mardi 17 juin 2008

Fred Vargas et le commissaire Adamsberg

Fred Vargas née à Paris en 1957
Interpréter les traces, c'est la marque de fabrique de la romancière Fred Vargas.
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Archéo-zoologue de profession, elle aime partir d'une empreinte, d'un morceau d'os, d'un détail pour raconter une histoire.
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Le «rom'pol'» pour elle, c'est une manière de quitter l'austérité du travail pour respirer ailleurs.
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Le point de départ de ses romans policiers, c'est l'envie de «se raconter une histoire», d'échapper à son quotidien en perpétuant «la tradition des contes et des légendes», explique-t-elle, «des livres fondés sur l'inconscient collectif».
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*On n'est finalement jamais loin du conte de fées pour adultes, tel que Bruno Bettelheim l'expliquait dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées.
A ceci près qu'il s'agit de jouer avec la vie et la mort plus qu'avec le gendarme et le voleur.
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Contrairement à la plupart des auteurs de polars français, Fred Vargas ne développe pas la critique sociale dans ses livres, pas plus que l'engagement politique qu'elle pratique ailleurs, dans la «vraie vie».
Ceci explique ses thèmes de prédilection, intemporels: la peste, le loup-garou, les ossements...
*Ses personnages,
comme le commissaire Adamsberg, cultivent la lenteur, la rêverie. Sa nonchalance donne ainsi le rythme du récit, très loin de la nervosité du thriller, de la tension d'une énigme à résoudre absolument.
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L'écriture,
souvent poétique, minutieuse, découle de tous ces éléments et tranche avec le mode polar qui taille dans le vif.
Elle choisit le cheminement du marcheur patient. Fred Vargas y ajoute un sens de l'humour, une fantaisie inattendue, une volonté de «finir bien» qui déroute au milieu d'un monde souvent très sombre, voire labyrinthique.
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A lire: (Son prochain roman est annoncé pour le 25 juin chez Viviane Hamy). C.F.
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*Biographie chez l’éditeur :
Fred Vargas est née à Paris en 1957.
Fred est le diminutif de Frédérique.
Vargas est son nom de plume pour les romans policiers.
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Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques.
Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire.
Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge.
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Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître.
Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque.
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« Fred Vargas a inventé un genre romanesque qui n’appartient qu’à elle : le Rompol. Objet essentiellement poétique, il n’est pas noir mais nocturne, c’est-à-dire qu’il plonge le lecteur dans le monde onirique de ces nuits d’enfance où l’on joue à se faire peur, mais de façon ô combien grave et sérieuse, car le pouvoir donné à l’imaginaire libéré est total.
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C’est cette liberté de ton, cette capacité à retrouver la grâce fragile de nos émotions primordiales, cette alchimie verbale qui secoue la pesanteur du réel, qui sont la marque d’une romancière à la voix unique dans le polar d’aujourd’hui.
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Les personnages qui peuplent ses livres sont aussi anarchistes et lunaires que savants. Qu’ils soient férus d’Antiquité ou océanographes, le regard qu’ils posent sur le monde combat le conformisme et l’ordre établi avec pour arme la fantaisie et l’humour. »- Jeanne Guyon, Le Magazine Littéraire
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quelques livres :
CEUX QUI VONT MOURIR TE SALUENT
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Claude, Tibère, Néron, qui sont trois étudiants, les trois « empereurs », promènent leur nonchalance inquiète dans les rues de Rome.
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Des dessins de Michel-Ange ont été volés à la Bibliothèque vaticane ! Henri Valhubert, le grand expert d'art parisien et père de Claude, est assassiné un soir de fête devant le palais Farnèse.
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Que venait-il faire à Rome et comment a-t-il pu boire de la ciguë ?
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Petite précision historique du titre du livre :
« Ave Caesar morituri te salutant » soit
« Salut César, ceux qui vont mourir, te saluent »
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Paroles que, selon Suétone, les gladiateurs romains prononçaient quand ils défilaient, avant le combat, devant la loge impériale.
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Ce troisième roman de Fred Vargas sort des sentiers battus. Sous une plume raffinée, elle met en scène des personnages attachants bien que décalés dans le temps.
Nos empereurs, une triangulaire dont elle aime utiliser la complémentarité et que l’on retrouve dans d’autres romans sous diverses formes, sont imprévisibles, surprenants et somme toute séduisants.
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Note :
Enfin du polar français au féminin qui nous sort des thrillers où psychopathes et tueurs en série volent le haut de l’affiche !
Voilà un roman intelligent, qui nous promène dans les vieilles rues pavées de Rome et qui nous fait découvrir la bibliothèque du Vatican.
Cette intrigue remarquablement construite est d'une lecture aisée, qui nous rend un peu plus érudits.
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Danglard connaissait assez le commissaire pour comprendre, à la variation d'intensité de son visage, que quelque chose d'intéressant s'était produit ce matin. Mais il se méfiait.
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Adamsberg et lui avaient des conceptions très éloignées de ce qu'on appelle un « truc intéressant ».
Ainsi, le commissaire trouvait assez intéressant de ne rien faire, alors que Danglard trouvait cela mortellement paniquant.
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Le lieutenant jeta un coup d'œil soupçonneux à la feuille de papier blanc qui voletait entre les mains d'Adamsberg.
À vrai dire, il s'était accoutumé à cet homme, tout en s'irritant d'un comportement inconciliable avec sa propre manière d'exister.
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Adamsberg se fiait à l'instinct et croyait aux forces de l'humanité, Danglard se fiait à la réflexion et croyait aux forces du vin blanc.
*Ce recueil de trois nouvelles met en scène le cher commissaire Adamsberg. Au cœur de l’été, il est aux prises avec un vieil huluberlu, qui s’installe, tous les matins, sur un banc devant le commissariat et qui n’en bouge pas avant 17 heures.
Qui apporte son lampadaire, ses biscuits, et observe la vie du commissariat.
Ce ne serait pas grave si, parallèlement, des lettres anonymes, par lesquelles l'expéditeur s'accuse d'un crime, n'atterrissaient pas régulièrement sur le bureau d'Adamsberg, qui, la nuit de Noël, « la nuit des brutes », s'était pris d'amitié pour un vendeur de vieilles éponges, témoin d'un crime malgré lui.
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Note :
Du Fred Vargas tout craché : des personnages extraordinaires et attachants, un commissaire mal fringué et intuitif, une société qu’on ne changera pas, sauf par la bande, et un amour immodéré et sans illusions de l’humanité.
Petit bémol tout de même : la dernière nouvelle m’a donné l’impression d’être ajoutée afin de faire du volume…
Ce recueil est présenté comme le dernier Vargas alors qu’en fait, ce sont des nouvelles déjà parues antérieurement et rassemblées pour cette édition.
Petite déception donc, mais Fred Vargas, c’est comme le bon vin : elle s’améliore en vieillissant !
CRITIQUE DE L'ANXIÉTÉ PURE
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[...] Autant éclaircir ce point dès maintenant : le Tracas vit sur l'homme, et il se reproduit sur lui.
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J'en connais d'aucuns qui conçurent l'idée de déposer leurs tracas sur une bête de somme, un âne, un bœuf.
Cette technique fonctionne bien pour les farines, les raisins et les olives, en aucun cas pour les tracas qui ont tôt fait de se rabattre en hâte sur leur hâte légitime, l'Homme, auquel ils sont névrotiquement attachés. Avouons que ce n'est pas de veine.
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Je crois bon d'indiquer ici que l'origine du Tracas est très ancienne.
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De magnifiques échantillons, englués dans l'ambre fossile en compagnie des moustiques, ont pu être datés de quatre millions d'années.
C'est ainsi que la genèse des tracas, leur évolution darwinienne, leur portage, leur maniabilité, constituent une thématique carrément fascinante.
Et que vous aimeriez que je développe plus avant. Mais non.
Car ce n'est là qu'une approche timorée, une dissertation d'intellectuel dont je m'éloignai pour un but nettement plus audacieux : organiser la révolte, faire exploser le balluchon des tracas, l'anéantir, le réduire en cendres, le pulvériser, le fracasser, planter sa tête au bout d'une pique. Exactement. "
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Fred Vargas continue, rompol après rompol (rom-an pol-icier) à s’éloigner du polar classique.
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Ce dixième roman est certainement le plus étrange, le plus improbable et le plus attirant.
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Dans les enquêtes d’Adamsberg, son flic fétiche au profil singulier qui lui permet de prendre toutes les tangentes rêveuses, rien ne se passe comme prévu car il travaille en dehors de toute logique.
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Dans les bois éternels, pas moins de huit assassinats, trois tentatives de meurtre et deux exhumations l’attendent.
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Adamsberg, c’est tout un poème et tout le charme des romans de Fred Vargas.
Le fin fond de sa tête est si compliqué qu’il s’y perd la nuit, et parfois le jour.
Il a une voix lente, douce et souple, tiède et mouvante.
Un regard flou, des gestes ralentis. C’est un libre-penseur qui marche, jamais effleuré de superstition.
Un excellent passeur d’obstacles, se faufilant au cœur des résistances des autres avec la puissance perfide d’un filet d’eau.
Il aurait fait un formidable curé, accoucheur, purgeur d’âmes et il nous régale.
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Il est entouré de ces personnages tout aussi décalés que l’on retrouve avec plaisir, tel Danglard qui évolue avec lui dans un rapport dépouillé de pudeur et de précautions, qui travaille l’élégance, la maîtrise de soi assortie d’un certain culte du dérisoire.
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Fred Vargas fait appel aux souvenirs des êtres qui hantent ses précédents romans.
On retrouve donc la mouche qui volette de page en page, la brebis George Sand de L’Homme à l’envers et Camille qui chamboule toujours le coeur de ce fameux pelleteur de nuages, Sous les vents de Neptune.
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L’originalité de cet ouvrage vient de sa construction placée encore sous le signe de la mythologie et des légendes mais où la tragédie racinienne réveille les vieilles rivalités théâtrales, à l’image de celles de Corneille dans les temps anciens.
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Le lieutenant Veyrenc, nouveau venu dans la brigade pour régler d’anciens comptes remontant à l’enfance béarnaise d’Adamsberg, déclame des alexandrins à longueur de journée.
C’est de famille, comme tout ce qui est curieux.
Ce héros racinien est pris dans les tempêtes de la haine et de l’ambition, organisant l’entrée en scène de la mort des autres et l’arrivée de son propre couronnement.
Veyrenc, un sceptique, une force indélogeable lovée dans une matière compacte.
Il y a Noël aussi, un gars brutal qui ne trouve personne à son goût.
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Ariane, la médecin légiste, reine de la théorie de la dissociation, à laquelle il s’était opposé quelques vingt-cinq ans auparavant et qui est chargée de dérouler le fil de l’intrigue.
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Le fils de Camille et d’Adamsberg aussi, qui permet de dévoiler une tendresse paternelle pleine de déviations et d’échappatoires oniriques.
Puis les autres personnages, dits secondaires, tiennent bien leur place, équilibrant ainsi une pièce à suspense extravagante très aboutie.
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L’audacieuse et originale Vargas se distingue encore dans le « noir » avec une histoire en clair obscur.
Elle ravira les rêveurs, les philosophes, les patients qui écouteront d’une oreille heureusement légère ses anticonformistes érudits voguant entre digressions et fausses pistes, dérapages et saugrenu.
À l’image des philosophes chinois, lunaires et curieux, elle emprunte les chemins de traverse, flâne et contourne. Jouant avec les symboles, elle atteint son but à chaque fois : elle enthousiasme ses lecteurs.
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Dans la littérature policière française très balisée, elle ose prendre la poudre d’escampette et le chemin des écoliers, éclairant d’un regard avisé et humoristique la vie sous tous ses angles carrés.
Le destin rattrape ses personnages habités de haine vengeresse, de guerre, de trahison et de trépas.
Elle ne court pas pour autant après le vent mais dégage et révèle, livre après livre, les filets de lumière qui émergent des trous les plus noirs.
Comme dans la vie, « -ça se tient mais il arrive souvent que le mensonge tienne debout, et pas la vérité. »
Attention à la contagion, Vargas, c’est un plaisir tenace qui ne vous lâche pas.
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Un matin, la cantatrice Sophia Siméonidis découvre, dans son jardin, un arbre qu’elle ne connaît pas. Un hêtre. Qui l’a planté là ?
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Pourquoi ? Pierre, son mari n’en n’a que faire. *
Mais la cantatrice, elle, s’inquiète, en perd le sommeil, finit par demander à ses voisins, trois jeunes types un peu déjantés, de creuser sous l’arbre, pour voir si…
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Quelques semaines plus tard, Sophia disparaît tandis qu’on découvre un cadavre calciné. Est-ce le sien ?
*La police enquête. Les voisins aussi. Sophia, ils l’aimaient bien. L’étrange apparition du hêtre n’en devient que plus énigmatique.
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Le quatuor composé de trois historiens, Marc, médiéviste, Mathias, préhistorien, Lucien, spécialiste de la Grande Guerre, et enfin Vandoosler, un ancien flic au passé peu glorieux, revient en scène après Ceux qui vont mourir te saluent.
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Fred Vargas, installe Vandoosler et ses trois évangélistes dans cette fameuse baraque pourrie qui sera le siège de bien des réflexions et méditations.
L’auteur en profite pour camper la découverte de cette maison mais aussi pour décrire les circonstances de l’association ses quatre personnages azimutés, héros de plusieurs de ses romans.
Le ton est donné sur un fond de Nouveau testament tourné en dérision par une grande dame qui a le don de trouver des phrases qui font mouche : « Rien de tel qu'un support véridique pour y suspendre un mensonge. »
*Prix Duncan Lawrie Dagger 2006, prix du meilleur roman policier étranger paru en Grande-Bretagne.
L'HOMME À L'ENVERS
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Réintroduire des loups dans le Mercantour, c’était une belle idée.
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Évidemment, on n’a pas tenu compte de l’opinion des bergers et, quelques mois plus tard, la révolte gronde.
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Le mardi, il y eut quatre brebis égorgées à Ventebrune, dans les Alpes.
Et le jeudi, neuf à Pierrefort.
Mais est-ce bien un loup qui tue les brebis autour de Saint-Victor ?
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Les superstitions ressurgissent, un bruit se propage : ce n’est pas une bête, c’est un homme, un loup-garou.
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Lorsque Suzanne est retrouvée égorgée, la rumeur devient certitude : les loups n’agressent pas les hommes.
À Paris, devant sa télé, le commissaire Adamsberg guette les nouvelles de la Bête du Mercantour, d’autant plus intrigué qu’il a cru reconnaître Camille sur la place de Saint-Victor... Il ferme les yeux.
Son enfance pyrénéenne, la voix des vieux… « Comme des tisons, mon gars, comme des tisons ça fait, les yeux du loup, la nuit. »
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Road movie picaresque, L'Homme à l'envers offre une galerie de portraits inimitables : la jeune Camille, dont le livre de chevet est le catalogue de l'outillage professionnel, Lawrence le trappeur de grizzlis à la communication économe, Soliman l’Africain aux répliques châtiées, le Veilleux et sa patte folle…
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L'Homme à l'envers, ou l’art du décalage, nous comble de dialogues à l’humour ravageur : « Alors, ne réfléchis pas. Agis. L’audace est le luxe des esprits forts ».
Nous revoilà en prise avec la fameuse légende du loup du Gévaudan avec cette fois-ci une interprétation singulière et originale.
Fred Vargas alterne ainsi les moments graves avec des épisodes d'une intense drôlerie.
*L'Homme à l'envers a été salué par le prix Mystère de la critique et a obtenu le Grand Prix du Roman noir de Cognac 2000.
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« Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors? » Ça amuse les Parisiens.
Depuis quatre mois, cette phrase accompagne les cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de la ville; au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu: trombone, bougie, pince à épiler, yaourt, patte de pigeon...
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Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent. Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas.
Ces cercles et leur contenu hétéroclite « suintent » la cruauté.
Il le sait, il le sent: bientôt, de l'anodin saugrenu on passera au tragique.
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"Adamsberg, sachez-le bien, n’attaque pas, mais il vous transforme, il vous contourne, il revient par-derrière, il désamorce et tout compte fait il vous désarme."
Fred Vargas met en scène pour la première fois Jean-Baptiste Adamsberg, un commissaire poétique sorti d’on ne sait où, intuitif désordonné, qui bosse sans structures ni paperasses, dessine tout le temps, et fonctionne au feeling.
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On apprend longuement à le connaître, trop longuement peut-être, sûrement pour nous préparer à la longue liste des enquêtes qu’il va mener ensuite.
Cette intrigue de l’homme aux cercles présente quelques similitudes à celle du grand 4 inversé de Pars vite et reviens tard.
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Note :
Pas forcément le meilleur de Fred Vargas qui d’ailleurs considère que son meilleur roman est toujours le dernier écrit. Et comme celui-ci est son premier, je ne saurais lui donner tort.
*L'Homme aux cercles bleus obtint le Prix du festival de Saint-Nazaire 1992.
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On l'a peint soigneusement sur les treize portes d'un immeuble, dans le 18e arrondissement de Paris : un grand 4 noir, inversé, à la base élargie.
En dessous, trois lettres : CLT.
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Le commissaire Adamsberg les photographie, et s’interroge : simple graffiti ou menace ?
A l'autre bout de la ville, Joss, l'ancien marin breton devenu crieur de nouvelles est perplexe.
Depuis trois semaines, une main glisse, à la nuit, d'incompréhensibles missives dans sa boîte à messages. Un amuseur ? Un cinglé ?
Son ancêtre murmure à son oreille : « Fais gaffe à toi, Joss. Il n'y a pas que du beau dans la tête de l'homme. »
*
Prêt pour une plongée savante dans l’aboutissement d’une psychose ?
Glissant avec volupté de l’Histoire de la peste à une réelle panique engendrée par des rumeurs, Fred Vargas nous entraîne une nouvelle fois dans une intrigue intelligente en mariant des personnages singuliers et des seconds rôles hauts en couleur.
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Vous retrouverez avec plaisir le commissaire Adamsberg et Camille (L’Homme à l’envers) ou encore Marc ( un des évangélistes de Debout les morts et de Sans feu ni lieu).
*
Fred Vargas, connue pour son style enthousiaste et ses aphorismes, continue à souligner les pires instincts de la bêtise humaine.
Tout en nous faisant palpiter jusqu’à la dernière page sur une enquête plus que délicate, elle nous décrit un univers à la lisière du vrai-semblable (sic).
Voici un roman semé de clins d'œil, plein d'humour, de dialogues dignes de ses meilleurs « rompols » !
Avec huit romans publiés en quinze ans, Fred Vargas s’est imposée comme une excellente romancière.
Ce roman a reçu le 48e Prix des libraires.
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" [...] par son humble épaisseur, le traité bienfaisant peut tenir dans toutes les poches et se glisser, discret, puissant et délassant, dans la ceinture du pantalon, la manche du sari, la robe du Bédouin.
*
Au moindre doute surgissant inopinément sur l'existence, il est là, à portée de la main reconnaissante.
*
En un prompt regard, le problème se voit résolu. [...]
Car il ne s'agit pas ici de vous fourguer un texte abscons sans queue ni tête qui se déviderait pêle-mêle au gré de la fantaisie de l'auteur.
Ce serait là un manque de charité et de bon sens contraire à l'objectif de cet opus : structure, clarté, concision et résolutions, tel doit être un bon traité des vérités de la vie. "
*
C'est le livre d'une rencontre entre deux univers : le roman et la bande dessinée.
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Entre deux auteurs, surtout. D'un côté, Fred Vargas, une femme qui écrit des polars. De l'autre, Edmond Baudoin, un créateur de bandes dessinées résolument à part.
*
Fred Vargas lui a écrit un scénario. Baudoin l'a mis en images.
Avec son trait si léger, qui sait capter comme personne l'âme de ses personnages et la faire passer à travers un regard.
Parfois, il s'est contenté d'illustrer le texte.
Sur d'autres pages, c'est le dessin qui emporte le regard, tandis que les mots, calligraphiés, se font oublier avec modestie...
*
Et l'histoire ?
Pour simplifier, c'est un polar.
Avec tous ses ingrédients : meurtre, enquête, suspect inquiétant.
Un commissaire, aussi : le fameux Adamsberg, tout droit sorti des bouquins de Vargas.
*
Mais c'est surtout un récit d'humanité, peuplé de personnages accrochés à leur différence.
Une différence qui peut prendre la forme d'une sculpture du Bernin, reconstruite avec des capsules et des canettes de bière...
*
Quatrième de couverture
Toujours campé sur Ses rollers, le jeune Grégoire Braban et son ami Vincent s'adonnent avec plus ou moins de bonheur au vol à la tire. Ce jour-là, à Saint-Michel. ils arrachent la sacoche d'un vieux. Trente mille balles. Le gros lot. Mais la sacoche est lourde de bien autre chose.
*
Autre chose d'assez dégueulasse. Le sac du vieux, Grégoire, c'est la boîte de Pandore. Il y a tous les péchés du monde là-dedans. Au soir, Vincent est assassiné, la cuisse lacérée de quatre coups de lame.
*
Le commissaire Adamsberg (L'Homme aux cercles bleus, L'Homme à l'envers) s'inquiète de cet étrange dessin. Le tueur à la serpe, celui que la rumeur a surnommé Le Bélier vient-il de signer son quatrième meurtre ?
*
Marc, Lucien et Mathias, les trois jeunes historiens au chômage ont décidé d’aider Louis Kehlweiler à innocenter Clément Vauquer, un jeune simplet à tête d’imbécile pas franchement sympathique. Marthe est la seule persuadée de l’innocence de son protégé à qui elle a appris à lire et à écrire.
*
Clément est accusé d’assassinats effroyables sur au moins deux jeunes femmes.
Mais pourquoi lutter contre l’évidence ?
Tout l’accuse !
*
C’est sans compter l’amitié qui lie la vieille Marthe, ex-prostituée devenue bouquiniste sur les quais, à Louis, ancien limier du ministère de l’ Intérieur mais aussi ex-client et ami..
Ils mènent l’enquête où manipulation, souvenirs cruels et démoniaques riment avec poésie.
*
Le trio d’enquêteurs lunaires, les évangélistes, ces érudits originaux aux réactions surprenantes, rentrent une nouvelle fois en scène.
La ferveur de Lucien,
la vertu de Mathias,
et la finesse de Marc vont épauler Louis, l’enquêteur, à dénouer l’indénouable.
*
Eux-mêmes, non convaincus de l’innocence du « petit » de Marthe, vont tenter de démêler les liens qui unissent une fougère en pot et un poème de Nerval sur un fond musical angoissant d’osselets.
*
Fred Vargas dénonce avec brio la bêtise humaine qui se fie aux apparences simplistes d’un physique discourtois pour nier l’évidence d’un monde violent qui sait manipuler les faibles afin d’accomplir les plus abjects des desseins.
Beaucoup de tendresse, d’ingéniosité et de poésie dans cette intrigue où la vérité n’est dévoilée qu’à la dernière page !
Sans feu ni lieu, comme les quatre précédents romans policiers de Fred Vargas, mise sur le décalage et l'absurde.
*
La découverte d'une jeune fille assassinée de trois coups de couteau renvoie violemment Adamsberg au souvenir de son frère Raphael, disparu après avoir été soupçonné du meurtre de son amie, il y a trente ans.
*
Les cadavres présentent les mêmes blessures qui ressemblent aux marques d'un trident façon Neptune, ce Dieu qui « règne sur la mer, sur ses azurs et ses tempêtes, mais aussi sur ses profondeurs et ses menaces abyssales ».
Rien n’arrête le commissaire qui veut enfin vivre en paix.
Pour cela, tous les voyages se valent, même une virée au Québec !
*
Toujours aussi documentés, les romans de Fred Vargas continuent sur leur lancée.
On s’attache décidément à ce fameux Adamsberg dont l’auteur a trouvé pour le définir une formule poétique qui lui va à ravir : « un pelleteur de nuages ».
*
Une lecture plaisante, une intrigue parfois tirée par les cheveux (des fausses pistes qui n’en sont pas vraiment), un langage québécois souvent abusif (point trop n’en faut), des personnages un poil caricaturaux (la vieille bourgeoise déchue transformée en hacker), mais un ouvrage savoureux grâce au talent de l’écrivain.
*
Un style, la recherche du mot juste, un jeu sur les mots et les langages, la fantaisie côtoyant la minutie du détail, la poésie des images, les contes et les légendes, un humour qui frise la franche rigolade, des vérités sur l’humanité, l’amitié et l’amour, sur les « incartades de la vie ordinaire », sur ces « courts éclats de beauté saugrenue ».
*
Chacun puise ce qu’il veut dans un rompol (roman policier version Vargas); moi, j’ai été servie même si Pars et vite et reviens tard demeure à mes yeux bien meilleur !
*Prix Duncan Lawrie Dagger 2007, prix du meilleur roman policier étranger paru en Grande-Bretagne.
*
*
*
Embusqué sur le banc 102, celui de la Contrescarpe, alors qu'il surveille la fenêtre d'un fils de député bien peu sympathique, Kehlweiler, « l'Allemand », avise une drôle de « bricole » blanchâtre égarée sur une grille d'arbre…
Ce petit bout d'os humain – car il s'agit de cela – l'obsède jusqu'à ce qu'il abandonne ses filatures parisiennes pour rallier Port- Nicolas , un village perdu au bout de la Bretagne.
Et l'attente reprend au Café de la Halle.
Depuis la salle enfumée du vieux bar, il écoute et surveille, de bière en bière, de visage en visage, et fait courir sans trêve, par les routes humides et les grèves désertes, son jeune assistant, Marc Vandoosler, le médiéviste de Debout les morts. Qui tue ?
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« C'est fortiche, une mouche, mais ça énerve.
Ça vole dans tous les sens, ça marche au plafond sans trucage, ça se fout partout là où il ne faut pas, et surtout, ça trouve la moindre goutte de miel égarée.
L'emmerdeuse publique.
Exactement comme lui, il trouvait du miel là où tout le monde pensait avoir bien nettoyé, n'avoir pas laissé de traces. ».
Un peu plus loin sur la droite est une longue variation sur la notion de trace.
Ici, la trace c'est bien sûr le détail chargé d'un sens qui ne se révèle qu'avec les progrès de l'enquête.
Elle devient alors une marque indélébile du passé, la vérité à nouveau perceptible, une métaphore de l'écriture.
*
Pas de violence dans ce roman, et une scène finale digne d'Agatha Christie où Kehlweiler a recours à une mise en scène pour confondre le coupable.
Obéissant à leur logique propre, constamment sur le fil de la vraisemblance, ses intrigues fantasques surprennent, déroutent en dérapant allègrement dans l'absurde, l'humour loufoque et la poésie.
*
" Monsieur le Commissaire, Vous avez peut-être une belle gueule mais, dans le fond, vous êtes un vrai con.
En ce qui me concerne, j'ai tué en toute impunité.
*
Salut et liberté ", X. Etranges, ces lettres anonymes que reçoit Adamsberg, et tout aussi singulière l'assiduité dont fait preuve le vieux Vasco à siéger sur ce banc, juste en face du commissariat...
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L'importun vieillard aux poches remplies d'objets insolites et au porte-manteau incongru attise l'exaspération du lieutenant Danglard.
Mais, pour le commissaire Adamsberg, dont le flair nonchalant confine au génie, l'affaire n'est pas si anodine...
*
Fred Vargas signe ici deux nouvelles policières où l'on retrouve avec un plaisir intact les personnages décalés, les rencontres déroutantes, le ton si subtilement décontracté qui ont fait son succès.
*
Tom est peintre et a un rêve : accéder à la gloire.
Il parvient à se faire inviter à une soirée très sélect organisée par un mécène en l'honneur du célébrissime Gaylor.
Gaylor est l'artiste chéri de la peinture contemporaine, adulé de tous, et Tom veut lui soumettre son travail voire obtenir son soutien.
*
Hélas, Tom joue de malchance, non seulement il n'arrive pas à s'approcher du grand homme mais, s'introduisant comme un voleur dans le bureau du génie, il tombe sur un cadavre...
Pas facile d'être un artiste reconnu, surtout quand la police est convaincue de votre culpabilité !
*
Sur une trame très classique, Fred Vargas pose les jalons de son œuvre à venir : tensions, suspense, et enquêtes des plus minutieuses.
C'est avec ce premier roman qu'elle a obtenu le prix Cognac en 1986.
*
Quatrième de couverture
" Je suis génial. " Cette fois-ci, Tom est certain d'avoir élucidé le meurtre de Saldon, l'Américain dont il s'est servi pour s'introduire auprès Gaylor. Gaylor le magnifique, le consacré, le peintre chéri du XXe siècle... On n'approche pas facilement Gaylor, et l'invitation à cette soirée mondaine dénichée par Saldon avait été l'occasion rêvée de se glisser près de lui. Tom se l'était juré : il soumettrait ses toiles au maître.
Mais voilà, une fois dans la place, Tom s'était montré au-dessous de tout : non seulement il n'avait pas adressé la parole à Gaylor, mais pire encore, en s'introduisant comme un voleur dans le bureau du grand homme, il était tombé sur le cadavre...
Pauvre Tom ! Il n'est quelquefois pas facile d'être génial... Surtout lorsque la police est persuadée de votre culpabilité !
*
Déni de droit, non respect de la parole de la France et désinformation, tout oblige à lever le voile sur l'affaire Cesare Battisti et sur l'homme, afin que chaque Français puisse atteindre, de manière objective et par l'usage de la Raison chère à Voltaire, à la vérité qui lui est scellée.
*
Cet ouvrage, recueil de textes et de documents, met en évidence, par la seule présentation des faits et loin de toute polémique partisane, combien l'extradition de Cesare Battisti constituerait une injustice profonde pour l'homme, un affront à l'honneur de notre pays et de ses citoyens, et une faute gravissime au regard de l'Histoire.
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Un mot de l'éditeur :
Tant d¹encre a coulé pendant les mois de mars et d¹avril sur l¹affaire Cesare Battisti que le premier des faits à pointer est précisément cette extraordinaire démesure ; et la première des choses à faire de s¹interroger sur sa raison même : il y a deux ans, l¹extradition de l¹enseignant Paolo Persichetti, réfugié politique en France, est passée quasiment inaperçue .
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En revanche, celle demandée pour Cesare Battisti a déclenché dans les médias italiens, relayés par une très grande partie de la presse française, une stupéfiante campagne pro-extradition.
Pour influencer et paralyser l¹opinion publique, on a vu se développer une propagande accusatrice et haineuse strictement ciblée sur un homme qui, il y a un mois encore, était parfaitement inconnu des Français.
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Parce que cette réaction est hors de proportion, et nous dirons même anormale, elle est riche d¹enseignements : car elle est l¹expression symptomatique d¹un phénomène bien connu, le masquage. En psychiatrie, le masquage, occupant l¹esprit tout entier au profit d¹une idée obsessionnelle, se nomme un « évitement », ayant pour fin d¹empêcher le problème véritable de parvenir au conscient.
Le parallèle n¹est pas inutile : car en Histoire, le masquage, orchestré par un pouvoir, qu¹il fut d¹Église ou d¹État, qu¹il ait été médiéval ou contemporain, n¹a jamais eu qu¹une seule fin : détourner l¹attention du public en la focalisant avec un grand retentissement sur une cible précise, donnée pour « responsable de tous les maux », afin d¹éviter la visibilité de vérités embarrassantes ou indicibles : l¹impuissance ou la faute gouvernementale.
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Les exemples d¹autodafés et autres bûchers destinés à dissimuler les cavernes des pouvoirs et leurs chambres hantées sont monnaie courante de l¹Histoire, chacun le sait. Ces bûchers furent les arbres choisis pour cacher les forêts.
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En lire plus sur l’Affaire Battisti :
http://bellaciao.org/fr/spip.php?mot195

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Autres sites :

2 commentaires:

Eric a dit…

merci pour ces lignes sur Fred Vargas
elles ont initié en moi le désir de mieux comprendre la construction de ses intrigues

mazel a dit…

bonjour Eric,
ravie que ce commentaire vous plaise. Mais n'oubliez pas de cliquer sur les liens. Ils sont beaucoup plus intéressants.
amicalement