samedi 11 octobre 2008

deuxième sélection du Prix Femina

Le prix sera remis le 3 novembre.



Sortent de la sélection :
Mathieu Belezi (Albin Michel),
Catherine Millet (Flammarion),
Philippe de La Genardière (Sabine Wespieser),
Guy Scarpetta (Gallimard),
Claude Habib (De Fallois).

Nouveaux entrants :
Maylis de Kerangal (Verticales)
et Martin Provost (Seuil).

Grasset domine cette sélection avec 3 titres alors que les autres éditeurs n’en comptent qu’un.

A noter : seulement 3 femmes dans la sélection.

Aucun auteur ne fait partie des 3 listes des deuxièmes sélections du Goncourt, Femina et Renaudot.


Gérard de Cortanze Gitane sans filtre Gallimard

La commence toujours comme ça. Il est cinq heures du matin. Assis sur le rebord du lit, non père crache ses poumons.

Une toux rauque qui réveille toute la maison. Puis la toux s'arrête. J'entends le clapet du briquet faire son " clac " caractéristique. Mon père tire du paquet rectangulaire bleu, sur lequel une danseuse espagnole est partiellement masquée par des volutes de fumée, une gitane sans filtre dont il embrase le bout avant de la porter à ses lèvres.

Maintenant, il peut se lever. Il sort de sa chambre et passe devant la mienne, dans un nuage de fumée bleue. Il est nu, se tient, afin de les cacher, ce qu'il appelle ses " parties ", puis pénètre dans la salle de bains.

Li toux reprend. Ablutions. Rasoir électrique. Nouvelles à la radio. Deuxième cigarette de la journée.

A raison d'un peu plus de deux paquets par jour pendant trente ans, mon père aura humé durant sa vie cinq cent mille cigarettes.

La mémoire, miroir dans lequel nous nous plaisons à regarder les absents, exige une close nécessaire et suffisante de falsifications et de réfractions. Cette pratique flibustière m'est indispensable, à moi qui me penche sur cet homme qui fut mon père et dont la vie me rappelle celle de ce pirate anglais, lequel lance à ses juges : " Je ne suis peut-être pas parfait, mais je suis bien réel ".

Les fesses à l'air, cigarette au bec, René Roero Marchese di Cortanze, Conte di Calosso, Signore di Cresacuore, se regarde dans le miroir de la salle de bains : " Je me suis hasardé à allumer une nouvelle cigarette, pense-t-il, et la terreur entre silencieusement dans ma vie ". Modiano a raison : un père, c'est celui qui donne une identité. Gérard de Cortanze
Jean-Louis Fournier Où on va papa ? Stock

***Dominique Jamet Un traître Flammarion

Maylis de Kerangal Corniche Kennedy Verticales

Michel Le Bris La beauté du monde Grasset

Dominique Mainard Pour Vous Joëlle Losfeld

Olivier Poivre d'Arvor Le voyage du fils Grasset

Anne Serre Un chapeau léopard Mercure de France

Philippe Vilain Faux-père Grasset

Martin Provost Léger, humain, pardonnable Seuil

Sur un ton direct et lyrique en même temps, Martin Provost parle de son enfance et de son adolescence, autour de trois faits majeurs :

la mort accidentelle de son frère,
l'avortement de sa sœur
et la découverte de son homosexualité.

Ces trois événements, traités avec profondeur et simplicité, sont les échos d'un naufrage familial, dont les survivants se débattent avec cette conclusion impossible: personne n'est coupable.

On reconnaît ici la qualité du regard du cinéaste, attentif aux exclusions, au sentiment de solitude que les êtres sensibles peuvent éprouver, mais aussi aux ressorts dont ils sont capables.


Deuxième Sélection du Prix Femina Roman Etrangers

Kate Atkinson A quand les bonnes nouvelles ? De Fallois

***Ceridwen Dovey Les Liens du sang Héloïse d'Ormesson

***Gail Jones Pardon Mercure de France

Voici une histoire qui ne se peut raconter qu'en un chuchotement... Au début, il y a juste cette image : sa robe, le bleu si particulier des hortensias, et les éclaboussures pourpres du sang de mon père.

Elle se releva du sol, silhouette lumineuse, indécente, mais oh si vive dans ce sang! je me souviens que toutes deux étions en alerte, que toutes deux savions... " Ne leur dis pas", souffla-t-elle. Juste ça : ne leur dis pas...

Qui a tué Nicholas Keene, anthropologue anglais cruel et brutal, venu étudier la vie des Aborigènes au cœur du bush australien ?

Dans la maison, au moment du crime, il y avait :

Stella, sa femme dépressive et fragile,
Perdita, sa fille de dix ans,
et Mary, une jeune indigène qu'il violait souvent.

Un couple de voisins et leur fils sourd-muet n'étaient pas loin non plus. Perdita doit savoir ce qui s'est passé. Mais qu'a-t-elle réellement vu, réellement compris, au paroxysme de la violence?

On ne saura la vérité que des années plus tard, une vérité extrêmement dérangeante. Et il faudra alors que quelqu'un ose dire, sache dire " pardon ".


*****Charles Lewinsky Melnitz Grasset

Vladimir Pistalo Millénaire à Belgrade Phébus

Cette ville, c'est Belgrade.

Ce rêve, c'est celui de toute une génération : celle, désenchantée, de Boris, Ballé, Irina, Zora et Milane.

Un groupe d'amis qui, à peine sorti de l'adolescence au début des années quatre-vingt, au moment de la mort de Tito, envisage, plein d'espoir, un avenir affranchi de la "pensée unique" jusque-là en vigueur.

Tous s'accrochent avec une énergie farouche, et souvent délirante, au moindre soubresaut d'une ville qui voit les guerres successives l'engloutir.

Une ville-héroïne dont l'ambiance rappelle la folie carnavalesque des films d'Emir Kusturica, et qui depuis toujours insuffle à ses habitants sa force et sa magie.


Dag Solstad Honte et dignité Les Allusifs

Elias Rukla, la cinquantaine, est professeur de norvégien dans un lycée d'Oslo, seul face à une jeunesse indifférente, récalcitrante et hostile.

Egaré dans les méandres alcoolisés de sa pensée, il tâche tant bien que mal de sauver les structures vacillantes de sa vie.

Un jour de novembre, après avoir eu une illumination en donnant son énième cours sur Le canard sauvage d'Ibsen, frustré de n'avoir pu communiquer son épiphanie littéraire, il perd entièrement le contrôle.

L'auteur nous livre ici le monologue intérieur d'un homme en crise, épuisé d'avoir trop longtemps fait passer l'authenticité avant le bonheur, effaré de constater qu'il n'a jamais été qu'un personnage secondaire, voire un spectateur de sa propre vie.

***Sasa Stanisic Le Soldat et le Gramophone Stock

Dubravka Ugresic Le ministère de la douleur Albin Michel

Sandro Veronesi Chaos calme Grasset

Première sélection du Prix Femina Essais

Denis Podalydès Voix off Mercure de France

Jacques Julliard L'Argent, Dieu et le Diable Flammarion

Alain Vircondelet Séraphine : De la peinture à la folie Albin Michel

François Jonquet Daniel Sabine Wespieser

Daniel Emilfork, acteur incomparable au visage reconnaissable entre tous, jouissait d'une mystérieuse aura.

Au cinéma dans Casanova ou La Cité des enfants perdus, à la télévision dans Chéri Bibi, au théâtre dans Dommage qu'elle soit une putain monté par Visconti ou dans Richard Il de Chéreau, ou encore au détour de l'un de ses innombrables seconds rôles, il savait rendre inoubliables ses apparitions.

Lors de la dernière année de sa vie, cet homme solitaire, qui vivait reclus dans son appartement du haut de la butte Montmartre, s'est lié d'amitié avec François Jonquet.

Au cours de visites et de conversations téléphoniques, il lui a ouvert son cœur, raconté sa vie, romanesque, débordante, rythmée de grandes scènes et de portes claquées, de rencontres artistiques fabuleuses et de sanglantes ruptures.

Pauvre mais fastueux, orgueilleux et frondeur, dragueur toujours vert, ce dandy amoureux de l'excès s'accommodait mal d'une existence qui s'amenuisait lentement. Mais il savait faire basculer la vie dans le cocasse et l'absurde. II avait le pouvoir fabuleux de soudain l'enchanter.

Dans ce livre bref et dense, écrit d'une traite tout de suite après la mort du comédien, en octobre 2006, François Jonquet a restitué le personnage au plus près de sa vérité. II a donné à entendre sa voix.

Entre ces deux êtres que tout séparait, l'âge, le parcours, les origines, s'est nouée une relation tendre et profonde, que la fuite du temps accélérait. Le fragile vieil homme donnait à son cadet, qui à cette époque traversait un moment de faiblesse, de sa force et de sa bravoure. Daniel est un hommage tragique et drôle à un homme qui aura théâtralisé toute sa vie.


Hélé Béji Nous, décolonisés Arléa

" La décolonisation est la forme la plus instinctive et la plus avancée de la liberté. Elle est l'avant-garde de toutes les libertés. Mais elle est la plus malheureuse de toutes, car elle n'a pas tenu ses promesses...

Nous avions fait l'Histoire, nous étions au cœur de l'Histoire, et l'Histoire nous avait comblés à profusion.

Pourtant, après avoir reçu en héritage cette grâce miraculeuse, nous ne l'avons pas gardée. Qui nous l'a dérobée ?

Cette histoire était la nôtre et, si nous l'avons perdue, c'est de notre faute. Nous n'avons pas recouvré ce dont nous croyions avoir été spoliés, et nous avons dilapidé ce que nous avions reçu. "

Ces mots d'Hélé Béji donnent le ton de cet essai rigoureux sur la grande épopée de la décolonisation et ce qu'elle est devenue, un demi-siècle après. Cette brillante auto-analyse, si elle fait une part importante aux extraordinaires avancées qu'elle a permises, à commencer par la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, pointe aussi avec la lucidité du trait vécu les erreurs, les fourvoiements et les dévoiements qui en ont découlé.

Que reste-t-il de cette extraordinaire aspiration qui a porté tant de peuples vers leur indépendance ? Se pose alors l'incontournable question de la difficile harmonie entre l'aspiration politique et l'exercice du pouvoir.

Sans évitement ni compromis d'aucune sorte, Hélé Béji dresse le constat implacable de ce rendez-vous manqué avec la promesse de la souveraineté. Nous, décolonisés, par sa liberté critique, n'hésite pas à mettre le décolonisé face à ses responsabilités dans le destin du monde, et à l'obliger à un honnête examen de conscience s'il ne veut pas troquer ses vieilles servitudes contre de nouveaux esclavages.

S'il a incarné le visage de l'humain, il n'est pas à l'abri de l'attrait qu'il ressent pour l'inhumain. Mais fondera-t-il un nouvel humanisme ? Apportera-t-il sa lumière à l'équilibre du monde ?


**Robert Muchembled Une histoire de la violence Seuil

L'actualité place sans cesse la violence sur le devant de la scène. Thème important pour les sociologues et les politiques, elle est aussi un objet d'histoire.

À rebours du sentiment dominant, Robert Muchembled montre que la brutalité et l'homicide connaissent une baisse constante depuis le XIIIe siècle.

La théorie d'une " civilisation des mœurs ", d'un apprivoisement voire d'une sublimation progressive de la violence paraît donc fondée. Comment expliquer cette incontestable régression de l'agressivité ? Quels mécanismes l'Europe a-t-elle réussi à mettre en œuvre pour juguler la violence ?

Un contrôle social de plus en plus étroit des adolescents mâles et célibataires, doublé d'une éducation coercitive des mêmes classes d'âge fournissent les éléments centraux de l'explication.

Progressivement, la violence masculine disparaît de l'espace public pour se concentrer dans la sphère domestique, tandis qu'une vaste littérature populaire, ancêtre des médias de masse actuels, se voit chargée d'un rôle cathartique : ce sont les duels des Trois Mousquetaires ou de Pardaillan, mais aussi, dans le genre policier inventé au XIXe siècle, les crimes extraordinaires de Fantômas qui ont désormais à charge de traduire les pulsions violentes.

Les premières années du XXIe siècle semblent toutefois inaugurer une vigoureuse résurgence de la violence, notamment de la part des " jeunes de banlieues ". L'homme redeviendrait-il un loup pour l'homme ?

Source : LivresHebdo--Envoyé par Juan dans Prix-Litteraires : Le blog le 10/10/2008 09:20:00 P


Note :


Pas de chance pour belezi, disparu de cette liste. Dommage, son livre est pourtant intéressant et passionnant.


Millet a également disparu,mais là, franchement, me laisse plutôt indifférente.


Juste jeté un oeil sur les livres que je n'avais pas eu le temps de voir, mais ne change pas vraiment ma liste de lecture.

****Charles Lewinsky Melnitz
***Dominique Jamet Un traître
**Ceridwen Dovey Les Liens du sang
**Gail Jones Pardon
**Sasa Stanisic Le Soldat et le Gramophone

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