dimanche 22 juin 2008

Nuruddin Farah : Née de la côte d'Adam

livre de chevet
littérature africaine

Nuruddin Farah, né en 1945, est le seul écrivain somalien reconnu internationalement.
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Réfugié politique depuis 1972, il partage sa vie entre l'Angleterre et l'Afrique du Sud.
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Il s'est fait connaître en France par le roman Née de la côte d'Adam , vibrant plaidoyer pour la défense de la liberté de la femme en Afrique et dans les pays musulmans.
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Ecrit en 1970 déjà, ce roman défend avec vigueur la cause des femmes africaines, apparemment dénuées de tout pouvoir.

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Résumé :
Ebla a fui son campement pour ne pas épouser le vieux mari que son grand-père lui destinait.

Elle rejoint une caravane et se retrouve, à la ville, domestique d'un vague cousin et de son épouse. Illettrée, naïve, elle finit par se marier, et même se marier deux fois.
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Sa confiance en elle, malgré toutes les vicissitudes, font d'elle une héroïne exemplaire et son destin ferait mentir le proverbe somali cité par l'auteur en prologue à ce livre : " Dieu a créé la femme à partir d'une côte courbe ; et quiconque essaie de la redresser la casse "...
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Farah traite avec beaucoup d'humanité et d'humour du thème de l'adultère: Ebla peut bien prendre un second mari lorsque le premier n'est pas là !!!
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Le titre est très significatif: selon la Bible, Eve est née de la côte d'Adam. Elle est issue de l'homme et se doit donc de lui obéir. Son destin est celui d'une branche ployée. Ebla refusera cette position et choisira de se relever...
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On s'émeut, on rit et on partage les interrogations de la jeune Ebla. Ce roman est le récit d'apprentissage d'une jeune fille de la campagne, ignorante et candide, et qui découvre peu à peu les règles de survie pour choisir enfin le chemin de l'émancipation.
Editions Serpents à plumes , collection "Motifs"
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Biographie de l'auteur
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Né en 1945 à Baidhabo, dans ce qui était alors la Somalie italienne, Nuruddin Farah a grandi en Ogaden, province somalie de l'Est éthiopien, avant de partir étudier en Inde au mitan des années 1960.
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De retour au pays, il se signale, dès 1968, comme enseignant à Mogadiscio mais surtout comme le premier romancier de langue anglaise et... de langue somalie.
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Un coup double, rare il est vrai, qui précipitera son exil scellé par la junte militaire de Mohammed Siyad Barre arrivé au pouvoir en 1969.
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Autres titres
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Hier, demain
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Dans ce livre, l'auteur nous donne une image aussi complète que possible de la situation des réfugiés somaliens dans le monde.
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Au début des années 1990, quand la désagrégation de l'Etat somalien se poursuit, l'auteur part à la rencontre des réfugiés, au Kenya, en Italie, en Suisse, en Suède et en Grande-Bretagne.
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Femmes violées, orphelins, patriarches déboussolés...
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Nuruddin Farah rencontre même un "muryaa", un de ces jeunes pillards qui ont mis Mogadiscio à feu et à sang au début de la guerre civile.
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Il ne s'agit pas d'une simple série de portraits, mais d'un livre vivant, d'une réflexion âpre -parfois amère- sur le statut des réfugiés dans les pays occidentaux.
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Une fois encore, dans les portraits qu'il livre des Somaliennes exilées en Italie et en Suède, Farah cherche à montrer que ce sont les femmes qui peuvent faire avancer les choses : elles seules semblent ne pas être résignées, à la différence de leurs frères ou de leurs pères... Voilà également le plus autobiographique des ouvrages de Farah.
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Du lait aigre-doux
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Soyaan, un brillant économiste attaché à la Direction de la planification de la Présidence, meurt mystérieusement, empoisonné. Il est enterré sans autopsie.
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Son frère jumeau, Loyaan, un paisible dentiste sans convictions politiques, décide de mener une enquête à l'issue de laquelle il découvrira la nature véritable d'un régime de terreur.
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« Du lait aigre-doux [...] est un vrai roman, envoûté, lyrique, visionnaire, avec un suspens digne de John Le Carré.
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Parce qu'elle a de vraies ambitions littéraires, l'oeuvre de Nurudd Farah survivra aux horreurs qu'elle dénonce
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Une aiguille nue
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De Dieu ! ! Mogadiscio, pense Koschin, l'abattoir devenu ville.
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Oeil-bridé venu d'Orient, attiré par l'encens et la myrrhe, a tracé sa route dans ce qui était alors le Puntland.
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Cul-gras, et c'est peu dire, a marchandé avec les chefs de tribus et les chefs de clans et s'est installé pendant plus d'un demi-siècle, garantissant le maintien de la paix entre les clans.
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Avant eux, avant l'arrivée d'œil-bridé et Cul-gras à Mogadiscio il y a eu les Mangeurs d'oignons-huileux.
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Sans oublier bien sûr Beau-salaud qui a fouetté des indigènes par centaines, racontant (pour que le monde entier le sache) que s'il partait, il ne resterait rien à personne, qu'ils se boufferaient entre eux.
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Puis Servile-minable s'est approché par un autre biais (ils sont bien plus à moi qu'à vous), a falsifié l'Histoire, et s'est fait un nom en tant que géniteur des meilleurs Métis Chocolats de Négroland.
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Dons
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Echapper au don, ne plus recevoir, c'est ce que désire plus que tout Duniya.
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À l'image de son pays, la Somalie, prisonnière de l'aide humanitaire, elle veut fuir ces dons intéressés qui font de celui qui reçoit l'obligé de celui qui donne, la femme appartenant aux offres des hommes, les pays du Sud aux surplus offerts par les pays du Nord.
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Faisant jaillir de ce seul mot de " don " tous ses sens et tous ses pouvoirs, le merveilleux écrivain qu'est Nuruddin Farah, enchante autant le lecteur qu'il lui pose de questions.


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Sésame ferme-toi

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Un vieil homme se prépare à mourir.

Comme les Anciens, il croit qu'une existence prend tout son sens dans la mort qui l'achève.

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Ainsi, musulman pieux, s'apprête-t-il à quitter ce monde en méditant sur son parcours. De tout temps, sa vie a été étroitement liée aux bouleversements subis par son pays : la Somalie.

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Libération et recolonisation, indépendance et ballottement sur l'échiquier de la guerre froide, à travers ses remémorations c'est une tranche d'histoire qui se raconte, marquée par l'arbitraire, la répression, la profanation des libertés et de la dignité.

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C'est cette dignité que le vieillard tient surtout à garder dans la mort.

Mais alors qu'il tente de se détacher de ce monde pour se rapprocher de sa femme qui l'a précédé dans l'au-delà, l'histoire refait irruption dans sa vie.

La dictature du Général, qui a déjà meurtri sa famille, s'apprête à frapper à nouveau.

Pour aller au bout de ses convictions, le vieillard doit s'assigner une ultime tâche.

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Extrait :
Il était resté là, sans âme,dans un linceul de sang
Peu avant la tombée de la nuit, après une journée consacrée à la prière, aux délibérations avec l’orientation divine, Deeriye se leva, alla dans le bureau de Mursal, ouvrit un tiroir, en tira le revolver d’ordonnance et le cacha dans sa poche en disant qu’il allait sortir pour une promenade.

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Zeinab lui offrit de l’accompagner. Il l’assura qu’il ne craignait pas Yassin qu’ils pouvaient voir debout en face d’eux, et il était convaincu que d’aller seul lui ferait beaucoup de bien. Il ne dit à personne ce qu’il se proposait de faire; Nadiifa serait la seule à partager son secret, Nadiifa que le mal ne pouvait plus atteindre, Nadiifa: la récompense qu’il allait obtenir par le martyre, sous la forme de la réunion avec elle

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Une fois dehors, les doigts de sa main droite occupés à compter sur son chapelet les échelons qui finiraient par le mener au palais céleste et à son rendez-vous avec Nadiifa, et, d’après le temps et la logique des choses, à une rencontre avec Mursal, Mukhtaar, Soyaan et les autres.

La brise du soir soufflait autour de lui. Il marchait tout droit, sans regarder en arrière ni de côté, la main droite serrée sur les grains pendant que la gauche s’accrochait au renflement du revolver. Il se demanda s’il serait fouillé avant d’être admis dans la pièce où le Général l’attendait.

Pour une raison ou pour une autre, il était sûr d’arriver jusqu’au Général sans le moindre obstacle; et qu’il le tuerait. Nadiifa l’aurait prévenu de l’imminence d’un danger. Et puisqu’elle ne l’avait pas fait – alors? Il tourna à gauche, il tourna à droite, il était certain d’être à l’heure au rendez-vous.

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Puis il lui vint une pensée soudaine, alors qu’il marchait sans regarder s’il était suivi. La pensée le garda en otage pendant longtemps. Elle le fit ralentir un peu, et moins d’une minute plus tard, il se disait à haute voix à lui-même, d’une voix pas très différente de celle de Khaliif :

Toute notre vie, mortels que nous sommes, nous donnons de faux noms aux choses et aux objets, nous produisons de fausses définitions, de fausses descriptions des maladies et nous employons improprement les métaphores. Tiens, ce ne sont pas mes poumons: c’est ma face!

Tiens, voilà qui évoque l’idée de «perdre la face», «perdre sa réputation», et rien de plus! Tiens, cela n’évoque pas la perte de la foi, la perte spirituelle, la famine spirituelle qui vous enveloppe – depuis l’instant précis où les têtes de bétail ont roulé par centaines. Or je n’ai pas perdu la face: j’ai perdu la foi, oui, la foi en mes propres capacités, la foi en mon peuple.

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Si on peut perdre la face, on peut la retrouver; on peut étoffer une réputation, comme on peut retoucher un nouveau tirage photographique et y ajouter une ligne, y enlever une ride.

— Nadiifa, se disait-il maintenant en silence, parlait de mes poumons comme de mon âme: elle ne parlait pas de mes poumons comme s’ils étaient ma face. Ce qui veut peut-être dire qu’elle croit que mon âme se débat, s’est débattue, pour se libérer et rejoindre son Créateur, depuis le jour où les Italiens ont fait rouler les têtes du bétail. Pourquoi cela ne m’est-il jamais venu à l’esprit?

Dans mes poumons il y a mon âme, luttant pour se délivrer de ce corps afin qu’elle puisse rejoindre celle de Nadiifa, et se préparer en vue de l’appel du nom des pieux, quand ces âmes ne feront qu’un avec leur Créateur.

Pour finir, il s’arrêta devant une porte. Il n’y avait pas un mouvement dans la rue.

La nuit était tombée, sombre mais étoilée, avec des pans nuageux qui faisaient un peu l’effet de portes de sorties dans le ciel.Il était debout devant la porte fermée, et il regarda vers le haut, vers les ouvertures dans les cieux, se demandant si son âme, lorsqu’elle se séparerait de son corps, entrerait par une de celles-ci.

Il mit son rosaire dans la poche où avait été le revolver et dit une brève mais minutieuse prière. Il se sentait léger, comme si la plus petite agitation de l’air pouvait à tout moment l’emporter au loin. Mais il ne se sentait pas tendu.

Sa poitrine ne se contractait pas, ses poumons, apparemment, n’allaient pas exploser; il n’y avait pas de crainte à avoir de ce côté-là. Si sa tentative échouait, les gens diraient qu’il était devenu fou, se dit-il alors qu’il se disposait à appuyer sur la sonnette, et s’il réussissait il en deviendrait un héros.Et il enfonça le bouton de la sonnette.

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Personne ne put rendre compte des mouvements de Deeriye pendant trois jours entiers. Et il fallut la majeure partie du quatrième jour pour faire concorder des histoires parsemées de lacunes que personne ne pouvait remplir.

Etait-ce lui, ce vieil homme tout en blanc (comme s’il avait été paré du linceul de l’Archange Azraail) qu’on avait vu trois soirs plus tôt s’éloigner à la hâte d’une maison dans laquelle une sonnette avait retenti, et où la sonnerie avait déclenché une série d’explosions

– une maison dans laquelle une douzaine d’hommes et de femmes dont on pensait qu’ils complotaient le renversement du régime du Général, avaient trouvé une mort violente? L’avait-on vu en compagnie de Khaliif

– étaient-ils ces deux hommes âgés dont on avait surpris la conversation, tellement dénuée de grammaire qu’elle en était incompréhensible pour les sains d’esprit? Deeriye avait-il fait une retraite, consacrant deux jours à la prière, cherchant à obtenir une orientation divine? Avait-il passé un jour ou deux à apprendre à marcher au pas sous la direction d’un sergent instructeur, et à presser avec une certaine marge d’efficacité la détente d’un revolver?

Dans quel trou noir de mystère avait-il disparu entre le moment où il avait été vu avec Khaliif et celui où il avait fait sa réapparition revêtu d’un uniforme de l’armée, défilant en cadence avec d’autres soldats – et, se tenant au garde-à-vous devant le Général qui décernait des médailles à des héros du pays, brandissant par erreur les grains d’un chapelet en guise de revolver pour abattre le Général? (Une autre version racontait comment le chapelet, tel un boa constricteur, s’était entortillé lui-même autour du museau du revolver – et que Deeriye n’avait pu le dégager à temps.)

Il avait été une cible facile, maintenant qu’il avait manqué la sienne. Et les gardes du corps du Général avaient vidé sur lui des chargeurs de fusils-mitrailleurs jusqu’au point où son corps avait presque été coupé en deux.

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En fouillant son corps, ils avaient trouvé ce qui suit: un exemplaire en lambeaux de la sourate Ya-sin, des notes sur la «Mort de Corfield» du Sayyid, un pamphlet sur les activités clandestines de l’anc, la photographie de Nadiifa, la carte d’identité de Deeriye lui-même, quelques inhalateurs pour prévenir une attaque d’asthme, et un revolver d’ordonnance.

Son corps, disait-on, était resté étendu, gauchement étalé précisément là où il était tombé (un journaliste en avait pris une photographie.)

Il était resté là, sans âme, dans un linceul de sang, grouillant d’insectes tropicaux, il était resté là jusqu’à ce que la cérémonie de remise des médailles ait pris fin et que l’entourage du Général ait quitté les lieux. Deeriye aurait été le premier à goûter l’ironie ici, se dit Zeinab pendant qu’elle triait ses possessions et celles de Mursal avant l’inévitable descente de la Sécurité. Si seulement il avait sorti son revolver à temps, se dit-elle, si seulement…!

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Mais peut-être avait-il été impatient de… mourir; peut-être avait-il impatiemment attendu d’être pour toujours avec Nadiifa, de n’être jamais plus séparé de son âme sœur; peut-être était-ce là sa façon de dire adieu à une vie débordante d’ironies.

Son épitaphe: «Ci-gît mort un héros dont la vision et la foi en l’Afrique demeurèrent inentamées,» se dit Zeinab en elle-même, sans verser une seule larme.Son corps allait-il lui être remis pour l’enterrement? se demanda-t-elle, lorsqu’elle tressaillit en entendant maintenant Natacha et Samawade crier l’un contre l’autre dans une autre pièce.

Le cadavre de Mursal allait-il également être rendu, afin qu’elle puisse les faire enterrer côte à côte dans la même tombe – en sorte qu’ils puissent poursuivre à l’infini le dialogue qu’ils avaient commencé? Au moins, pensa-t-elle en levant les yeux et en voyant Natacha et Samawade sangloter en chœur sur le seuil, au moins ni l’un ni l’autre n’est mort d’une mort anonyme – et ça, c’était héroïque.

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Sardines

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Après Du lait aigre-doux, voici le second volet des Variations sur le thème d'une dictature africaine dans lequel Nuruddin Farah choisit de mettre en scène la dure condition des femmes en Somalie.

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À travers ses héroïnes, dont l'image restera longtemps gravée dans nos mémoires, ce sont les rapports familiaux, le poids de l'Islam et le fonctionnement de la société somalienne traditionnelle que Nuruddin Farah nous donne à comprendre.

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Une société dont il dit lui-même qu'elle permet la dictature parce qu'elle est dictatoriale dans la famille et dans le clan.

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Salué par Doris Lessing et Nadine Gordimer, Nuruddin Farah est considéré par Salman Rushdie comme « un des plus grands romanciers africains ».
« Ses livres restent enracinés dans cette Somalie qu'il a dû fuir. Mais son art du récit, exigeant, intime, fait de lui un écrivain universel. » Irène Berelovitch, Télérama

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Secrets

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Sommeil du mimosa Dans Alger, sur fond sonore de lâchers de rafales, de cris, d'ordres policiers et de menace permanentes, un homme comme tant d'autres s'efforce de vivre et d'aimer, avec une pudeur qui dément la rage de la guerre.

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Sonate des loups La guerre ne cesse pas et, de deuil en deuil, use l'homme.

Bientôt il ne s'agira que de s'enfermer chez soi en guettant les bruits dans l'escalier, ou de fuir.

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Tiraillé entre la peur et l'attachement à sa dignité, passant de l'un à l'autre, le narrateur brosse le tableau d'un monde peu à peu abandonné aux morts et à leurs assassins.

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Conçus comme un diptyque, ces courts romans, poignants, se font écho pour révéler la réalité des affrontements qui endeuillent l'Algérie.

Un langage poétique se mêle à un ton très charnel, comme tentant à la fois de s'élancer au-dessus de la réalité vécue et de reprendre prise sur elle

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Territoires

Nuruddin Farah est un écrivain nomade. Mais c'est de la singularité de ses terres somalies qu'il tire des leçons et des vérités universelles.

Les éditions Le Serpent à plumes, toujours sur la brèche pour défendre et illustrer la diversité de la création littéraire africaine contemporaine, éditent en format de poche le roman Territoires, de l'écrivain somalien Nuruddin Farah, premier volet d'une trilogie qui se poursuit ensuite en deux volumes : Dons et Secrets. La traduction de l'anglais a été assurée, et réussie, par Jacqueline Bardolph.

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Toute histoire humaine est d'abord une histoire de terres, de racines, de périmètres familiers soigneusement arpentés pour y camper son existence. D'où l'importance primordiale de l'expérience de l'arrachement, de l'exil, celui surtout qu'impose la guerre, l'absurde déchirement des hommes qui ne cesse de se dénouer et de se renouer, dans la Corne de l'Afrique, et à nouveau aujourd'hui entre Ethiopie et Erythrée.

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Le pays natal de Nurrudin Farah est l'Ogaden, et c'était la Somalie, avant que l'Ethiopie ne le lui enlève : réfugié à Mogadiscio, il devra là encore s'en éloigner, après l'indépendance. C'est donc en écrivain nomade roulant à travers l'Afrique qu'il a construit toute son œuvre, avec comme principaux ports d'attache le Nigeria, d'où sa femme est originaire, et l'Afrique du Sud, où elle enseigne. Mais toute son œuvre parle de la Somalie, et donc de ce seuil redoublé des territoires de l'enfance.

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Et c'est dans l'intimité de ce lieu unique où s'ancre son écriture que l'auteur tire, paradoxalement, des leçons qui valent pour tous les hommes et toutes les terres. "Cet enracinement donne du sens, et peut-être, une certaine universalité à mon écriture. Je suis aussi un Africain, un musulman, un cosmopolite et un exilé. " Enfin, et surtout, un exilé.

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Le regard du conteur est chargé de poésie et cela peut le faire paraître détaché : pourtant chaque mot est porteur de son lot d'interrogations irrésolues. Les attitudes des hommes, d'abord, guidées par la bêtise, les bas instincts, la volonté d'imposer leur pouvoir ou le plaisir de l'exercer. Comment se fier à eux ? La place des femmes, battues, ou marginales, peu enviables dans une société qui les défavorise. La valeur de l'enfance, enfin, qui se joue des frontières sociales et des limites politiques, de toute sa juste et sereine inconscience.

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Tout cela permet à Nurrudin Farah de dire avant toute chose, sans hésitation, mais sans hausser le ton, toutes ses révoltes. La force de son écriture est dans une forme de colère calme qui prend le masque de l'incompréhension et a la délicatesse de cacher le scandale sous l'étonnement. La condamnation en est d'autant plus forte, et de page en page le lecteur se retrouve plus proche des deux héros principaux, l'enfant Askar, narrateur, orphelin, et la femme qui l'élève et le protège, autant qu'elle le peut, Misra.

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En obligeant chacun à voir ce monde absurde et déglingué par leurs yeux, peut-être le roman contribuera-t-il à ouvrir ceux des hommes qui, du Nord au Sud de la Corne de l'Afrique, s'évertuent à défaire régulièrement l'ouvrage patiemment retissé par les enfants, les femmes et quelques marginaux de la paix et de la fraternité humaine. Afrik.com

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Articles de presse :
http://www.republique-des-lettres.fr/815-nuruddin-farah.php
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http://www.africultures.com/index.asp?menu=revue_affiche_article&no=1031
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http://nfrance.com/~eq10357/P10_magazine/11_litterature/11021_nuruddinfarah.html
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http://www.cafebabel.com/fre/article/20976/nuruddin-farah-la-guerre-est-une-autodestruction.html
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Note :

Commencé ce matin... l'écriture me semble belle...

Juste une petite recherche pour avoir un portrait de cet écrivain. Quelques autres titres me semblent aussi tentant. A suivre...




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