dimanche 12 octobre 2008

Avraham B. Yehoshua, commandeur dans l'ordre des arts et des lettres

Christine Albanel, ministre de la Culture, a nommé Avraham B. Yehoshua commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres.
Le journal TJ a reproduit les remerciements de l’écrivain israélien.
AVRAHAM B.YEHOSHUA :

Je dois dire que, parmi les décorations et les prix que mes livres m’ont valu dans les nombreux pays où ils sont traduits, celle-ci me va droit au coeur, en raison du lien familial aussi bien qu’affectif et intellectuel qui m’unit à la France.

L’amour que je porte à la culture française remonte à ma plus tendre enfance, grâce à ma mère. Née au Maroc, elle était adolescente lorsque, en 1932, elle immigra en Israël avec son père, un riche négociant désireux de participer activement au processus de normalisation du peuple juif.

À la mort de mon grand-père, survenue peu après, ma mère épousa mon père, installé depuis plusieurs générations en Eretz Israël, et choisit de rester dans ce pays, loin de ses frères et soeurs demeurés au Maroc.

La culture, la prose, la poésie françaises furent un grand réconfort pour cette jeune femme qui se languissait des siens et n’avait pourtant jamais mis les pieds en France. Dès notre plus jeune âge, c’est en français qu’elle nous chantait des berceuses, le soir, à ma soeur et à moi, et c’est ainsi que les accents mélodieux de votre belle langue ont fini par forger mon identité profonde.

Quand j’ai rencontré ma future femme – alors jeune étudiante à l’Université hébraïque de Jérusalem –, elle a consenti à m’épouser à condition que, une fois notre licence en poche, nous allions poursuivre nos études à Paris, ce que nous avons fait dans les années 1960. Je dois avouer que les quatre années que nous avons passées loin de chez nous, et qui nous ont permis de consolider notre vie de couple, ont été sans doute les plus riches de mon existence.

C’est ainsi que la France est devenue, en quelque sorte, notre seconde patrie. Plus largement, l’importance que j’attache à la France a un autre fondement : Israël, qui lutte encore pour la consolidation de son identité, pourrait bien s’inspirer de ce mode que j’appellerais un “mode identitaire historique” par opposition à un “mode identitaire mythologique”.

En affirmant qu’avec le sionisme, le peuple juif était rentré dans l’Histoire, Gershom Scholem, le grand savant et spécialiste de la Kabbale du siècle passé, voulait dire que, à partir de l’exil, les Juifs s’étaient forgé des mythes fondateurs tels que le sacrifice d’Isaac, la sortie d’Égypte ou la destruction du Temple, et que la conscience qu’ils avaient du temps était davantage mythologique qu’historique.

Voilà pourquoi les Juifs ont pu s’établir au sein de civilisations diverses et adopter différentes langues tout en préservant leur unité et leur identité. Mais de retour dans leur patrie, à l’instar de n’importe quelle autre nation, avec des frontières définies, une langue officielle et une conscience historique ininterrompue, la leur propre comme celle des peuples voisins, il leur fallait troquer leur conscience mythologique contre une conscience historique.

De ce point de vue, le mode français d’une identité historique constante sur une terre, par opposition à un mode mythologique, tel que, disons, le mode américain, me semble être l’exemple qu’Israël devrait suivre, et, par conséquent, c’est de la France et de l’Europe que nous devrions nous inspirer, et non des États-Unis, en dépit de toute leur supériorité.


J’ajouterai que la coutume française d’attribuer des grades militaires ou quasi-militaires aux titres honorifiques décernés aux artistes, écrivains et intellectuels prouve que vous semblez accorder une grande importance à la culture, un peu comme un champ de bataille où les artistes et les intellectuels seraient de fiers guerriers. Je suis entièrement d’accord.

L’honneur qui m’est fait aujourd’hui me conforte dans le combat que je mène pour la paix entre les Palestiniens et nous, de même que pour la poursuite de la normalisation du peuple israélien qui apprend à assumer une responsabilité morale et politique sur toutes les composantes de la réalité qui est la leur. Madame la Ministre, je vous remercie. »—http://www.israelvalley.com/news/2008/06/14/17867/israel-maroc-avraham-b-yehoshua-lamour-que-je-porte-a-la-culture-francaise-remonte-a-mon-enfance-grace-a-ma-mere-nee-au-maroc
Note :
Loupé l'info en juin...
Toujours plaisir à savoir que les auteurs que j'aime ont été honnoré.

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