mercredi 20 août 2008

Boris Vian - L'Arrache-coeur

souvenir de lecture


Voilà un coin de campagne où l'on a de drôles de façons... La foire aux vieux, par exemple. Curieuse institution !
On sait bien aussi que tous les enfants peuvent voler comme des oiseaux dès qu'ils étendent leurs bras - mais est-ce une raison suffisante pour les enfermer derrière des murs de plus en plus hauts, de plus en plus clos ?
Le psychiatre Jacquemort se le demande puis ne se le demande plus, car il a trop à faire avec la honte des autres, qui s'écoule dans un bien sale ruisseau.
Mais nous, qui restons sur la rive, nous voyons que Boris Vian décrit simplement notre monde.
En prenant chacun de nos mots habituels au pied de la lettre, il nous révèle le monstrueux pays qui nous entoure, celui de nos désirs les plus implacables, où chaque amour cache une haine, où les hommes rêvent de navires, et les femmes de murailles.
L'Écume des jours

Chick, Alise, Chloé et Colin passent leur temps à dire des choses rigolotes, à écouter Duke Ellington et à patiner.
Dans ce monde où les pianos sont des mélangeurs à cocktails, la réalité semble ne pas avoir de prise. On se marie à l'église comme on va à la fête foraine et on ignore le travail, qui se réduit à une usine monstrueuse faisant tache sur le paysage.

Pied de nez aux conventions romanesques et à la morale commune, L'Ecume des jours est un délice verbal et un festin poétique.
Jeux de mots, néologismes, décalages incongrus... Vian surenchérit sans cesse, faisant naître comme un vertige chez le lecteur hébété, qui sourit quand il peut.
Mais le véritable malaise vient d'ailleurs : ces adolescents éternels à la sensibilité exacerbée constituent des victimes de choix. L'obsession consumériste de Chick, née d'une idolâtrie frénétique pour un certain Jean-Sol Partre, semble vouloir dire que le bonheur ne saurait durer.
En effet, l'asphyxie gagne du terrain, et l'on assiste avec effroi au rétrécissement inexorable des appartements. On en veut presque à Vian d'être aussi lucide et de ne pas s'être contenté d'une expérience ludique sur fond de roman d'amour.

J'irai cracher sur vos tombes

Lee Anderson, vingt-six ans, a quitté sa ville natale pour échouer à Buckton où il devient gérant de librairie. Il sympathise dans un bar avec quelques jeunes du coin.

Grand, bien bâti, payant volontiers à boire, Lee, qui sait aussi chanter le blues en s'accompagnant à la guitare, réussit à séduire la plupart des adolescentes.

Un jour il rencontre Dexter, le rejeton d'une riche famille qui l'invite à une soirée et lui présente les soeurs Asquith, Jean et Lou (17 et 15 ans), deux jeunes bourgeoises avec "une ligne à réveiller un membre du Congrès". Lee décide de les faire boire pour mieux les séduire... et poursuivre son sinistre dessein.

Ecrit à la suite d'un pari, cet excellent pastiche de roman noir fut publié en 1946 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, un prétendu auteur américain.

Récit d'une vengeance, dénonciation du racisme et de l'intolérance, ce best-seller fut jugé à l'époque immoral et pornographique, ce qui amena son interdiction en 1949 et la condamnation de son auteur pour outrage aux bonnes moeurs













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citations

A quoi bon soulever des montagnes quand il est si simple de passer par dessus?

C'est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde.

C'est les jeunes qui se souviennent. Les vieux, ils oublient tout.

Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le bonheur de tous les hommes c'est celui de chacun.

Dire des idioties, de nos jours où tout le monde réfléchit profondément, c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre et indépendante.

Du temps que les femmes ne votaient pas, on faisait la guerre pour elles. Maintenant qu'elles votent, on la fait pour le pétrole. Est-ce un progrès?

Il est évident que le poète écritSous le coup de l'inspiration
Mais il y a des gens à qui les coups ne font rien.

Il vaut mieux être déçu que d'espérer dans le vague.

Je me demande si je ne suis pas en train de jouer avec les mots. Et si les mots étaient faits pour ça?

Je ne veux pas gagner ma vie, je l'ai.

L'homme est une prison où l'âme reste libre.

Le génie est une longue patience, c'est une réflexion de génie pas doué.

Le malheur avec un type intelligent, c'est qu'il n'est jamais assez intelligent pour ne pas se dire qu'il est le plus intelligent.

Le propre du militaire est le sale du civil.

Le ridicule ne tue nulle part mais, aux U.S.A., il enrichit drôlement.

Le travail est l'opium du peuple... Je ne veux pas mourir drogué!

Les gens sans imagination ont besoin que les autres mènent une vie régulière.

Les oiseaux sont responsables de trois au moins des grandes malédictions qui pèsent sur l’homme. Ils lui ont donné le désir de grimper aux arbres, celui de voler, celui de chanter…

Les prophètes ont toujours tort d'avoir raison.

L’absurdité des batailles qui sont des batailles de mots mais qui tuent des hommes de chair.

N’importe quoi, sauf la vérité. Il n’y a que ça qui ne se vend pas.

On commence à avoir des malheurs quand on a cessé de ne penser qu'à soi.

Supprimez le conditionnel et vous aurez détruit Dieu.

Ça m'est égal d'être laide ou belle. Il faut seulement que je plaise aux gens qui m'intéressent.

Boris VIAN à Ville d’Avray et Paris
Les Fauvettes.

Avec un grand-père bronzier d’art qui fabriqua les grilles d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains, quelle destinée autre que littéraire aurait pu avoir Boris Vian ?

Il naît 41 rue de Versailles à Ville-d’Avray le 10 mars 1920. Sa mère, amoureuse d’opéra, le prénomme ainsi en souvenir de Boris Godounov.
33 rue Pradier, la villa des Fauvettes où la famille emménage bientôt, est pour Boris, ses frères et sa soeur un petit paradis.
Il souffre toutefois d’une insuffisance cardiaque qui fait de lui un enfant trop protégé, angoissé par les angoisses de sa mère.
La tante Alice est une chef pâtissière. Elle aime aussi s’enfermer dans la salle de bain pour dévorer des livres.
Boris visite régulièrement la bibliothèque de leur voisin de la villa "Le Lys rouge", Jean Rostand, le savant, fils d’Edmond. Boris et François, fils de Jean, sont camarades de jeux.
Une institutrice vient instruire les enfants à domicile. Boris sait lire et écrire à cinq ans. À huit ans, il "connaît" toute la littérature française jusqu’à Maupassant. Il découvrira plus tard Marcel Aymé, Lewis Caroll, Joseph Conrad, Martin du Gard.
La crise de 1929 détruit les rentes de Monsieur Vian qui doit, pour la première fois de sa vie, chercher du travail. La famille libère la villa pour la louer (à la famille Menuhin jusqu’en 1935) et s’installer dans la maison du gardien, de l’autre côté du jardin.
Malgré les mauvais jours, il reste les vacances à Landemer…
Les nuits de Ville-d’Avray s’animent bientôt des soirées jazz organisées par les frères Vian, qui rassemblent parfois quatre cents personnes. En 1939, Boris part étudier un an à Angoulême à l’école des Arts et Manufacture, dont il ressort ingénieur (à Paris) en 1942.
Sa résistance à l’Occupant, c’est, comme beaucoup de ceux qui ont son âge, de l’ignorer, de s’évader ailleurs (il commence à écrire)… de jouer du jazz américain, interdit pendant la guerre.
Le 22 novembre 1944, son père est tué par des cambrioleurs. Les Fauvettes sont vendues. Madame Vian, tante Alice et Ninon emménagent à Paris, 30 boulevard Exelmans.
Son père, Landemer, Les Fauvettes disparues : Boris, l’étudiant d’avant-guerre devient, après-guerre, le roi de Saint-Germain des Prés. Son ascension littéraire suit en parallèle. En 1946, il commence à fréquenter Sartre et l’équipe des Temps modernes, il écrit L’Écume des Jours et J’irai cracher sur vos tombes. Raymond Queneau, iconoclaste comme lui, l’introduit chez Gallimard et dans le cercle des "pataphysiciens".

À partir de 1939 et jusqu’à sa mort le 23 juin 1959, voici ses principales adresses :

Il est logé 39 bis boulevard d’Alsace-Lorraine à Angoulême en 1939, lors de son année d’études à l’école des Arts et Manufactures.
Après son mariage avec Michelle en 1941, le couple s’installe en 1942 avec Patrick, leur fils, 98 rue du Faubourg-Poissonnière.
En avril 1951, Vian abandonne le domicile conjugal et emménage avec Ursula (qu’il épouse en 1954) dans une chambre de bonne, 8 boulevard Clichy.
En 1953, ayant divorcé mais sans obtenir la garde de ses enfants, ayant peu économisé ces dernières années, contraint depuis des mois à des travaux de traduction pas toujours enthousiasmants, il loue un appartement 6 bis cité Véron, derrière le Moulin-Rouge. Il partage sa terrasse avec Jacques Prévert, aménagera un second appartement voisin et construira un second étage intérieur.
Là, le 11 juin 1959, a lieu une fête grandiose en l’honneur du nouveau chef du Collège de Pataphysique.
Quelques hauts lieux du jazz que Boris contribua à créer :
le Club du Tabou, 33 rue Dauphine, le Club Saint-Germain-des-Prés, rue Saint-Benoit (la rue de Marguerite Duras).
A partir de 1948, Boris y reçoit Charlie Parker, Duke Ellington, Miles Davis, etc. un Club Saint-Germain bis est créée à Saint-Tropez en 1949, à La Ponche.
Il loue une petite maison à Saint-Tropez, 3 rue d’Aumale.
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our visiter le lieu L’appartement de la cité Véron appartient à la Fondation Boris Vian-Ursula Vian Kubler et se visite sur demande (par écrit uniquement : 6 bis cité Véron, 75018 Paris).-
http://www.terresdecrivains.com/Boris-VIAN-a-Ville-d-Avray-et
Note :
encore un auteur que j'ai lu avec passion... et qui mériterait bien que je le relise...

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