Faux semblant.
En vérité, c’est plein des gens qui ne sont pas là.
Ce roman envoûtant bruisse (mais oui, ça se dit, n’en déplaise à l’Académie française et à un écrivain qui m’en fit un jour la remarque), il bruisse de leur absence.
Ce qu’on appelle la présence des morts et que Nathalie Rheims excelle à rendre palpable depuis son premier texte, irradié par le souvenir de son frère.
On n’en a jamais fini avec ce manque-là ; il faut bien davantage que les travaux et les jours pour le mettre à distance.
Le chemin des sortilèges(180 pages, Editions Léo Scheer) renoue avec le son et l’esprit de L’Un pour l’Autre (1999).
Comme si un dixième livre se devait d’achever un cycle.
On s’y aventure comme il semble avoir été écrit : en état d’hypnose.
Par moment, on croit s’être égaré dans La Nouvelle rêvée d’Arthur Schnitzler et dans le film qu’elle a inspiré à Stanley Kubrick ; le fait est que la narratrice semble avancer dans ce monde initiatique les yeux grands fermés.
Comme si elle ne parvenait pas à sortir de son rêve. On sent qu’elle cherche à s’en extirper à la manière du baron de Münchhausen qui put s’extraire des sables mouvants en se tirant par les cheveux.
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C’est un conte de fées sur les contes de fées.
C’est un conte de fées sur les contes de fées.
Six nuits ponctuées chacune par un conte déposée à son chevet. Que du classique, de la pâte à Bettelheim.
On sait l’infinie cruauté de ces choses-là pour qui veut bien les lire autrement.
L’histoire d’une femme qui abandonne son mari, ses enfants et son amant pour un homme est racontée du point de vue de l’enfant devenue femme et voix de ce roman. 15 ans à l’époque. Quels dégâts ! La mort de ses plus proches l’a faite mûrir.
Elle croit toujours aux contes de fées, sauf qu’elle les vit encore comme des histoires de terreur où peut enfin s’exprimer la violence de celle qui ne dit jamais non.
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Un psychanalyste parisien de renom est le pivot de cette histoire.
Un psychanalyste parisien de renom est le pivot de cette histoire.
L’amant abandonné, c’était lui.
A la suite d’un accident cérébral, il s’est drapé dans sa solitude, loin du monde mais suffisamment près pour être rejoint par la narratrice.
Dix ans qu’ils ne s’étaient vus. Elle était anorexique. Il la recevait tous les jeudis. Voussoiement de rigueur.
Il lui avait proposé de faire le deuil de sa mère. Faire son deuil de son vivant pour ne pas en mourir.
Mais le faire ensemble, à deux, chacun portant l’autre.
Comment la pratique du psychanalyste ne serait-elle pas interrogée à la suite de ce livre où, un grand nom de la discipline analyse la fille de celle qui fut longtemps sa maîtresse, tant et si bien qu’on en vient à se demander si elle n’est pas le fruit de leur liaison clandestine ?
Nous sommes les enfants de ceux qui nous élèvent, c’est sa réponse, invariable. Il ne l’a pas élevée, il n’est donc pas son père. Il croit désamorcer tout procès en déontologie en lui rappelant qu’il ne lui prenait pas d’argent pour les séances. On se voit par amour, vous ne payez pas… La pirouette ne fait que renforcer l’ambiguïté. N’empêche, cette heure hebdomadaire lui a donnée le rare sentiment d’être enfin comprise.
Voilà sur quel archipel d’intimes misères et de fragments de vie une femme s’est construite. Voilà pourquoi la hantise de n’être pas aimée pousse à obéir au désir des autres. Voilà ce qui fait parfois qu’on est un écrivain. Non pour être connue mais reconnue.
source : le blog de Pierre Assouline
(cliquez sur le titre)
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Dans un précédent article j'avais noté ce livre, sans grande conviction... Il semble bien que j'avais tord, d'après ce qu'en dit Pierre Assouline.
Et surtout, la référence à Bettelheim, dont j'avais lu le livre sur les contes de fées.
Et puis, une autre référence, celle au livre de Arthur Schnitzler... l'un de mes auteurs favoris.
Finalement, de grande chance pour que je lise Le chemin des sortilèges de Nathalie Rheims...
sinon, tentée par "Le cercle de Megiddo" de Nathalie Rheims ... polar ésotérique.
A voir :
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