mardi 17 juin 2008

Minh Tran Huy, lauréate du Prix littéraire Gironde - nouvelles écritures 2008

résumé du livre :
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Jamais un conte n'est vraiment innocent, ni tout à fait dénué de cruauté.
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En la personne de Nam, jeune Vietnamien depuis peu réfugié en France, la narratrice croit reconnaître le prince charmant.
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Ils sympathisent, se revoient, se confient, s'inventent un territoire secret.
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Mais quelque chose éloigne les gestes de l'amour : le beau garçon la traite comme une petite sœur.
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A quelque temps de là, elle accompagne ses parents au Viêtnam, où ils retournent pour la première fois.
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Devant elle, née en France, élevée et protégée comme une fille unique, le rideau se déchire.
Les secrets affleurent, les rencontres dévoilent les tragédies qu'ont connues les siens.
Que Nam a laissées derrière lui, peut-être...
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La Princesse et le Pêcheur dessine une vietnamité aussi réelle qu'impartageable, un pays immatériel que Minh Tran Huy imprègne d'une fausse candeur toute de retenue, qui cache une mélancolie profonde.
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Elle y inscrit la présence de l'ami si difficile à retrouver, parce que l'Histoire est passée par là. Ou simplement le temps. Plus violent que les contes...
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C'est avec une « délicieuse confusion entre le réel et l'imaginaire », comme l'a souligné Philippe Madrelle, président du Conseil Général de la Gironde, la mise en valeur du conte, et surtout la touchante sensibilité d'une écriture nostalgique, que Minh Tran Huy, une jeune journaliste de 29 ans, a su séduire le jury.
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Elle signe ainsi avec « La princesse et le pêcheur », son premier roman et un premier succès d'envergure nationale qui l'a, semble-t-il, déjà un peu dépassée.
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C'est pour la 19ème fois qu'est decerné le Prix Gironde, nouvelles écritures. Lancé à l'initiative du Conseil Général de la Gironde et du Courrier Français, il récompense des écrivains francophones sur leur premier ou deuxième roman.

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« On veut privilégier des romans qui dénotent le début d'une oeuvre. » explique Bernard Cattanéo, président du Courrier Français « ... l'ambition étant, de faire sortir un écrivain, dont l'écriture touche le plus grand public et fait tout simplement rêver le lecteur dit "moyen" ». Le prix est doté, chaque année, d'un chèque de 7 600 €.
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Retour à l'adolescenceLa lauréate de cette année, Minh Tran Huy, est née à Paris en 1979, de parents Vietnamiens.
Très tôt, elle s'intéresse à l'écriture, mais journalistique.
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A 27 ans, elle est déjà rédacteur en chef adjointe du Magazine Littéraire et dirige la chronique « Mots de Minuit » sur France 2.
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Elle fait paraître son premier roman « la Princesse et le pêcheur » en août 2007.
L'idée de celui-ci germait en elle tout de même depuis une dizaine d'années.
Mais comme elle l'explique « Je ne me sentais pas encore prête à raconter mon adolescence avec suffisamment de recul. »
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Le Vietnam cette face caché
Et, c'est en effet un récit presque autobiographique que nous livre l'auteur, bien qu'une grande partie des faits évoqués soit fictive. Le trait principal du récit ne laisse cependant pas d'ambigüité.
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l'héroïne, née en France de parents Vietnamiens, part en voyage au Vietnam.
Elle y découvre les multiples tragédies et souffrances, cachées pendant des années par ses parents, de ce pays qu'elle n'a jamais pu vraiment connaître, ni retrouver.
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« L'itinéraire de ce voyage ressemble à une carte postale ; d'un côté on voit que de belles choses, mais quand on la retourne, la réalité s'avère bien différente. »
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Une histoire d'amour
Le déclic, qui a donné un vrai élan à l'ouvrage, fut la rencontre de l'auteur avec un jeune Vietnamien, qui avait fui le régime communiste pour s'installer clandestinement à l'étranger.
Contrairement à la réalité, la rencontre débouche sur une vraie histoire d'amour.
Un amour cependant impossible, entre une jeune fille issue d'une immigration aisée et un « boat people ».
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Mais cet amour est justement pour la fille « le reflet d'un pays qu'elle ne connaît pas » selon Mme Minh.
Elle a donc besoin de cet inconnu qui représente « le seul moyen d'approcher le Vietnam, de déterrer ses mystères. »
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Le sentiment d'isolement que connaît l'héroïne en tant qu'enfant unique, mais aussi par rapport à ses parents, ne fait que rendre le couple encore plus proche.
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Le conte: une passerelle entre le réel et l'imaginaireCette histoire d'amour, qui est au fond plus une création de l'imaginaire qu'un sentiment réel, se voit relayée dans le roman par un conte vietnamien sur... « la princesse et le pêcheur ».
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Celui-ci raconte l'histoire d'une princesse, vivant dans une tour, qui, isolée, écoutait chaque jour un pêcheur chanter au bord de la rivière. Ne l'ayant jamais vu, elle tombe amoureuse de lui ou plutôt du fantasme né de son chant. Tout au long du livre, l'auteur a recours à ce conte et bien d'autres encore, en maintenant ainsi la confusion entre le réel et l'imaginaire.
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"Mono no awari"
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Le conte, tout comme l'histoire vraie, parle ensuite de la disparition du mystérieux jeune homme. L'héroïne ne pourra plus le retrouver.
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L'auteur aborde ainsi un autre sujet, celui de la nostalgie envers les gens, qu'on aimait et qui nous ont brusquement quittés ;
envers des souvenirs d'évènements, d'expériences qui ne reviendront jamais.
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Elle évoque le crédo japonais « mono no awari » - la poignante mélancolie des choses, que l'on ressent lorsque quelqu'un disparaît, que l'on perd de vue.
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Une nouvelle métaphore sur le passé de Mme Minh, qui a « perdu de vue » son pays d'origine. Elle en a gardé des souvenirs mais est parfaitement consciente que ceux-ci ne deviendront plus jamais réalité.
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Journaliste et écrivain, un mariage difficile
En dehors du caractère de l'histoire elle-même, l'écriture n'est pas venue facilement pour une autre raison. « J'ai dû me débarasser de certains réflexes et tics journalistiques. » avoue l'auteur «... abandonner les raccourcis, et se lâcher au niveau du style ; il me fallait décoquiller la plume pour perdre les instincts de journaliste. » Si l'on ajoute à cela les nombreux soupçons de copinage qui accompagnent la publication d'un ouvrage dont l'auteur est journaliste, le résultat final n'était pas du tout évident.
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Le succès...
on peut en avoir parfois assez Mme Minh semble dailleurs déjà un peu épuisée par ce succès inattendu. Elle, qui aimerait bien travailler à un nouveau roman, devant encore assumer la rédaction d'un magazine et d'une chronique, en ne parlant même pas de ses obligations familiales, ne trouve pas le temps.
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« La promotion d'un livre c'est beaucoup de déplacements, rencontres, qui prennent du temps. » avoue-t-elle « Je ne sens pas de disponibilité d'esprit, j'attends donc vraiment les vacances. » -Piotr Czarzasty
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source : Aqui! - Bordeaux,Aquitaine,France - 09/06/2008 Lancé à l'initiative du Conseil Général de la Gironde et du Courrier Français, le Prix Gironde-nouvelles écritures récompense des écrivains francophones sur leur premier ou deuxième roman.
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note :



Mono no aware : la beauté au Japon
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La définition de la beauté au Japon repose sur une définition de la beauté qui va à l’inverse de la notre : au Japon, une fleur n’est belle que lorsqu’elle est menacée de disparition.
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Contrairement à la beauté occidentale qui proclame : « je hais le mouvement qui déplace les lignes » (Baudelaire, Les Fleurs du Mal), la beauté japonaise affirme : « J’aime le mouvement ».
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La beauté au Japon est vivante, mobile, mortelle, par essence.
Les choses immuables, figées et grandioses ne suscitent pas d’émotion au Japon.
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Par contre, les choses éphémères comme les pétales qui tombent en s’éparpillant, provoquent le « Mono no aware ».
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La lumière d’une luciole, un feu d’artifice. Autant de choses éphémères que l’on peut rapprocher de ce mono no aware.
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Exemple d’un poème inspiré par la poignante mélancolie des choses : un haiku, composé au XVIII siècle par la poétesse Koyu-ni.
« Les fleurs tombées Quel silence maintenant Dans le coeur des gens ».
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Une définition du Mono no aware peut être la suivante : " Choses propres à émouvoir ", expression utilisées pour décrire un sentiment donnant liue à une impulsion émotionnelle, et fréquemment utilisé das les arts et la littérature depuis la période Heian.
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Ce sentiment fugitif et diffus peut être partagé par plusieurs personnes à la fois, comprend une certaine part de la mélancolie, de regret non exprimé, en partie dû au sentiment bouddhique de l’impermanence de toutes choses (mujô).
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L’admiration des cerisiers en fleurs (hanami) peut compter parmi les mono no aware.
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De même la contemplation des feuilles rougies des érables (momijigari), la vue de la neige ou des feuilles qui tombent, une journée brumeuse, une fine pluie, la vue d’un navire en partance, d’une personne chère qui disparaît au détour d’un chemin etc.
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Ce sentiment fut exploité avec talent dans le Genji Monogatari de Murasaki Shikibu et plusieurs fois imité par la suite, alors qu’auparavant les poètes n’y faisaient qu’assez rarement allusion.
Voir aussi le Mono no aware dans la littérature japonaise...

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