñi pour Leaphorn, hopi pour Chee
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La voie du fantôme
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Les protagonistes sont des navajos déracinés ayant perdu leurs liens avec le Diné.
Je ne sais si cette symétrie était volontaire ou non.
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Si l'on ajoute le thème des Loups navajos, omniprésent dans ces romans (représentant le mal tel que l'envisage la métaphysique du Diné), on tient là les éléments frontières (un peu comme les quatre montagnes définissant la terre sacrée) entre lesquels se déploie la pensée navajo.
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Elle n'est pas cet assemblage de violence, de cupidité, d'individualisme égoïste qu'est la pensée/mode de vie belagaana.
Elle n'est pas non plus la rigidité sociale et religieuse des sociétés pueblos.
Elle ne peut exister que sur la Terre ancestrale et au contact des clans qui s'y sont assemblés.
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Enfin elle n'a de sens que dans le respect des enseignements de Asdz nádleehé, la Femme-changeante.
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L'association Leaphorn-Chee, personnages plutôt dissemblables, sera faite par Hillerman avec beaucoup d'intelligence et de subtilité, dépassant la thématique habituelle vieux flic/jeune flic (j'y reviendrais au cours de cet intermède).
C'est un intérêt supplémentaire de cette œuvre romanesque généreuse, passionnante à ses débuts, plutôt bien écrite et bien traduite et donc recommandable. (Paris novembre 2006) - http://polars.cottet.org/hillerman/
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Note :
lus quelques uns... il y a fort longtemps...
Il me semble qu'à l'époque je n'avais guère apprécié... donc, une relecture s'impose.











































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