mardi 1 juillet 2008

John Meade Falkner : Le Stradivarius perdu

livre de chevet
roman gothique

Un jeune musicien découvre dans une cache de la demeure ancestrale un violon d'une incroyable perfection.
Il s'agit en fait d'un Stradivarius que le maestro avait conçu spécialement et qu'il destinait à un usage particulier.
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Un violon maléfique, un portrait mystérieux, des personnages qui se consument en d'étranges maladies, voici quelques-uns des thèmes qui composent cette partition aux accents funèbres, dans laquelle on reconnaîtra tous les thèmes majeurs de la littérature fantastique.
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John Meade Falkner, écrivain anglais (1858-1932), a écrit trois romans : The Lost Stradivarius (1895), Moonfleet (1898) et The Nebuly Coat (1903). "Un siècle après sa parution, ce joyau de la littérature fantastique se déchiffre avec autant de passion." (Hugo Marsan, Le Monde)
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Dans l'Angleterre du milieu du 19ème siècle, un jeune Lord anglais, John Maltravers, poursuit ses étude dans la perstigieuse ville d'Oxford. Un soir, alors qu'il joue au violon Areopagita, morceau de musique composé en 1744, d'étranges phénomènes surviennent.
Une chaise qui craque, des visions étranges, des cauchemars récurrents, tel est le quotidien de John jusqu'à ce qu'il découvre un authentique Stradivarius dissimulé dans une paroie de son appartement.
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Mais cette découverte, comme une boîte de Pandore, lui apportera plus de tourments que de réconforts.
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Pour nous raconter cette étrange histoire, Faulkner décide de faire parler la soeur de John, Sofia Maltravers. Une vingtaine d'années après les événements, elle écrit à son neveu pour qu'il apprenne d'elle "la vérité plutôt que d'écouter les versions déformées de ceux qui n'aimaient pas (John) comme (elle) l'aimait"
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En parcourant les premières pages, j'ai d'abord pensé au Protrait de Dorian Gray : ces objets maléfiques qui nous modifient jusqu'au plus profond de notre être.
Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de ça. Mais Falkner prend un chemin radicalement opposé à celui d'Oscar Wilde.
Ici, le fantastique et l'irréel sont à peine suggérés, et souvent minimisés. Ce qui fait matière, c'est le processus de déchéance et les voies qui mènent à la folie.
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Comment un homme que tout destinait à la réussite, va changer radicalement de comportement, au point que sa femme et sa soeur ne le reconnaîtront plus.
Bien sûr, le style est un peu ampoulé, mais puisque la narratrice est une vieille fille britannique de la fin du dix-neuvième siècle, cela paraît somme toute adéquat. J'ai même trouvé que cela ajoutait du charme au récit. Une lecture agréable
Extrait :
La gaillarde commençait par un air vif et hardi, et, alors qu'il attaquait les premières mesures, il entendit craquer le fauteuil en rotin. Le bruit lui était parfaitement familier : c'était celui que fait quelqu'un qui pose ses mains sur les accoudoirs du fauteuil avant de s'y asseoir doucement.
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À part les notes qui s'échappaient du violon, tout n'était que silence, et le craquement n'en fut que plus audible.
L'illusion était si complète que mon frère s'arrêta de jouer et se retourna, s'attendant à voir un de ses amis qui, attiré par le son du violon, se serait glissé dans la pièce, ou même Mr Gaskell qui serait revenu sur ses pas.
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La musique s'étant tue, il régnait un silence absolu; l'unique bougie n'éclairait guère les coins les plus sombres de la pièce, mais elle tombait droit sur le fauteuil en rotin et montrait qu'il était bien vide.
Mi-étonné, mi-vexé d'avoir cessé sans raison de jouer, mon frère reprit la gaillarde; mais obéissant à une impulsion soudaine, il alluma les bougies des candélabres, ce qui procura un éclairage plus digne de l'occasion.
Après avoir interprété la gaillarde et le dernier mouvement, un menuet, John ferma le livre avec l'intention, comme il se faisait tard, d'aller se coucher.
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Alors qu'il rabattait les pages, un craquement provenant du fauteuil en rotin attira de nouveau son attention, et il perçut distinctement le bruit que fait une personne quand elle quitte son siège.
Moins surpris, cette fois, il put réfléchir plus à loisir aux causes possibles de ce phénomène et il en arriva facilement à la conclusion que dans le fauteuil, des fibres de rotin devaient petre sensibles à certaines notes du violon, tout comme dans les églises des vitraux vibrent à certaines notes de l'orgue.
Mais, alors que sa raison se satisfaisait de cet argument, son imagination n'était qu'à moitié convaincu.
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Possibilité de lire ce roman en ligne :
http://www.archanniversary.com/3134313037/ch2.html

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Falkner est né en 1858. Son père est un ecclésiastique (ce qui explique peut-être le caractère moral de son récit).
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Après un voyage en Europe, Falkner travaille dans le secteur de l'armement. Ses nombreux voyages d'affaires lui laissent l'occasion d'écrire quelques romans: The Lost Stradivarius (1895) et The Nebuly Coat (1903), deux textes fantastiques dans la tradition de Sheridan Le Fanu, et Moonfleet (1898).
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Il semble qu'il ait cessé d'écrire à la suite de la perte d'un manuscrit (un récit dans la veine de Moonfleet): découragé, il n'eut jamais le courage de reprendre la plume. Il écrit également des vers, dont on tirera un recueil après sa mort, qui survient en 1932.

Sa vie, occupée par un métier prenant (le trafic d’armes) et une marotte qui lui prenait du temps (la paléographie médiévale), ne lui permit pas d’accorder beaucoup de place à la littérature.
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La critique et les plus grands romanciers de l’époque (au premier rang desquels Thomas Hardy) n’en saluèrent pas moins son oeuvre avec enthousiasme.
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Michel Tournier continue aujourd’hui de tenir Moonfleet (1898) pour l’un des plus beaux romans de la littérature anglaise : « Une haute et profonde aventure où se rencontrent une météorologie orageuse et un dédale de souterrains ténébreux. Le lecteur se sent emporté dans le ciel et inhumé dans les grottes les plus sombres de l’âme humaine. »
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Autres titres
Moonfleet.

Falkner n'est pas à proprement parler un auteur de romans d'aventures. Une seule de ses œuvres appartient au genre, mais il s'agit d'une œuvre majeure: Moonfleet.
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S'il tire une bonne part de sa notoriété de l'adaptation cinématographique de Fritz Lang,
le récit est en lui-même une œuvre étonnante.
Publié en 1898, le texte est fortement influencé par Stevenson.
On y recherche un trésor, comme dans Treasure Island, on y croise un Maître Ratsey qui rappelle souvent Alan Breck (Kidnapped), et surtout, une même façon de raconter, en donnant une grande place aux images baroques et fulgurantes (la vision des pirates dans la crypte, ou celle d'Aldobrand à travers les fentes du volet).
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Mais Moonfleet n'est pas une simple réécriture de
Stevenson. Falkner parvient avec habileté à faire progressivement du petit village de John Trenchard un espace fantastique, où tout et tous deviennent mystérieux. Petit à petit le cimetière, l'église ou la lande deviennent des promesses d'aventures futures.
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Si le récit de Falkner appartient aux grands romans d'aventures, ce n'est pas seulement parce que, comme Treasure Island (dont il tire une bonne part de son inspiration), il sait présenter des scènes qui matérialisent la quintessence de ce que recherche le lecteur de romans d'aventures indépendamment de tout réalisme; c'est aussi, plus prosaïquement, parce que Falkner sait construire une intrigue solide, ménager les aventures sans chercher nécessairement à les enchaîner au plus vite.
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Le Blason de Lord Blandamer
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Le blason de Lord Blandamer serait-il maléfique ? Tous ceux qui s'y intéressent deviennent fous et meurent.
Le jeune Westray, chargé de restaurer la superbe église du Saint-Sépulcre, est à son tour fasciné.
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Flanqué d'un vieil organiste misanthrope et d'une demoiselle ravissante, pauvre, romanesque, il tente de percer le mystère des seigneurs de Cullerne...
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Un polar gothique qui a le charme des élégances passées.
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Note...
Une vingtaine de pages lues... lecture agréable, entre Le Fanu, Wilde et Walpole... très agréable.








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