L’idée, c’était de se procurer à Paris une vieille voiture en état de rouler, et de l’expédier au Congo où elle deviendrait un taxi.
Celui-ci assurerait des ressources régulières à la famille du colonel, restée au pays quand lui-même avait été contraint de s’expatrier. Tel que le colonel et le narrateur l’avaient conçu, dans un café de la porte de Clichy, le projet était simple et brillant.
Chemin faisant, tant sur mer que par la route, selon un itinéraire qui recoupe parfois ceux de Joseph Conrad, de Patrice Lumumba, de Che Guevara et d’autres fantômes moins illustres, il va se heurter à un grand nombre de difficultés, imputables aussi bien à l’état de la voiture qu’à celui du pays lui-même.
Parmi toutes ces difficultés, finalement, il n’est pas avéré que la pire soit l’explosion de la durite.
La presse
Le Monde, vendredi 9 mars 2007
Jean Rolin, l'itinérant magnifique. Une équipée moderne sur les pas de Joseph Conrad La phrase de Jean Rolin, sa manière de raconter et de décrire, de réfléchir comme à voix haute, son rythme aussi, lent mais nerveux, son timbre enfin -inimitable.
Le Monde, vendredi 9 mars 2007
Jean Rolin, l'itinérant magnifique. Une équipée moderne sur les pas de Joseph Conrad La phrase de Jean Rolin, sa manière de raconter et de décrire, de réfléchir comme à voix haute, son rythme aussi, lent mais nerveux, son timbre enfin -inimitable.
Ni rigolard ni pontifiant, mais sérieux, grave et en même temps plein d'humour.
Dans ses entretiens avec la presse, Rolin a parlé plusieurs fois de la mélancolie comme ne lui étant pas étrangère, pas d'ennemie non plus (" Le Monde des Livres " du 21 avril 200-).
En fait il a trouvé dans ses livres le difficile équilibre hors duquel la littérature sonne faux : il y a le monde et il y a mon regard sur lui.
Les deux existent distinctement et l'accord se fait par le style.
Etant entendu qu'à la fin ce n'est pas l'écrivain qui doit apparaître, mais le monde.
Sur ce plan, les lecteurs des précédents livres de Rolin, et notamment de ce merveilleux recueil d'articles et de reportages effectués sous toutes les latitudes durant vingt-cinq ans, L'Homme qui a vu l'ours (POL, 2006), savent à quoi s'en tenir.
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Le premier des textes de ce recueil est justement un reportage paru dans Libération en 1980. Rolin y raconte une remontée du fleuve Congo et se souvient de Joseph Conrad qui navigua un siècle plus tôt sur le même fleuve.
Dans L'Explosion de la durite, il reprend sa pérégrination, non pas là où il l'avait laissée, mais selon une autre modalité, plus ludique si l'on peut dire. L'histoire est pittoresque, vagabonde, minutieusement réaliste.
*
On commence par la fin Le narrateur, pour complaire à son ami Foudron, ancien sous-officier dans l'armée de Mobutu, présentement sans papiers et vigile dans un MacDonald's près du métro La Fourche, accepte de convoyer une vieille Audi 25 de Paris à Kinshasa.
Le véhicule est destiné à devenir un taxi dont les bénéfices subviendront aux besoins de Clémentine, l'épouse de Foudron, et de sa famille.
Le livre commence par la fin : l'explosion de la fameuse durite sur une piste à quelques encablure du but.
Rien de réjouissant : le paysage est " ". A l'approche de la nuit, " émanant de la végétation, différentes sortes de crissements, de stridulations, de roucoulements et d'autres sonorités animales, parmi lesquelles se distingue le chant du coucal, comparable au glouglou d'une bouteille qui se vide ".
Puis retour arrière, au début du voyage, qui promet d'être plein d'imprévus dûment détaillés par l'auteur, partie prenante du voyage. " Ce n'est que par un mouvement infime, tout d'abord, entre le Kremlin-Bicêtre et Vitry, que la voiture s'est rapprochée de Kinshasa. "
Sur le cargo, le San-Rocco, qui part d'Anvers, il faut surveiller le véhicule car les pièces de moteur sont prisées et rapidement démontées. Lorsque le bateau lève l'ancre, un 4 août, Jean Rolin note à nouveau que Joseph Conrad cent quinze ans plus tôt, avait lui-même appareillé de Kinshasa, à bord du vapeur Roi-des-Belges, pour cette remontée du fleuve dont il devait s'inspirer dans Au cœur des ténèbres ". Cette fois, outre Conrad, c'est Proust qui accompagnera le voyageur.
Il serait injuste de dire que le récit de cette équipée n'est qu'un prétexte. Car tout l'art de Rolin réside justement dans l'entremêlement des éléments anecdotiques, de l'histoire politique agitée de cette partie du monde - avec divers acteurs, de Lumumba à Che Guevara-, des évocations littéraires et de ce regard à la fois intense, impavide et magnifiquement disponible qui est celui de Jean Rolin. -Patrick Kéchichian
Jean Philippe Rolin, né le 14 juin 1949 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain et journaliste français. Il a reçu le prix Albert Londres pour le journalisme en 1988 et son roman L'Organisation a reçu le prix Médicis en 1996.
Étudiant, il s'investit — tout comme son frère Olivier, de deux ans son aîné — dans la tendance maoïste de mai 68. Journaliste, il a surtout effectué des reportages, notamment pour Libération, Le Figaro, L'Événement du Jeudi et Géo.
Écrivain, il est l'auteur d'essais, de chroniques, de romans et de nouvelles. Jean Rolin, écrivain voyageur, est un grand mélancolique, il décrit souvent des mondes, des sociétés et des solidarités qui disparaissent, Terminal Frigo en est sans doute l'exemple le plus beau et le plus flagrant.
En 2006, il reçoit pour son livre L'Homme qui a vu l'ours le prix Ptolémée lors du 17e Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges.(wikipédia)
autres titres :
La même année que Napoléon Bonaparte naît dans une bourgade de la Sarre un enfant roux dont le père, tonnelier de son état, a servi dans les armées de Frédéric II.
À la faveur des guerres de la Révolution et de l'Empire, l'enfant roux est appelé à devenir l'un des plus illustres maréchaux de France, avant de mourir fusillé à l'angle des jardins de l'Observatoire.
Entre-temps, il aura été vainqueur à la Moskova, héroïque lors de la retraite de Russie, indécis ou calamiteux dans d'autres circonstances, déloyal à l'empereur, traître à la monarchie restaurée, défait à Waterloo et indéfectiblement fidèle à quelque chose d'éclatant et d'obscur.
Aujourd'hui, le boulevard qui lui est dédié relie la porte de Saint-Ouen à la porte d'Aubervilliers à travers des quartiers qui ne comptent pas parmi les plus paisibles ou les plus aérés de la capitale. D'autres destins s'y nouent, d'autres échecs s'y consomment.
Celui de Gérard Cerbère, rescapé de nombreuses Berezinas, retranché avec sa caravane à l'intérieurd'un pilier soutenant le périphérique.
Celui de Lito, officier des forces armées zaïroises échoué au McDonald's de la porte de Clignancourt.
Ou encore celui de Ginka Trifonova, une jeune Bulgare, assassinée une nuit de novembre 1999sur un talus de la rue de la Clôture.
Jean Rolin nous livre ici un portrait rempli de désilusion, d'ironie, et en même temps de compassion.
Se penchant sur son passé de militant, entre fiction et révélation, "L'organisation" est avant tout une description de Mai 68 telle que la franche la plus marginale de la France d'en bas l'a vécu.
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" Soudainement, alors que nous remontions la rue Paul-VI, une plaque de tôle ondulée s'abattit à nos pieds dans un bruit de tonnerre et le jésuite l'enjamba distraitement, sans dévier de sa route, sans un mot de commentaire pour un incident si notable.
Quant à moi, les mains dans les poches, tandis qu'il tenait toujours ses deux sacs à bout de bras, je me sentais de plus en plus insignifiant, de plus en plus déplacé, à ses côtés aussi bien qu'à Bethléem, voire dans ce pays tout entier, où nul ne m'avait demandé de venir m'enquérir du sort des chrétiens, seul, sans mandat, empiétant ainsi sur les prérogatives de l'Église ou des sacro-saintes ONG. "
Chrétiens est le récit, juste et précis, d'un séjour à Bethléem et dans d'autres localités de Palestine, pendant les mois de décembre 2002 et janvier 2003.
Reportages et autres articles 1980-2005
L'homme qui a vu l'ours rassemble de reportages et d'autres articles publiés par Jean Rolin dans différents journaux entre 1980 et 2005.
On y trouve aussi bien des considérations sur les tigres mangeurs d'hommes du delta du Gange, que sur la démolition des pétroliers géants, le siège de Sarajevo, un voyage en cargo pendant la première guerre du golfe, la pêche au pouce-pied à Belle-île, la remontée du fleuve Congo, ou les avantages et les inconvénients d'habiter un immeuble conçu par Jean Nouvel.
Ayant passé le cap de la cinquantaine, un homme qui aurait pu devenir capitaine au long cours, jadis, s'il avait été moins paresseux, entreprend un voyage de plusieurs mois sur le littoral français.
Apparemment guidé par sa fantaisie, il séjourne dans la plupart des villes présentant une activité industrielle et portuaire importante.
Saint-Nazaire, Calais, Dunkerque, Le Havre, Marseille-Fos, autant d'étapes où la trajectoire du voyageur croise celle des hommes venus des quatre coins de la planète pour la construction du Queen Mary 2, des dockers déchirés par la scission de leur syndicat ou des clandestins vivant dans l'attente d'un hypothétique passage vers l'Angleterre...
Chemin faisant, il apparaît que des souvenirs plus ou moins obscurs lient le narrateur à certains des lieux qu'il visite, et ainsi se dessine progressivement, en filigrane, une sorte d'autobiographie subliminale.
Encore une bonne découverte due au hasard de mes ballade en bibliothèque.
voir les nouveautés chez l'éditeur : http://www.pol-editeur.fr/news/
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