samedi 7 juin 2008

Jim Thompson : 1275 âmes

Polar
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Je m'appelle Nick Corey.

Je suis le shérif d'un patelin habité par des soûlauds, des fornicateurs, des incestueux, des feignasses, et des salopiaux de tout acabit.

Mon épouse me hait, ma maîtresse m'épuise et la seule femme que j'aime me snobe.

Enfin, j'ai une vague idée que tous les coups de pied qui se distribuent dans ce bas monde, c'est mon postère qui les reçoit.

Eh bien, les gars, ça va cesser. Je ne sais pas comment, mais cet enfer va cesser.
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Les 10 premières lignes :
He ben, mes enfants, je devrais l'avoir belle. Être peinard ce qui s'appelle. Tel que vous me voyez, je suis le shérif en chef du canton de Potts, et je me fais pas loin de deux mille dollars par an - sans compter les petits à-côtés.

En plus, je suis logé à l'œil au premier étage de l'immeuble du tribunal, et il faudrait être bougrement difficile pour ne pas se contenter de ça : il y a même une salle de bain, ce qui fait que j'ai pas à me laver dans une lessiveuse ni à patauger jusqu'au fond du jardin pour aller aux cabinets, ce qui est le cas de la plupart des habitants de ce pays.

Moi, mon paradis, je peux dire que je l'ai sur terre. Un vrai filon, que je tiens là, et pourquoi je continuerais pas à faire ma pelote, du moment que je m'occupe de mes oignons et que je prends bien garde de n'arrêter personne, à moins que je puisse pas faire autrement - et encore, à condition que ça ne mène pas loin (...) !
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Extrait :
"Les pauvres petites filles sans défense qui pleurent en voyant leur père entrer dans leur lit. Les hommes qui battent leurs femmes et les femmes qui hurlent des supplications. Les gosses qui pissent au lit, d'angoisse et de peur, et leurs mères qui les punissent en les aspergeant de poivre rouge. Les visages hâves, hagards, ravagés par le ténia et le scorbut. La sous-alimentation, les dettes toujours plus fortes que le crédit. La hantise, comment on va manger, où on va dormir, comment on va couvrir nos pauvres culs tout nus.
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Le genre d'obsession qui fait que, quand on n'a rien d'autre dans la tête, mieux vaut être mort. Parce que c'est le vide des idées, quand on est déjà mort en dedans, et qu'on ne fait plus que répandre la saloperie, la terreur, les larmes, les cris, la torture, la faim et la honte de sa propre mort. De son propre vide."
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Avis :
Nick Corey a un logement de fonction dans une petite ville, une femme et des maîtresses. Il se foule pas trop et en fait le moins possible ce qui semble être d'ailleurs le meilleur moyen pour rester à sa place de shérif. Mais il a ce problème, les élections approchent et il se pourrait bien que son rival arrive à les remporter. Et puis il y a aussi ces deux maquereaux qui lui ont manqués de respect...
1275 Âmes, c'est un peu la horde sauvage de Sam Peckinpah, je veux dire c'est salauds contre salauds, y en a pas un, pas une pour rattraper l'autre.

On y trouve les thèmes chers à Thompson, ceux qu'ils traînent comme une série de casseroles tout au long de son œuvre : la parano, la folie, la violence, le sexe...

Le personnage du Shérif aussi qui veut se faire réélire, le mariage foiré.

Les monologues déjantés du héros (l'anti-héros devrait-on dire) qui tente de justifier ses actions et de tout expliquer au lecteur.
Le personnage de Nick Corey, shérif du conté de Pottsville, est une ordure, mais on s'y attache avec dégoût, c'est un narrateur complexe qui jette un regard désabusé sur le monde.

Plus on avance et plus il semble qu'il prenne toutes les bassesses, tous les côtés sombres de l'être humain sur ses épaules, il y aura d'ailleurs cet étrange passage où Corey se prend pour une sorte de Jésus moderne.

C'est un jouisseur, un calculateur qui tente de retirer son épingle du jeu pour se la couler le plus doucement possible. Il ne recule devant rien pour arriver à ces fins. Il se fait passer pour un idiot afin de mieux enterrer la méfiance des autres et les écrabouiller plus sûrement.

Et on avance dans le bouquin, on s'englue dans le sordide tout en se demandant jusqu'où tout ça va nous mener.

Les scènes comiques alternent avec des scènes d'une rare violence physique et morale (le passage durant lequel Nick s'occupe du cas d'Oncle John est terrible), parfois Thompson mélange tout ça.

Alors, on rit. Mais on rit jaune, plus que jaune, disons, qu'on rit noir...

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Jim Thompson (1906-1977) -
Jim Thompson descend directement dans le coeur des hommes et fait défiler tout un monde de perdants, alcooliques, escrocs.
Pour lui, les hommes ont tous un double, un «démon dans la peau» (titre de l'un de ses livres). Le grotesque, l'abjection, la déchéance: l'écrivain plonge dans ce monde noir, achevant ses livres sans une lueur d'espoir, sans rémission possible.
L'un de ses romans, Monsieur Zéro, donne exactement la définition de ses antihéros. Ils n'ont pas de conscience, bonne ou mauvaise, mais se laissent glisser dans un engrenage, incapables de s'en échapper.
Mais Jim Thompson ne juge jamais, ne condamne pas, n'explique rien. Le thème récurrent de son oeuvre: les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent être et les gens font toujours le contraire de ce qu'ils disent.
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Interrogé par la revue Polar, Georges Perec (qui adapta Des cliques et des cloaques devenu Série noire réalisé par Alain Corneau pour le cinéma) rappelle que «l'intrigue policière ou criminelle n'intéresse pas Thompson».
Son héros «n'a pas de langage. Il est obligé de prendre son langage et ses réactions chez les autres. Il est entièrement conditionné par le monde qui l'entoure.» Même indifférence pour les lieux, le cadre de vie: petites villes, petits snacks pour de petits hommes.
En revanche, la géographie et l'histoire jouent un rôle important: Etats et villes marqués par les conséquences de la crise de 1929, Oklahoma, Texas et Nebraska pour l'essentiel, qui lui permettent un réalisme local voire campagnard.
A ce monde souterrain correspond une carrière mal connue. L'auteur fut oublié longtemps par les Américains qui lui dresseront, bien tardivement, quelques couronnes. Sans doute refusaient-ils de se regarder dans le miroir que Thompson leur tendait. - A lire: chez Folio ou Omnibus)






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L'histoire de Jim Thompson
Arrivé en Thailande au lendemain de la guerre de 1944, Jim Thompson était un ancien agent de l'OSS (qui s'appelle maintenant la CIA).
Séduit par le pays, il développe la production de la soie thailandaise et collectionne les objets d'art ancien asiatique.
Il disparut mystérieusement en 1967, lors d'un séjour chez des amis en Malaisie. C'était un homme extrèmement courtois et stylé.
Jim Thompson est né à Delaware en 1906, dans une famille aisée et bien établie. Il fut diplomé de l'Université de Princeton en 1926. En 1927, il voyagea en Europe, puis il reprit des études d'architecture à l'Université de Pennsylvanie. Il exerce comme architecte à New-York. En 1941, à cause de la seconde guerre mondiale, il ferme son cabinet et s'engage dans l'armée.
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L'agent secret
Peu de temps après son enrolement, il rencontre le Capitaine Edwin Black, de l'OSS et leur amitié dura jusqu'en 1967. Le Capitaine Black eut une grande influence sur Jim, alors lieutenant de 36 ans: il le convainc d'intégrer l'OSS et lui présente une ancienne manequin avec qui il se mariera quelques temps plus tard.
Après avoir recu une formation d'agent de l'OSS sur l'ile de Catalina (Californie), Jim est affecté à l'outre-mer: il sert en Afrique du Nord, France et en Italie. Puis, après la défaite allemande, il forme une équipe à Ceylan (Sri Lanka) avec pour mission d'être parachuté dans la jungle du nord de la Thailande. C'était pour renforcer les opposants thailandais au gouvernement pro-japonais de Bangkok. Mais la guerre cessa à la capitulation japonaise, et le Colonel Thompson arriva alors à Bangkok pour y prendre les fonctions de conseiller militaire à l'ambassade US.

Il se passionne alors pour la Thailande, voyage à travers tout le pays, parfois des semaines entières. Il lie de nombreuses amitiés, y compris auprès de personnes influentes. Il se prépare à revenir en Thailande, lorsqu'il sera démobilisé. Lorsque l'hotel Oriental est mis en vente, il achète un quart des parts. Malgré le mauvais état de l'hotel, ancien quartier général des japonais, il voit des possibilités de développement.

Après sa démobilisation aux USA, il ne parvient pas à convaincre sa femme de le suivre en Thailande qui demande le divorce. Il entame alors une nouvelle vie en Thailande; il cède ses part dans l'hotel Oriental, à la suite d'un désaccord avec Germaine Krull, journaliste francaise au 'Paris Magazine' et co-actionnaire de l'hotel.
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L'industriel
C'est alors qu'il se souvint des pièces de soie qu'il avait vu en Thailande. Cette industrie ancienne était en déclin à cause de la concurrence des produits européens et japonais, bon marché. Il restait une poignée de tisseurs en Thailande.
En 1947, il rencontre Madame Edna Chase, grand nom de la mode Newyorkaise et éditeur de la revue Vogue, et lui présente des échantillons de soie thailandaise. Séduite par le tissus, elle persuade un créateur de dessiner une robe en soie thailandaise. La robe fut présentée dans la revue et ce fut le succès. Mais Thompson devait produire des vetements à taille standardisée pour obtenir des commandes.
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Il fonde alors la 'Thai Silk Company', et améliore les couleurs, suit la qualité. Il incite les vieux tisseurs et en quelques mois près de 200 tisseurs travaillent pour lui. En 1951, la soie de Jim Thompson est utilisée pour la comédie musicale "Le Roi et Moi"; l'affaire prend de grandes proportions au point de devenir l'une des principales exportations du pays.
Deux plantations de murrier (pour l'élevage des vers à soie) sont créées au nord de la Thailande. En 1960, la "Thai Silk Company" compte 2000 tisseurs, et l'activité est si profitable, qu'il y a déjà 140 concurrents.
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Le collectionneur
L'autre activité qui le passionnait le plus, avec l'industrie de la soie, c'est sa collection d'oeuvres d'art asiatique. Il aimait visiter les villages du nord de la Thailande et commenca à s'intéresser à l'art thailandais, peintures sur soie, sculpture sur bois, et sculptures bouddhistes. Pour contenir tous ces trésors, il fit construire une maison a Bangkok : il racheta trois vielles maisons du XIX°siècle dans la région d'Ayutthaya et les fit reconstruire, sur un terrain qu'il acheta le long d'un klong à Bangkok. Il ajouta des corridors, un escalier et des salles de bains.

La collection comprend des laques birmanes, des bronzes cambodgiens, des poteries Ming, des chandeliers en cristal Victorien.
Jim Thompson invitait souvent des personalités à diner à la lumière des bougies et des torches du jardin tropical, avec un orchestre et des danseurs traditionnels thailandais. Thompson voulait céder la maison et la collection à la Siam Society, mais on le soupconnait d'avoir acheté des pièces volées dans les ruines khmères; il répliquait alors que de toutes façons les pièces étaient restées en Thailande grace à lui.
Deux ans avant sa disparition, il eu un grave désaccord avec les membres de la Siam Society à propos de la réelle appartenance de plusieurs objets, et de leur restitution.
La rumeur indique qu'il aurait changé son testament, la Siam Society étant alors déshéritée. Mais le testament ne fut jamais retrouvé.
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Au milieu des années 60, le siège de la Thai Silk Company devenait trop étroit et Thompson conçut les plans d'un nouveau batiment qui fut achevé en 1967. Il était surmené et fatigué, souffrait de calculs biliaires et avait accepté l'idée d'une opération plus tard cette année là. Il portait toujours sur lui des pillules pour appaiser la douleur. Il avait besoin de repos et l'opportunité vint, lorsque son amie, Connie Mangskau, l'invitat pour les vacances de Paques dans le chalet d'amis communs, le Dr Ling et son épouse, dans les Monts Cameron en Malaysie.
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Madame Mangskau etait anglaise, d'origine thai, et veuve d'un norvégien, capitaine de bateau. Thompson l'avait rencontré en 1945 lorsqu'elle travaillait comme interprète auprès des services alliés à Bangkok. Ils étaient devenus bon amis, il l'avait aidée à ouvrir sa première boutique d'antiquités, à l'hotel Trocadero puis à l'hotel Oriental, et plus tard il lui avait tracé les plans de sa fameuse maison Thai, qui était semblable à la sienne.
Le Dr ling, un homme d'affaire chinois de Singapour, et son épouse, Helen, avaient déjà invités Thompson et Connie Mangskau, trois ans plus tôt, à Paques, dans leur maison des Monts Cameron. Lorsque l'invitation a été renouvellée à Paques 1967, Thompson acceptat sans hésitation. Il aimait la vieille station britanique et il aimait bien les Lings, qui étaient aussi collectionneurs et antiquaires.
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Les Monts Cameron
Alors que Thompson avait beaucoup de détails à régler pour le déménagement de ses bureaux, il demanda à Connie de s'occuper du voyage. Lorsqu'il se retrouvèrent à l'aéroport, jeudi après-midi, thompson avait oublié de se faire vacciner contre le cholera et avait omis le certificat d'imposition et Connie, qui connaissait des responsables de l'aéroport, arrangea les difficultés.
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Cet indident mineur, souligne que Thompson n'avait pas prévu de quitter la Thailande, ni envisagé de rester longtemps hors du pays. Il avait sur lui 100 dollars en espèces. L'avion décolla à l'heure en direction de Penang.
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Des faits étranges se produisirent à leur arrivée à Penang. 'Aucun de nous n'avions été ici avant et nous étions anxieux de voir l'ile' rappelait Mme Mangskau. 'Nous avons loué une voiture et roulions autour de l'ile lorsque Jim devint anxieux et voulait retourner à Georgetown pour se faire couper les cheveux'. Mme Mangskau admis qu'elle était ennuyée, mais elle accepta de le déposer chez un coiffeur avant de retourner à l'hotel Ambassador, où ils avaient réservé deux chambres.
A son retour Thompson indiqua qu'il aurait préféré descendre à l'hotel E&O qui était un ancien établissement colonial, comme l'Oriental de Bangkok. Avait-il été à cet hotel pour quelque raison ?
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Le lendemain matin, ils prirent un taxi privé pour voyager jusqu'au 'Moonlight Cottage', la maison des Ling. Le taxi les pris en charge à l'hotel, mais il s'arréta 10 minutes en ville et le chauffeur entra dans un bureau. Un autre chauffeur revint et pris le volant.
Lorsqu'il arrivèrent à mi-chemin, à Tapah, le chauffeur s'arrêta à la station de taxi et annonça qu'il devait changer de véhicule, parce que le moteur ne fonctionnait pas bien. Il les invita à prendre un autre taxi, dans lequel deux chinois attendait déjà. Mme Mangskau devint iritée: elle avait payé pour un taxi privé et ne voyait pas pourquoi elle devait partager.
Le chauffeur acquiessa et les chinois descendirent du taxi. Mangskau et Thompson poursuivirent leur voyage et arrivèrent au chalet quelques minutes après les Ling, et eurent un diner paisible en soirée.
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Le lendemain matin, le Dr Ling annonca qu'il avait trouvé une nouvelle piste pour aller au golf ou ils devaient prendre le déjeuner, et il demanda à Thompson s'il voulait l'accompagner pour cette promenade.
Thompson accepta, mais comme ils étaient toujours absents à midi, les femmes envisagèrent d'appeler la police. Mais finalement, les deux hommes arrivèrent tranquillement au club, fatigués et las. Dr Ling s'était fait une élongation à la jambe mais Thompson avait bon moral.
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Le matin suivant c'était le dimanche de Paques et les Ling avaient pour habitude d'aller à la messe, à la petite église du village. Mme Mangskau et Thompson décidèrent de les accompagner, mais Thompson préféra aller à pied.
C'était le seul instant ou Thompson était seul, et l'enquète insista sur le fait que c'était le bon instant si quelqu'un avait voulu kidnapper Thompson. Après l'office religieux, Thompson voulait retourner au cottage, mais Mme Ling avait préparé un picnic. Ils conduisirent jusqu'à une partie isolée près de leur maison.
Thompson semblait mal à l'aise et était anxieux de retourner au cottage. Il commenca à ranger les affaires avant les autres. Ils rentrèrent au cottage à 14h30 et Mme Mangskau suggéra un peu de repos avant le diner, ce que tous approuvèrent, sauf Thompson.
La dernière fois qu'ils le virent, il était assis dans le salon. Quelques instants plus tard, alors que les Ling étaient dans leur chambre, au rez-de-chaussée, il entendirent le frottement d'un transat en aluminium comme s'il était tiré à travers la véranda. Ils supposèrent que Thompson voulait rester au soleil, mais quelques minutes plus tard, ils entendirent des pas dans le chemin de gravier.
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Disparition mystérieuse
A 17h00, Thompson n'était pas rentré. Dans sa chambre, il n'avait pas touché au lit et avait laissé ses cigarettes et ses pilules, alors qu'il ne s'en séparait jamais, parce qu'il fumait beaucoup. Au coucher de soleil, Dr Ling appela la police. La région était en alerte. S'il n'était pas de retour à l'aube, une recherche serait lancée. Mais le Dr Ling n'attendit pas, il téléphona à un ami qui avait un chien et lui demanda de l'aide.
L'ami arriva avec un colonel britanique en congé. Ils suivirent une piste qui conduisit aux 'Beehives', qu'avait déjà emprunté Thompson et la veille, il avait déclaré vouloir emprunter ce chemin à nouveau. Les hommes revinrent bredouille à minuit puis engagèrent une seconde recherche, elle aussi sans succès.
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A l'aube, la police ratissa la zone dans un rayon de 8 kilomètres autour du cottage, sans succès. 1500 personnes entreprirent la plus grande chasse à l'homme dans l'histoire de la région. Mais Thompson ne fut jamais retrouvé.
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La légende
Le mystère demeure sur la disparition de Jim Thompson à 61 ans, le dimanche 26 mars 1967.
Est-ce que l'industrie de la soie n'était pas une couverture pour lui permettre de poursuivre ses activités dans le renseignement ?
Quelques temps après la disparition de Jim Thompson, sa soeur fut retrouvée morte, rouée de coups dans sa maison de Pennsylvanie. Son bureau avait été fouillé et des papiers gisaient au sol, mais l'argent n'avait pas été volé.
Une série télévisée, "Silk Knot", en 10 épisodes a été produite.
Source: d'après un article en anglais de Harold Stephens -
Bangkok Post - 2000

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