Dans les sociétés traditionnelles, les chiffres et nombres ne servent pas uniquement à énoncer des quantités, mais encore à élaborer des liens ou des supports symboliques.
Car ceux-là expriment des idées et des forces, et constituent des "êtres vivants" doués de forces ou de flux vitaux qui, lorsqu'on les prononce, déplacent un "courant" invisible mais réel qui influencera la réalité ambiante à laquelle le chiffre ou nombre se rapporte.
Le cosmos est un ensemble de nombres, d'où l'importance de leur interprétation qui se présente comme l'une des pratiques symboliques les plus anciennes.
Platon en faisait le plus haut degré de la connaissance et l'essence même de l'harmonie intérieure et cosmique. Selon saint Martin, les chiffres et nombres sont les enveloppes visibles des êtres dont ils règlent à la fois l'harmonie physique et les forces vitales, spatiales et temporelles, et les rapports interdépendants avec le Principe premier. Ils sont les principes coéternels à la vérité et issus de l'Esprit divin.
Le philosophe Philolaos précisait : "C'est l'essence du nombre qui enseigne à comprendre tout ce qui est obscur et inconnu. La vérité seule convient à la nature du nombre et est née avec lui".
Le déchiffrement des nombres permet de pénétrer au coeur de la Connaissance des mondes visible et invisible et d'atteindre jusqu'à la substance du divin. Cette puissance numérique ne pouvait échapper au Temple qui privilégia certains nombres fondamentaux qu'il inséra dans les multiples aspects de son existence spirituelle et temporelle.
Des auteurs modernes, ne sachant raison garder, ont multiplié à l'envie et selon leur humeur les "nombres templiers", alors que d'autres faisaient la démarche inverse, parlant de simple et pur hasard.
L'inconvénient, en ce qui concerne ce dernier cas, le hasard n'existant pas pour une mentalité traditionnelle - comme celle du Moyen Âge, par exemple -, il a bien fallu que les quelques nombres curieusement récurrents employés par le Temple proviennent de quelque part. Ces nombres ne pouvaient "venir" que d'une "réalité subtile", transcendante et émanant de l'Esprit, du Principe suprême, afin de "marquer" et d'"informer" l'être du Temple, lui donnant sa personnalité propre en conformité avec sa nature et sa mission.
Trois nombres se rencontrent au sein de l'Ordre : le 3, le 9 (carré de 3) et le 8.
Le chiffre 3 est véritablement omniprésent
Les 3 voeux de religion (communs à tous les ordres monastiques).
Les 3 aumônes obligatoires par semaine.
Les 3 jeûnes annuels.
Les 3 repas par jour.
Les 3 repas carnés par semaine.
Les 3 présentations du novice devant le Chapitre avant sa réception.
L'obligation d'accepter le combat à un contre trois (3).
Les 3 assauts de l'ennemi avant la riposte du Temple.
Les 3 chevaux que le Templier recevait lorsqu'il partait en expédition.
L'obligation pour tout Templier de se figer à 3 pas devant l'abacus du maître.
Les 3 messes par semaine que les chapelains de l'Ordre devaient célébrer.
Les 3 baisers initiatiques, dits "baisers obscènes" lors des procès, donnés aux frères par ceux qui les recevaient : les baisers sur les lèvres, le nombril et l'épine dorsale, selon Hugues de Bure, ou sur la bouche, l'anus et le pénis, selon Raoul de Gisy (cf. B. Marillier, op. cit.).
Les 3 signes de croix que les Templiers devaient faire avant d'engager le combat.
Les 3 couleurs du Temple.
Les 3 provinces du Temple d'Orient.
Les 3 clefs de la bourse détenues par le maître et deux autres hauts dignitaires de l'Ordre.
Les 3 hauts dignitaires de l'Ordre ayant préséance sur tous les autres Templiers : le maître, le sénéchal et le maréchal.
Les 3 groupes à cheval de frères-chevaliers composant un escadron du Temple.
Les 3 fenêtres ou groupes de fenêtres qui éclairent souvent les églises et chapelles de l'Ordre.
Les 3 travées des églises et chapelles templières.
Les 3 couleurs du Temple.
Les 3 provinces du Temple d'Orient.
Les 3 clefs de la bourse détenues par le maître et deux autres hauts dignitaires de l'Ordre.
Les 3 hauts dignitaires de l'Ordre ayant préséance sur tous les autres Templiers : le maître, le sénéchal et le maréchal.
Les 3 groupes à cheval de frères-chevaliers composant un escadron du Temple.
Les 3 fenêtres ou groupes de fenêtres qui éclairent souvent les églises et chapelles de l'Ordre.
Les 3 travées des églises et chapelles templières.
Le 3 est universellement un chiffre primordial. Premier nombre insécable, il exprime le spirituel et l'intellectuel, en Dieu, dans l'univers et dans l'homme.
C'était déjà sa signification chez les Celtes. Il est la synthèse de la tri-unité de l'être où il est le résultat de l'union du 1 (principe masculin) et du 2 (principe féminin), c'est-à-dire l'union du Ciel et de la Terre.
De ce fait, le 3 est l'expression la plus complète du divin, de l'harmonie cosmique et de l'accomplissement intégral de la manifestation. C'est encore le nombre de toutes sortes de triades (esprit/âme/corps, vie/mort/résurrection, ciel/terre/enfers, etc.) et des Trinités divines païennes, notamment indo-européennes, et chrétienne.
Les 9 fondateurs traditionnels de l'Ordre.
Les 9 Templiers nécessaires pour constituer une commanderie.
Les 9 provinces du Temple d'Occident.
Les 9 années de gestation du Temple (1118 à 1127).
Les 72 articles (7 + 2 = 9) de la Règle primitive.
Les 180 ans (1 + 8 + 0 = 9) de l'existence de l'Ordre.
Les 9 000 commanderies templières (nombre invérifiable donné par Matthieu Paris).
Les 117 (1 + 1 + 7 = 9) chefs d'accusation lors des procès.
La mort du dernier maître, Jacques de Molay, également marquée par le 9 : il fut mis à mort le 18 (1 + 8 =9) mars 1314(1+3+1+4=9).
Dernier des nombres simples, le 9 possède une forte valeur rituelle.
Il annonce à la fois la fin et le commencement, donc une transposition sur un nouveau plan, conduisant à une renaissance.
Le 9 est la mesure des gestations et symbolise la récompense des efforts et l'accomplissement de la création.
Nombre de la neuvaine (neuf jours de prière), source de grâce, le 9 (Énée) est le nombre de degrés (les échelles de Jacob et de joseph d'Arimathie comptent 9 barreaux) que doit franchir celui qui cherche Dieu, à l'image de la neuvième lame du tarot, l'Ermite ou le Pèlerin.
Enfin, le 9 est le nombre de celui qui réalise la volonté divine.
Les 8 jours de pénitence que doit subir un Templier fautif d'une faute vénielle.
Les 8 sacrements que recevaient les Templiers.
Les 8 angles de la croix pattée et alésée.
Les 8 articles du serment prêté par le futur Templier.
Mais le 8 se rencontre surtout dans l'architecture du Temple (cf. infra), sous la forme des églises et chapelles octogonales, encore que les Templiers n'en aient pas fait un emploi systématique.
Totalisateur, le nombre 8 est celui de l'équilibre cosmique, car c'est le nombre des quatre points cardinaux et des quatre directions intermédiaires.
Nombre marquant la condamnation des impies et la récompense des justes, le 8 est le symbole de l'accomplissement et de l'avènement.
D'où sa nature mariale. Mais surtout le 8, succédant aux 7 jours de la Création, représente le "passage" à une autre vie, une renaissance et une résurrection.
C'est pourquoi, jadis, les fonts baptismaux et les premiers baptistères étaient octogonaux (églises de Poitiers, Fréjus, Aix-en-Provence, Ravenne, etc.).
Par l'octogone christique, on passe du monde profane et terrestre (représenté par le carré) au monde sacré et céleste (représenté par le cercle ou le dôme). C'est ce rôle que jouaient les églises et chapelles templières.
Notons encore que le 8 est le symbole du jugement de l'Agneau, comme l'indique l'Apocalypse, du juste et du Christ considéré, à l'instar de Melchisédech, comme la figure du "Roi de justice" ou du "Roi du Monde".
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