Le jury composé de 400 adhérents et de 300 libraires de la Fnac a sélectionné au total 31 romans sur 300 ouvrages lus sur épreuves.
"Cette sélection jouit d’une indépendance totale ; aucun éditeur ne participe au processus de sélection et comme elle se fait sur épreuve, elle est sans influence d’articles de presse, de commentaires, etc.
La caractéristique de cette sélection versus septembre 2008, est certainement l’ouverture, la diversité dans les sujets abordés et le traitement : il y est question de quête d’identité, d’exil, de drames familiaux ou personnels.
Cette sélection est aussi résolument placée sous le signe de la découverte d’auteurs peu connus", indique, dans le communiqué, Bertrand Picard, directeur du Livre à la Fnac.
Les 31 romans sélectionnés
Le jury a choisi notamment les nouveaux opus de Ian Mc Ewan, Laurent Gaudé, Jean-Paul Dubois, Régis Jauffret, Sylvie Germain, Evelio Rosero et Mathias Enard dans leur sélection. Créé en 2002, le Prix du Roman Fnac est décerné par les libraires et les lecteurs.
La sélection commune
(titres retenus à la fois par les adhérents et les libraires de la Fnac) :
Elena, une jeune Roumaine née en Bessarabie et ballottée par l'Histoire, rencontre à un bal en 1958 un homme dont elle tombe passionnément amoureuse.
Il est juif, et ses parents s'opposent au mariage. Elena finit par épouser Jacob et par réaliser son rêve : quitter la Roumanie communiste et antisémite de Ceauescu.
Émigrer aux États-Unis. Elle devient américaine, et se fait appeler Helen. Elle a rompu avec le passé, mais l'avenir n'est plus un rêve. Helen est maintenant confrontée à une réalité qui lui échappe : la maladie et la dépression de son mari ; l'indépendance de ce fils à qui elle a tout sacrifié, et qui épouse une Française malgré l'opposition de ses parents.
Cette jeune femme égoïste, arrogante, imbue d'un sentiment de supériorité presque national, Helen ne l'aime pas. Cette belle-mère dont le silence recèle une hostilité croissante, Marie en a peur. Pourtant, entre ces deux femmes que tout oppose – leur origine, leurs valeurs et leur attachement au même homme –, quelque chose grandit qui ressemble à de l'amour.
Le domaine de Montaigne, quelque part en Kabylie : 600 hectares de collines, de champs de blé, d’orangers, d’oliviers et de vignes. La terre de la famille de Saint-André depuis un siècle Au cœur de ce petit royaume, une maison de maître et ses dépendances entourées de palmiers, d’acacias, de pins et de figuiers.
Six personnages : le père, la mère, les trois enfants (dont un a embrassé la cause du FLN) et la domestique kabyle.
Tout au long du roman, leurs voix s’interpellent et se répondent, se prennent pour ce qu’elles ne sont pas, tempêtent, supplient, invectivent des fantômes, se souviennent.
Le passé, c’est le quotidien du colon dans sa colonie, cette façon de régner en maître sur un pays qu’il a « fait » et des gens à qui il « apporte la civilisation ».
Le présent de ces voix, c’est la difficulté et l’amertume de l’exil dans une France hostile, bien peu disposée à ouvrir les bras. Et c’est aussi la souffrance d’un déracinement insurmontable.
Saga des de Saint-André –avant, pendant et après l’indépendance de l’Algérie-, composé de scènes fortes - guerre, sexe, sentiments exacerbés, haines viscérales-, ce roman, comme ceux de Faulkner, traduit le chaos de la grande histoire, se dit à travers les passions de ceux qui font la petite. Le souffle qui porte de bout en bout cette saga, la profonde originalité de sa structure polyphonique et de son rythme incantatoire donnent à l’œuvre un caractère unique : on croit entendre, en la lisant, le chant funèbre des déracinés de tous les temps.
« Ils étaient jeunes, instruits, tous deux vierges avant leur nuit de noces, et ils vivaient en des temps où parler de ses problèmes sexuels était manifestement impossible. Mais ce n’est jamais facile.
Ils venaient de s’installer pour dîner dans un minuscule salon au premier étage d’une auberge de style géorgien.
Dans la pièce voisine, visible par la porte ouverte, se trouvait un lit à baldaquin assez étroit, dont la courtepointe d’un blanc pur s’étendait, incroyablement lisse, comme si aucune main humaine ne l’avait touchée.
Edward n’avoua pas qu’il n’était encore jamais allé à l’hôtel, alors que Florence, après ses nombreux voyages avec son père dans son enfance, était une habituée.
En apparence, tout leur souriait. » Il est historien, elle est violoniste. Leur mariage s’est bien passé, la cérémonie religieuse s’est déroulée sans fausse note, la réception a été festive et les adieux de leurs amis bruyants et chaleureux. Les mariés ont pris la route dans une petite voiture et sont arrivés en début de soirée à leur hôtel sur la côte du Dorset. Ils ont des projets grisants mais s’inquiètent du moment où leur maturité toute neuve va être mise à l’épreuve : après le dîner.
Dans l’Angleterre de 1962, la révolution sexuelle n’a pas encore éclaté : nul ne se débarrasse si facilement de ses inhibitions et du poids du passé. Les voilà donc seuls et libres, du moins en théorie, de faire ce qu’ils veulent.
Mais la nuit de noces ne se déroule pas du tout comme prévu. Porté par une écriture d’une puissance et d’une simplicité déconcertantes, acide et dérangeant, Sur la plage de Chesil interroge avec brio ces moments très particuliers où bifurque le cours d’une vie.
En persan, Syngué sabour est le nom d’une pierre noire magique, une pierre de patience, qui accueille la détresse de ceux qui se confient à elle.
Certains, dans ce livre en tout cas, disent même que c’est elle qui est à La Mecque, et autour de quoi tournent les millions de pèlerins. Le jour où elle explosera d’avoir ainsi reçu trop de malheur, ce sera l’Apocalypse.
Mais ici, la Syngué sabour, c’est un homme allongé, comme décérébré après qu’une balle se soit logée dans sa nuque sans pour autant le tuer.
Sa femme est auprès de lui. Elle lui en veut de l’avoir sacrifiée à la guerre, de n’avoir jamais résisté à l’appel des armes, d’avoir été un héros, et pour ce résultat : n’être plus à la suite d’une rixe banale qu’un légume. Pourtant elle le soigne, et elle lui parle. Elle lui parle même de plus en plus. Tandis que dans les rues les factions s’affrontent, tandis que des soldats pillent et tuent alentour, elle parle, elle dévide sa litanie sans jamais savoir si son mari l’entend et la comprend.
Et c’est une extraordinaire confession sans retenue par quoi elle se libère de l’oppression conjugale, sociale, religieuse, allant jusqu’à révéler d’impensables secrets dans le contexte d’un pays semblable à l’Afghanistan.
À la fin du livre cette Syngué sabour explosera... Avec ce roman, directement écrit en français, Atiq Rahimi retrouve une forme de réalisme très proche de Terre et cendres avec une écriture qui, sèche et précise, sait aussi devenir par moments lyrique, emportée.
Cependant, plus directement que dans ses précédents livres, et comme de l’intérieur, il décrit avec beaucoup d’audace, la réalité oppressante, au quotidien et plus précisément au quotidien féminin, d’une certaine conception de l’Islam.
« – L’homme à la bite en pointe ! Haarrk ! L’homme à la bite en pointe ! fit la voix aiguë, nasillarde et comme avinée de Heidegger.
Brusquement excédé, Eléazard von Wogau leva les yeux de sa lecture ; pivotant à demi sur sa chaise, il se saisit du premier livre qui lui tomba sous la main et le lança de toutes ses forces vers l’animal.
À l’autre bout de la pièce, dans un puissant et multicolore ébouriffement, le perroquet se souleva au-dessus de son perchoir, juste assez pour éviter le projectile.
Les Studia Kircheriana du père Reilly allèrent s’écraser un peu plus loin sur une table, renversant la bouteille de cachaça à demi pleine qui s’y trouvait. Elle se brisa sur place, inondant aussitôt le livre démantelé. – Et merde !… grogna Eléazard.
Il hésita un court instant à se lever pour tenter de sauver son livre du désastre, croisa le regard sartrien du grand ara qui feignait de chercher quelque chose dans son plumage, la tête absurdement renversée, l’œil fou, puis choisit de revenir au texte de Caspar Schott. »
La sélection des libraires :
1968. Zoltán Soloviev, écrivain new-yorkais, assiste, à Nice, à l’enterrement de sa première maîtresse, Jiska, de vingt ans son aînée.
La petite-fille de celle-ci l’approche et l’interroge sur cette grand-mère loin de laquelle elle a été élevée… Cette demande le pousse à écrire ses mémoires en parallèle à la chronique de sa rencontre avec la jeune femme.
Son récit commence à Yalta en 1919, l’année de ses dix ans. C’est Noël et sa famille de riches propriétaires terriens s’apprête à fuir la révolution et la guerre civile.
Leur exil passera par Constantinople, Nice et enfin New York. C’est là que Zoltán s’est installé à l’âge de vingt ans avec Jiska, qu’il a découvert le monde débridé des années folles et multiplié les aventures.
Mais, en 1968, il est loin de considérer sa vie amoureuse comme terminée, et cette toute jeune fille qui le questionne sur sa grand-mère va occuper une place inattendue dans sa vie…A travers cette traversée de l’histoire d’un siècle et d’un destin singulier, Virginie Ollagnier nous donne une nouvelle démonstration de son talent.
Naples, 1980. « C’est là, au coin du vicolo della Pace et de la via Forcella, que tout bascula. D’abord il ne remarqua rien. Il continua à tirer l’enfant par le bras avec la même insistance. Lorsque les passants se mirent à crier, il s’arrêta. Il n’avait pas peur. Il ne comprenait pas.
Il contempla autour de lui. Tout était devenu étrange. Il voyait, partout, les bouches des visages grandes ouvertes. Il entendait des cris, une femme avec un sac en osier était à quelques mètres devant lui, à quatre pattes contre une voiture, agitant les pieds comme si une araignée lui montait le long des jambes.
Il resta immobile un temps qui lui parut une éternité, puis son corps sembla comprendre et il se jeta au sol. La peur venait de s’emparer de ses muscles, de son esprit, de son souffle. Il entendit des coups de feu. Plusieurs, qui se répondaient. Il avait plaqué son fils au sol, serré contre lui. ».
Lorsque la fusillade s’arrête, Matteo découvre que l’enfant est mort. Ce qui se passe ensuite, Matteo et Giuliana, son épouse, ne s’en souviennent pas. Ils ont le sentiment d’être hors de la vie, leur douleur ne connaît pas de repos. Chauffeur de taxi, Matteo erre sans but d’un point à l’autre de la ville, travaillant désormais de nuit pour ne pas voir le monde.
Un jour, Giuliana lui demande de retrouver et de supprimer le meurtrier de leur fils. Parce qu’il échoue, elle disparaît. Matteo, de son côté, apprend dans un café où se croisent d’étranges consommateurs qu’il est possible de descendre aux Enfers. Laurent Gaudé signe ici son meilleur roman depuis La Mort du roi Tsongor.
Maman me l’avait assez répété, de ne pas parler aux inconnus, de faire attention avec tous ces « détraqués » qui courent dans la nature mais là, pas une seconde ça ne m’avait traversé l’esprit.
A cause de la bonne tête de R. avec sa chevelure d’éponge, sa voiture brillante, la jolie chatte à trois couleurs dans la petite caisse, l’orage dément qui me coulait dessus et surtout – surtout – à cause de Stanislas.
Guéthary, au mois de juin. Madison, 11 ans, est enlevée au retour de l’école. Au fond de la cave qui lui sert désormais de chambre, elle essaie de comprendre le pourquoi du comment.
Avec cette foi des enfants qui ne renoncent jamais, elle réinvente un monde plus vaste, à la mesure de ses grands projets.
Delphine Bertholon signe un roman fascinant sur l’enfance et ses élans, sur l’attente, mais aussi sur toutes les stratégies que nous déployons pour être libre, chacun à notre façon.
« – Le tapis roulant qui achemine le cercueil au cœur du four rencontre une anomalie. Le système d’allumage des rampes de gaz est également affecté par la panne. J’espère que nous allons solutionner ces problèmes très rapidement.
Sa voix flûtée, haut perchée, tranchait avec la gravité de son allure, comme s’il était doublé par un ridicule personnage de dessin animé.
Mon père hocha la tête avec un léger sourire qui pouvait laisser croire à une certaine bienveillance. En réalité, je savais qu’il pestait intérieurement contre cet accroc mécanique qui retardait le moment tant attendu où le sauteur partirait en fumée.
– Décidément, ton oncle nous aura fait chier jusqu’au bout. »
Entre son épouse en pleine dépression et un père qui lui a menti toute sa vie, Paul Stern a envie de tout laisser en plan. Pour sa part, il est aux prises avec le diable de la tentation.
Une singulière proposition de travail, à un bien curieux moment de sa vie : un producteur lui propose de s’atteler à une nouvelle histoire. Le seul problème éventuel est que le lieu de travail se situe à Hollywood, dans les studios de la Paramount. Il part.
Sa rencontre avec Selma Chantz fait alors basculer sa vie : Selma est le sosie de son épouse. La copie est aussi troublante, aussi parfaite et désirable que l’original avait pu l’être en son temps.
En d’autres termes, la jeune femme a l’âge de ses enfants et le visage de leur mère. Drôle, cinglant et désespéré, Les accommodements raisonnables est probablement le roman le plus incisif de Jean-Paul Dubois, qui conserve toute la fraîcheur de son écriture.
Qui est William Gasper, cet homme qui depuis cinq ans arpente inlassablement la Lune, une "montagne de nulle part" en plein coeur du Nevada ?
De ce marcheur solitaire, personne ne sait rien. Est-il un ascète, un promeneur mystique, un fugitif ?
Tandis qu'il poursuit son ascension, ponctuée de souvenirs réels ou imaginaires, son passé s'éclaire peu à peu : ancien tueur professionnel pour le compte de l'armée américaine, il s'est fait de nombreux ennemis.
Parmi lesquels, peut-être, cet homme qui le suit sur la Lune ? Entre Gasper et son poursuivant s'engage alors un jeu du chat et de la souris.
D'une tension narrative extrême jusqu'à sa fin inattendue, L'homme qui marchait sur la Lune est un roman étonnant et inclassable qui, depuis sa parution aux États-Unis, est devenu un authentique livre culte.
« Les enfants courent, en bas, dans la rue, ils sortent de l’école avec des bruits d’oiseaux, de billes sous les fenêtres de Lucie L. endormie.
Ils traversent le sommeil, léger à cette heure, de Marie G. couchée sur sa paillasse, émoussés par la distance, font éclater à l’intérieur comme des bulles d’or, couler des perles de verre, goutter l’eau d’un ruisseau.
Les voix des femmes s’y mêlent, uniquement des femmes.
Henri D. a laissé son journal sur la table du séjour, et regarde, debout contre la vitre, les enfants s’éparpiller sur le trottoir. »
Henri est exécuteur. Sa terreur, c’est de ne rien voir au fond des yeux d’un condamné, ni la victime, ni le crime. À la prison de la Petite-Roquette, Marie, faiseuse d’anges, a été condamnée à mort et attend son sort, entravée, dans sa cellule. Elle sera l’une des dernières femmes guillotinées.
Dans son appartement du quinzième arrondissement de Paris, Lucie, une jeune femme avortée, attend une sonde plantée dans l’utérus que son fœtus glisse hors d’elle.
De l’aube du 29 juillet 1943 à l’aube du 30 juillet 1943, dans la touffeur de l’été, ces trois personnages affrontent leurs destins. Roman de violence et de retenue, Qui touche à mon corps je le tue fait allègrement table rase des modes littéraires et interroge l’Histoire.
Invitant à méditer sur le fragile équilibre de forces qui régit un être vivant, Valentine Goby a su tirer parti, comme jamais, de cet art subtil qui impose en douceur la sobriété du dit.
« Vous étiez dans les bras de votre mère. Vierge à l'Enfant, Pietà, mais en guise de crucifié c'était seulement une jeune femme qui s'était pendue. Quand leurs filles meurent, les femmes en redeviennent grosses jusqu'à la fin de leur vie. Leur ventre est beaucoup plus lourd que la première fois. »
« Lacrimosa » signifie autant « celle qui pleure » que « celle qui fait pleurer », tout en évoquant la désolation du cantique Stabat Mater.
Entre récit et roman, ce texte à deux voix se déroule sous la forme d'un échange épistolaire entre un narrateur et une jeune femme, Charlotte, qui vient de se suicider. Un étrange et poignant dialogue avec l'au-delà, qui parvient à faire renaître ces moments de vraie vie si rares dans une existence.
Trajet, réminiscences, aiguillages, allers-retours dans les arcanes de la colère des Dieux. Zeus, Athéna aux yeux pers et Arès le furieux guident la mémoire du passager de la nuit, fils d’un Français qui a fait la guerre d’Algérie et d’une pianiste d’origine croate.
Adolescent doublement imprégné de patriotisme, puis d’extrême-droitisme, il a prolongé son service militaire en sections spéciales et autres commandos, puis s’est fiancé avec la très blanche Marianne.
Mais la guerre d’indépendance de Croatie, puis la Bosnie ont fait bouillir le sang qui coulait dans ses veines. Comme d’autres volontaires – Andrija surtout, dont il porte encore le deuil, et Vlaho le débonnaire qui finira mutilé – il est allé accomplir sa part de carnage, de viols, de cruautés (certaines scènes hantent encore ses insomnies).
Saturé de violence, il s’est fait oublier quelque temps dans la mortifère Venise (où Marianne l’a rejoint et bientôt largué d’un féroce coup de pied dans les génitoires).
Puis il est rentré en France où il s’est montré peu bavard – avec son père, pourtant, il aurait pu confronter quelques souvenirs d’interrogatoires particuliers – s’est présenté et a échoué aux concours du Quai d’Orsay, est entré dans un Service du Renseignement où il a connu Stéphanie (deuxième amour, deuxième échec), puis s’est vu attribuer une “ Zone”…
Mais ce soir (quinze ans après ses premiers faits d’armes) c’est sous une identité d’emprunt que Francis Servain Mirkovic s’installe dans le train Milan-Rome pour ce qui devrait être le dernier voyage de sa carrière professionnelle.
Au-dessus de lui, une mallette que par précaution il a menottée à une des barres du filet à bagages. Demain à Rome (où Carol Vojtila n’en finit plus de gésir sur son lit d’agonie) un représentant du Vatican lui donnera trois cents mille euros – l’allusion aux trente deniers de Judas le fait sourire – en échange du trésor patiemment rassemblé dans les marges de son activité d’agent du Renseignement français dans sa Zone (d’abord l’Algérie puis, progressivement, l’ensemble du Proche-Orient).
Le contenu de la mallette : des années de missions et d’investigations. Un compendium d’archives, de fiches, de disques informatiques, d’images et de documents concernant des centaines d’individus – commanditaires ou intermédiaires, cerveaux ou exécutants, agitateurs et terroristes de toutes obédiences, marchands d’armes et trafiquants, criminels de guerre en fuite. Les hommes de l’ombre et de l’action – sans guerres, l’Histoire serait pétrifiée, le monde serait mort d’ennui ! — qu’il a côtoyés, d’Alexandrie à Tel Aviv, du Caire à Jérusalem, d’Alger à Gaza ou Beyrouth.
Une dernière transaction et il pourra changer de vie, peut-être emménager avec Sashka, une jeune Russe, peintre d’icônes… Mais la nuit risque d’être longue. Le train démarre, Francis Servain Mirkovic allias Yvan Deroy est assis dans le sens contraire de la marche, adossé à son avenir – enfin ! – et les yeux tournés vers le passé qui défile…
Qui sont vraiment les maîtres du manoir de Glenmarkie, cette bâtisse écossaise menaçant ruine, tout droit échappée d'un roman de Stevenson?
Et où est donc passé le trésor de leur ancêtre Thomas Lockhart, un écrivain extravagant mort de rire en 1660?
Fascinée par le génie de Lockhart, intriguée par l'obscur manège de ses descendants, la jeune Mary Guthrie explore les entrailles du manoir et tâche d'ouvrir les trente-deux tiroirs d'un prodigieux meuble à secrets.
Ebenezer Krook est lui aussi lié aux Lockhart. À Édimbourg, dans la librairie d'un vieil excentrique, il poursuit à l'intérieur de chaque livre l'image de son père disparu. Les tiroirs cèdent un à un sous les doigts de Mary. Les pages tournent inlassablement entre ceux d'Ebenezer. Mais où est la vérité? Dans la crypte des Lockhart? Au fond de Corryvreckan, ce tourbillon gigantesque où Krook faillit périr un jour? Ou bien dans les livres?
Peuplé de silhouettes fantasques, de personnages assoiffés de littérature qui rôdent au bord de la folie, Les maîtres de Glenmarkie brasse les époques, les lieux, et s'enroule autour du lecteur comme un tourbillon de papier. Hommage facétieux aux grands romans d'aventures, il pose et résout une singulière équation : un livre + un livre = un homme.
On l’appelait le tigre d’Ogliastra : Samuele Stocchino fut le plus redoutable bandit sarde du siècle dernier.
Marcello Fois bâtit autour du destin de ce personnage à la fois historique et légendaire un récit ample et limpide, époustouflant de beauté.Libéré de toutes les contraintes de genre qui pouvaient desservir ses qualités littéraires, Fois s’affirme maintenant comme le très grand écrivain que l’on attendait
L’impact extraordinaire du récit s’explique par la force du personnage et son incroyable destin, la poésie de la langue, mais aussi le sens de la mémoire historique qui anime l’auteur quand il nous parle des guerres ou du terrible problème du banditisme en Sardaigne.
Mémoire du vide est un roman historique, le récit de la vie d’un redoutable bandit sarde ayant réellement existé, Samuele Stocchino, marqué dès son enfance par un terrible destin de vengeance pour un verre d’eau refusé.
Fils d’une famille de bergers, il s’engage à l’âge de seize ans et part lutter contre les Turcs en Libye, puis contre les Autrichiens pendant la Grande Guerre, et rentre à chaque fois en héros dans son village sarde. Mais rien n’y fait, le voilà définitivement rattrapé par son destin : pour venger la mort de son frère et sa famille humiliée, il devient le bandit sur la tête duquel pèse la rançon la plus élevée jamais promise, sur l’ordre du Duce en personne.
Seul l’immense amour que lui porte depuis toujours Mariangela le soulage parfois, adoucissant un peu la violence qui domine toute sa vie.Dans ce roman d’une très grande puissance, Fois manie à la perfection les différents points de vue, celui de Samuele, celui des habitants du village, sorte de voix populaire, et celui d’une instance narrative supérieure, voix d’une sagesse ancestrale.
Une façon bien particulière donc de dire le passé à travers la reconstruction inquiète et fragmentée d’expériences partielles. On est fasciné par la vie de ce personnage à la fois historique et légendaire, mais aussi conquis par la force de la langue, la puissance poétique qui se dégage aussi bien des descriptions que des dialogues.
Oranges sanguines est le récit des mémoires douces amères d’un jeune sud-africain librement inspiré de la vie de l’auteur.
Des souvenirs d’enfance dans une ferme du Natal, entre Beauty la nounou zouloue et Lucky Strike le cuisinier, un père héroïsé qui chasse le springbok et une mère artiste.
Puis l’école anglaise en uniforme, jusqu’à son éveil sexuel et politique tragi-comique au lycée du Cap, alors que pointe un inquiétant nuage à l’horizon : la conscription pour l’armée sud-africaine.
Prolongement autofictionnel de Karoo Boy, Oranges sanguines évoque dans une prose fluide, sensuelle, le bonheur et l’absurdité, le désir et la peur de grandir d’un adolescent blanc en Afrique du Sud dans les dernières années de l’apartheid.
Dans un futur proche, l’État français ayant autorisé la réouverture des maisons closes, un jeune homme, en quête d’une vie nouvelle et d’un CDD, s’enrôle dans un ancien bâtiment de la Marine nationale transformé en bordel sur le littoral breton. Il y tient le vestiaire avec beaucoup de rigueur, en même temps qu’un singulier carnet de bord…
"Des néons sous la mer" nous immerge dans l’univers kitsch d’un sous-marin placé sous pavillon rose et accosté en baie de Paimpol.
Sur presque trois cents pages, le roman se construit comme une visite guidée de cet hôtel de passe aquatique.
Beau Vestiaire, c’est son nom, jeune employé dévoué, tente de saisir l’esprit du lieu avec une approche qu’il voudrait la plus scientifique possible. Les angles d’attaque de cet établissement insolite, haut lieu de l’érotisme marchand, sont multiples. Elles permettent au narrateur (témoin privilégié et acteur dudit bathyscaphe) de dresser un tour d’horizon de ces vies sous-marines. Une description qui forcément prend des allures surprenantes.
On croisera ainsi l’histoire édifiante de ce vaisseau maudit (l’ex Fascinant devenu Olaimp), des retranscriptions d’entretiens avec les douze prostituées embarquées (filles de l’eau arrivées à bon port), un audit marketing sur la clientèle (avec portraits et doléances des habitués), un florilège de contes et légendes celtiques (et assurément érotiques), une description méticuleuse des pièces du bâtiment (chambre de passes, bar, luminaires, périscope, vestiaire…), un aperçu gastronomique du restaurant local, un nuancier chromatique et une carte des plaisirs offerts (contre argent comptant).
Chacun des personnages transfigurés par Beau Vestiaire s’incarne dans cet espace nocturne réel ou fantasmé : coulisses mythiques d’une débauche jamais obscène et quotidien parfois rose parfois morose d’un lieu en marge.
Dans ce carnet de bord aussi rigoureux que fantasque, le narrateur autodidacte s’efface souvent derrière un vocabulaire informatif, factuel, sans s’interdire des ruptures de registres et des digressions qu’il rature aussitôt (jouant à la fois sur la transgression et l’autocensure). Mêlant l’anticipation sociopolitique, l’érudition parodique, la satire de moeurs et le mélodrame portuaire, Des néons sous la mer se présente d’emblée comme une fiction inclassable. Elle multiplie les voies d’eau pour approcher la question complexe et décomplexée de la prostitution.
En contrepoint à ces approches documentaires s’insèrent quatre chapitres intitulés Fugues, épisodes ordinaires qui dévoilent l’autre facette de Beau Vestiaire, hors-cadre. Virées en moto sur le front de mer, championnat de baby-foot amateur, hommage touchant à l’écorché Patrick Dewaere (natif de la région), ces échappées belles, écrites dans une prose plus narrative, sondent avec justesse la mélancolie buissonnière du héros. Les fragments de vie (contemplative, éthylique et amoureuse) entremêlés au pseudo rapport d’enquête, brossent le portrait en creux d’un anti-héros, iconoclaste au naturel désarmant, qui finira par quitter ce paradis artificiel si cet adieu est encore possible.
Le jour de sa mort, Julio Carrión, prestigieux homme d’affaires qui a acquis son pouvoir durant la dictature de Franco, lègue une fortune considérable à ses enfants.
Il leur laisse également un passé incertain, caché, chargé de culpabilité, qui remonte à ses années dans la division azul, durant la guerre civile espagnole.
À son enterrement, en mars 2005, son fils Álvaro, le seul à ne pas avoir voulu travailler dans les affaires familiales, est étonné par la présence d’une belle jeune femme que personne ne reconnaît et qui fut peut-être la dernière maîtresse de son père.
En revanche, Raquel Fernandez Perea, fille et petite-fille de républicains exilés en France, n’a jamais oublié le mystérieux épisode de son enfance, quand, après la mort de Franco, elle avait accompagné son grand-père chez des inconnus qui lui semblaient étrangement liés à l’histoire de sa famille.
Aujourd’hui, le hasard réunit Álvaro Carrión et Raquel Fernández, irrésistiblement attirés l’un par l’autre. Dans une quête passionnante et douloureuse, ils vont découvrir l’influence dramatique d’anciennes histoires familiales sur leurs propres vies.Le Cœur glacé est un roman magistral qui entraîne le lecteur dans son histoire comme un fleuve déchaîné.
La sélection des adhérents :
« Moi, c’est de voir ma grand-mère cuisiner qui me donne le frisson. Elle allume le gaz du four et au lieu de lancer directement l’allumette, elle prend son temps. C’est un suspense terrible.
Je me sens responsable de tout l’immeuble, parfois même je me demande si je ne suis pas complice de cette explosion qui arrivera tôt ou tard, en plein cœur de Nice.
Je lui dis : « Lance l’allumette ! » et comme elle est sourde et que je suis obligée de crier, tout ça devient encore plus inquiétant, je hurle : « Lance l’allumette maintenant, Babouchka ! Lance l’allumette ! Mais vas-y !!! », et je vois bien que je l’agace, elle hausse les épaules et prend son temps pour gratter cette foutue allumette et la lancer dans le trou noir où le gaz l’absorbe dans un grand bruit de courant d’air.
Et là, je respire. Même si ça sent affreusement le gaz, je respire, je suis soulagée, la mort tragique et accidentelle des voisins est remise à plus tard. »
Sonietchka, dont la mère est toujours absente, vit seule avec sa grand-mère. Entre les repas partagés les amies russes qui sentent le chat pisseux et le vieil édredon, la corvée des courses, l’odeur du café au lait qui l’écœure et les nombreuses bizarreries de sa Babouchka obnubilée par la Révolution, l’adolescente rêve d’une vie indépendante.
Le seul avantage d’être son interlocutrice privilégiée, c’est que même sans n’avoir jamais rien appris à l’école, elle a la tête farcie d’un nombre incalculable de prix Nobel, héros immortels et auteurs essentiels. Mais à treize ans, elle sent bien que la vie, la vraie, est ailleurs. Véronique Olmi avance sans filet sur le fil des mots : un roman subtil et palpitant.
Un jour avant Pâques
Roman écrit à la première personne, celle d’un narrateur penché sur son passé, Un jour avant Pâques raconte la vie d’une famille arménienne en Iran.
Trois délectables sagas de la mémoire s’enchaînent, ou plutôt trois périodes de la vie du narrateur, et toujours à la veille de Pâques, fête des œufs peints et de la Résurrection.
Enfant particulièrement sensible et délicat, le narrateur se souvient des conflits multiples qui émaillaient sa vie d’écolier : les disputes entre ses père et mère comme les chamailleries entre voisins.
En compagnie de Tahereh, fillette remuante et spirituelle, le narrateur enfant découvre les prodiges minuscules de l’univers, comme la visite d’une coccinelle ou d’un rayon de soleil. Tahereh n’est autre que la fille du concierge musulman. Acceptée dans l’école arménienne, elle se révèle une excellente élève. Leur amitié d’enfants s’épanouit, miraculeuse, sous l’œil ombrageux des vieux.
La deuxième veille de Pâques voit notre narrateur rattrapé par le temps : désormais directeur d’école, marié et père de famille, il tente de dissuader Alenouche, sa fille, d’épouser le jeune musulman d’origine turque dont elle est éprise.
L’histoire de Danik, sa collaboratrice appréciée à la direction de l’école, fait écho au drame familial : arménienne de Tabriz, elle a été rejetée de son village à cause d’un flirt avec un musulman.
Plus tard, et c’est le troisième volet de ce roman de la mémoire juste, son épouse meurt de chagrin et il ne pourra s’empêcher de reprocher à sa fille cette rupture des traditions, cause apparente de tous les malheurs. Cependant c’est avec Danik qu’il passera les Pâques et apprendra à pardonner sa propre fille.
Perché dans un oranger de son jardin, Ismael regarde sa jolie voisine prendre un bain de soleil de l’autre côté du mur. Ismael a toujours aimé regarder les femmes, Otilia son épouse pense que c’est une honte, un instituteur à la retraite ne doit pas devenir un vieux voyeur.
San José était une jolie petite ville colombienne avant que des gens ne commencent à disparaître et que des hommes en armes que personne ne peut identifier ne patrouillent dans les rues et se battent sur les places.
L’atmosphère du village se dégrade et Ismael perd confiance dans ses capacités. Un matin au retour de sa promenade il apprend que ses voisins ont été enlevés et qu’Otilia, inquiète, est partie à sa recherche dans le village.
Les habitants s’enfuient mais il décide de rester pour attendre Otilia.Evelio Rosero nous montre le monde du point de vue du vieil instituteur dont la stabilité mentale s’effondre lorsque le village est dévasté, il nous donne à voir ce qu’est la violence arbitraire et irrationnelle exercée sur des otages anonymes par la guérilla colombienne.
Mais Rosero aborde ce thème usé de façon radicalement différente. Parce que le narrateur est un vieillard et le cadre des ruines, le style est hésitant, syncopé, toujours au bord de l’hésitation. Au lieu de raconter la dégradation et la violence, l’auteur compose un roman dégradé et violent.Ce livre à reçu le premier prix Tusquets à Guadalajara en 2006, dont le jury était présidé par Alberto Manguel.
La cinquantaine bien entamée, Jérôme Lafargue vit le quotidien tranquille et appréciable d’un universitaire parisien pétri de littérature européenne, partageant ses jours entre le bonheur serein d’un couple solide, les sourdes et rares joies de l’enseignement, les réunions ubuesques entre collègues, les visites à son père atteint de pertes de mémoires, les nouvelles épisodiques de son fils et de son frère, tous deux à leur façon avalés par une modernité à laquelle lui-même résiste avec une détermination non dénuée d’humour.
Le jour où, récalcitrant, il rencontre pour la première fois Johann Launer, sur l’insistance de ce dernier, il écrit dans son journal : « Un rendez-vous catastrophique ce matin avec un Allemand inconnu. Ce n’est pas un fou, mais un homme profondément malheureux, car il pense avoir découvert qu’il est un autre, dont il ne sait même pas le nom. »
De fait, c’est le mystère de sa propre identité que Johann Launer espère dénouer en fouillant les replis de la mémoire endormie de Jérôme Lafargue. Retrouvées dans les papiers de son père après sa mort, une carte postale signée de sa main et une vieille photographie en attestent : à Munich, en 1968, le Français a effectivement rencontré et séjourné chez un certain Wenzell Launer, déjà âgé à l’époque, veuf, habitant seul l’absence de son fils alors étudiant à Tübingen.
Mais aujourd’hui, l’Allemand – universitaire lui aussi, mais, ironie du destin pour un homme en délicatesse avec son propre passé, professeur d’histoire – n’est plus du tout certain d’être le fils de l’homme qui l’a élevé.
En quête de réponses sur les mystères d’un passé enfoui dans le cœur de l’Europe en guerre, réveillant chez Jérôme Lafargue les souvenirs occultés d’une déterminante escapade de jeunesse en terre européenne (parti pour noyer dans une expérience nouvelle les arrière-goûts rééducatifs de mai 68, le jeune homme rencontrera à Munich la jeune pragoise en fuite qui deviendra sa femme), la démarche inquiète et pleine d’espoirs de Johann Launer jette un éclairage entièrement nouveau sur le patient échafaudage de toute une vie.
Et si c’est son propre passé que Jérôme Lafargue se prend à réinvestir, si c’est sa propre présence au monde et au temps qui s’en trouve fondamentalement modifiée comme par un infime et néanmoins sensible changement d’angle, la reconstruction inattendue qu’il entreprend de lui-même, pour le compte d’un autre, ne s’accomplira que dans le glissement vers la réinvention de cet autre-là. Fiction de l’intériorité, exploration du temps et des infidélités de la mémoire, La Reconstruction devient alors l’impressionnant bréviaire d’un avènement à la verticalité du présent.
À Beyrouth-Ouest, Bassam et Georges, deux amis d’enfance, tuent leur ennui et leur mal de vivre à coups de petits boulots minables, de maigres larcins et de soirées trop arrosées.
Les jours se suivent et avec eux les alertes, les morts, les immeubles en ruine. Les filles sont difficilement accessibles, muselées par les traditions et les couvre-feux.
Entre deux visites aux copains de lycée engagés dans la milice, les deux jeunes gens s’imaginent coulant des jours meilleurs : Bassam rêve de fuir à l’étranger, et Georges, lui, se sent de plus en plus attiré par les discours belliqueux de la milice chrétienne.
Dans un ultime défi, les deux amis décident de détourner la recette de la salle de jeu où Georges travaille. Mais l’argent seul suffira-t-il à les éloigner de la guerre et à sauver leur amitié ?
Porté par une écriture sans concessions, le premier roman de Rawi Hage annonce, au-delà de la puissance du récit, l’avènement d’un grand écrivain.
Rickey et G-ma décident d'ouvrir à La Nouvelle-Orléans un restaurant où tous les plats contiendront un petit plus spiritueux...
Commence une course frénétique et épicée à travers les cuisines, les arrière-cours, les bouges et les deals d'une ville amoureuse de l'alcool
Poppy Z. Brite mixe ambition, scandale, cocaïne et meurtre, et nous sert Alcool bien tassé, avec une paille !
Née en 1967 à la Nouvelle-Orléans, Poppy Z. Brite décide à 18 ans de vivre de sa plume. Inspirée par Baudelaire et Stephen King, elle est révélée par ses premières nouvelles au charme vénéneux, bénéficiant aussitôt du soutien inconditionnel d'auteurs tels que Dan Simmons, Neil Gaiman ou Dennis Cooper. Ses écrits scandalisent, mais elle est distinguée en 1994 par le British Fantasy Award et fait figure de chef de file d'une avant-garde d'écrivains entre underground, terreur et poésie du corps.
En France, elle a publié Ames perdues et Sang d'encre, Contes de la fée verte, la biographie Courtney Love et le sulfureux et extraordinaire Corps exquis. Sont depuis parus au Diable vauvert, son recueil d'essais et chroniques, Coupable, la novela Plastic Jésus traduite par Virginie Despentes et deux recueils de nouvelles, Self made man et Petite cuisine du Diable.
« Le jour où je revins à Templeton, en pleine disgrâce, le cadavre d’un monstre mesurant près de seize mètres émergea à la surface du lac Glimmerglass. »
Ainsi s’ouvre Les Monstres de Templeton, un roman qui balaie deux siècles d’histoire : celle d’une jeune fille à la recherche de son père, et celle d’un village, ancrée dans l’Amérique profonde, au milieu des légendes et des secrets de famille.
À la suite d’une déconvenue amoureuse, Willie Upton frappe à la porte de la vieille demeure où vit encore sa mère, Vivienne, ancienne hippie devenue baptiste fervente sur le tard…
Au lieu du réconfort qu’elle vient y chercher, Willie trouve un village sens dessus dessous, chamboulé par l’apparition d’un animal démesuré, et découvre un terrible mensonge : son père existe bel et bien, elle n’est pas le fruit hasardeux des amours libres de sa mère, mais bien la fille d’un homme connu et reconnu dans Templeton. Lancée dans une enquête à rebondissements pour retrouver son père, elle part sur la trace de ses ancêtres et reconstitue la fabuleuse généalogie qui mène à son histoire.
« Il convient de commencer par la fin. Par le début de la fin, qui est en soi un commencement : je voulais une maison. Je voulais une maison pour qu'elle m'avale, je me souviens avoir pensé : j'aimerais tant être nulle part.
Être nulle, annulée. Une maison, si possible au bord de la mer, comme antidote à l'étroitesse d'horizon. Je n'eus pas à chercher. Je marchais sur un sentier de la côte, le 15 avril dernier, quand je lus « En vente » sur un panneau rouillé. « En vente, bord de mer ».
Au pied du panneau, une piste de terre battue dévalait une pente abrupte, je me sentis soudainement fatiguée et je rebroussai chemin. J'y repensai cependant, plusieurs fois le même jour, puis de façon presque obsessive le lendemain. Ma fatigue, je le sais maintenant, était de celles ressenties parfois lorsqu'un appel tant attendu nous est finalement adressé. On pense, « Non, pas déjà ». On pense : « Laissez-moi donc tranquille. »
Tout commence dans une maison qui n'existe pas, où la nature semble complice, et où une femme élit domicile pour murer sa solitude. Espace concocté par ce qui, chez elle, demeure capable de vision, de guérison et d'espoir, la maison va très vite se peupler de souvenirs et finir par disparaître au profit d'une autre histoire, d'autres histoires. Des histoires qui appartiennent au passé, réelles ou fantasmées, vécues ou racontées, celles de quatre femmes dont le dénominateur commun est la maternité.
Dans ces récits qui jalonnent l'existence de nos héroïnes se croiseront en bataille : un amiral à la retraite qui trouve une bouteille à la mer ; des jumeaux, héritiers d'une clé d'or ; une préceptrice de pensionnat, un valeureux chevalier sans visage, ou encore la famille Fire Ten.
Pour son deuxième roman, le premier publié en France, Pascale Quiviger s'attache à un univers essentiellement féminin, ponctué d'ombres masculines, en filigrane. Dotées de prénoms lumineux, les héroïnes de son récit traverseront vie et mort, amour et amitié, solitude et solidarité. Les registres, quant à eux, s'entremêlent : le conte fantastique navigue avec fluidité jusqu'aux rives de la féérie ou encore de la fable. Le tout est servi par une plume langoureuse, méticuleuse et précise.
Il a trente ans, il est plutôt sympa et son meilleur ami c’est Dieu. Très utile, surtout quand on rencontre la femme de sa vie, qu’elle est étudiante à la Sorbonne alors qu’on est… vendeur dans un sex-shop.
« En l’an zéro de cette histoire, je rencontre les deux personnes qui vont bouleverser ma vie : Dieu et Alice.
Dieu, c’est… Dieu : fascinant, omniscient, préoccupé par les hommes, attentif mais doté d’un sens du comique parfois surprenant !
Alice, c’est une étudiante en psycho, qui me fait chavirer dès qu’elle lève les yeux sur moi. L’amour avec Alice, c’est tellement rare, tellement fort qu’on l’apprécie à chaque instant et qu’on ne se remet jamais.
Et Dieu dans tout ça ? On parle, on rigole, on raisonne, on se dispute, mais il est là, toujours, même dans les moments les plus noirs. Dieu est un ami tellement formidable que j’en oublierais presque qui Il est. Et pourtant, il faudra bien qu’Il réponde à cette question : pourquoi moi ? Pourquoi m’avoir choisi entre tous les hommes comme meilleur ami ? »
Un témoignage bouleversant d’un vieil homme qui se souvient d’avoir été un enfant témoin malgré lui de l’horreur nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
La force d’une quête des origines.
Un livre qui a un retentissement important en Australie et dans différents pays.
Un récit qui suscite de vives polémiques historiques et apporte un éclairage nouveau sur le rôle de la communauté lettone et ses rapports avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cela fait près de cinquante ans qu’Alex Kurzem s’est intégré dans la société australienne et est devenu un véritable « aussie ». Il reste pourtant peu bavard sur ses origines européennes.
Longtemps, ses enfants et son épouse ont cru qu’il ne se souvenait pas de son enfance en Lettonie, et qu’orphelin, il avait été adopté par une famille lettone durant la Seconde Guerre mondiale, avant d’arriver en 1949, à environ 14 ans, à bord du paquebot Nelly, reliant l’Europe d’après-guerre et l’Australie.
Mais un jour, il y a une dizaine d’années, ce vieil homme, qui s’est accroché toute sa vie à une petite valise et quelques photos, probablement pour tenter d’y deviner son passé, confesse à son fils aîné, Mark, ce secret trop lourd à porter, et lui dévoile des bribes d’une mémoire trouée, lui demandant de l’aider à combler les vides et l’entraînant dans une quête de ses origines.
C’est ainsi que ce récit biographique raconté à la fois par le fils et le père, évoque la vie d’un enfant juif, vivant paisiblement avec sa famille en Biélorussie.
Un soir d’octobre 1941, alors que sa mère lui demande de se préparer à mourir, l’enfant s’échappe de chez lui, et réfugié dans un arbre, en haut d’une colline, assiste le lendemain au massacre des siens, témoin malgré lui de la Shoah par balles.
Il erre alors dans la forêt, avant d’être capturé par le 18ème bataillon policier letton, en opération en Biélorussie. C’est un soldat, Jekabs Kulis, qui lui sauve la vie d’un peloton d’exécution et lui fait promettre de cacher ses origines.
Affublé d’un nouveau nom, Uldis Kurzemnieks, il devient la mascotte de ce bataillon, sous commandement des SS de la Wehrmacht.
Ce récit, qui fit l’objet d’un documentaire en 2002, diffusé en Australie sur la chaîne ABC, est un témoignage bouleversant qui s’apparente aux Disparus de Daniel Mendelsohn et suscite encore aujourd’hui une vive polémique historique dans la communauté lettone.
Je ne sais pas s’il est vrai que je devrais avoir honte de ce que je fais. Je ne sais pas s’il est vrai que je n’ai pas ou plus la moindre idée de ce qu’est la réalité, comme on me l’a reproché parfois ; on m’a traitée de marchande de rêves et c’était indifféremment un compliment ou la pire des injures.
Aux yeux de mes clients, je suis quelqu’un qui console et soigne ou qui vend la plus toxique des drogues. Mais la vie m’a appris qu’il n’y a rien de moins réel que ce qu’on nomme la réalité et qu’une mort, une trahison, une souffrance cessent d’exister du moment qu’on arrive à les distraire. »
Avec son agence Pour vous, Delphine rend les gens moins malheureux qu’ils ne l’étaient auparavant. Elle répond à des demandes variées : envoyer pendant trois mois des lettres et des dessins supposément faits par un enfant de six ans emmené par sa mère et que le client n’a pas le droit de voir, enregistrer les répliques de la dernière conversation qu’un homme a eu avec sa femme la veille de sa mort en laissant des blancs pour ses mots à lui, dîner avec un client chaque samedi parce qu’il est incapable de supporter sa solitude de divorcé, prêter le bébé d’une de ses employées à un couple qui n’a pas d’enfant…
Delphine à réponse à tout. Tant que le client paye, il doit en avoir pour son argent. Un jour, elle accepte de devenir mère porteuse. Dominique Mainard a décidément un univers bien à elle. Et un sacré tempérament. Pour vous est peu conventionnel, très noir et pas du tout moral. Un vrai régal.
Gabriel a bien tenté de croire au bonheur. Subjugué par Laura, il s'est arrimé à son rire et s'est employé à vivre au présent. Mais du jour où elle lui a annoncé qu'elle attendait un enfant de lui, il a pris la fuite, sans un mot...
Quand, après des mois d'errance dans Londres, il échoue par hasard dans une synagogue, les chants des hommes l'apaisent, et libèrent enfin sa parole.
Il se lance alors dans l'écriture de cette longue confession, où le silence et la culpabilité dansent un vertigineux pas de deux.
De lui, de son enfance solitaire, de sa soeur aînée fauchée par un chauffard ivre, de ses parents murés dans leur deuil, de leur refus de rien lui révéler sur leur passé, il n'a jamais pu parler, ni à Laura, ni à son ami Léo. Jamais il n'a pu exprimer la vérité de ses sentiments.
Et, si des mots il a fait son métier, c'est pour traduire ceux des autres, barricadé derrière une montagne de dictionnaires.
Quand, à la faveur d'une rencontre des traducteurs de Thomas Mann en Hongrie, une clef de son passé lui est révélée dans un cimetière de Budapest, ses souvenirs se bousculent : les phrases murmurées par ses parents dans une langue étrangère, la saveur de la cuisine magyare, la fascination pour la littérature de la Mitteleuropa qu'avait su éveiller en lui le vieux libraire du pays champenois où il a grandi...
Évoquant le désarroi existentiel et sentimental de cet homme fragile livré à lui-même, Jean Mattern écrit avec des accents justes et mesurés un lumineux roman des origines.
Les arbres généalogiques ont parfois des racines incertaines, tordues, cachées qui donnent des enfants aux blessures secrètes et aux conduites imprévisibles.
Chez les Berynx, on trouve le lot ordinaire de patriarches puissants, de mères effacées, d’enfants fragiles et de malheurs.
Sabine, la belle-fille, a quatre enfants, son mari s’est tué en voiture. Leur cadette Marie s’en est sortie avec un pied en moins. Sabine a repris l’affaire et engagé Pierre, un inconnu rencontré un soir, déguisé en Père Noël. Il va devenir leur ange gardien, surtout celui de Marie, fillette révoltée, qui vit en compagnie d’une Zoé imaginaire, qui aime les arbres, les mots et le vent.
Dix ans plus tard après une fête familiale, Pierre disparaît, pour ne réapparaître furtivement que huit ans après, éconduit par la domestique qui lui reproche son abandon.
Un roman où chacun travaille à cette construction de soi qui ne peut se faire que dans le dénouement du lien familial, après en avoir exorcisé le lot des responsabilités et des douleurs.
Chaque personnage apparaît comme un mystère à lui-même, nimbé d’un rêve incertain qui lui fait échapper au temps contemporain. Personnage fascinant, énigmatique, bon, sage et insensé, Pierre, dont certains traits rappellent Magnus, est le catalyseur de cette histoire envoutante, singulière et profondément humaine qui passe des drames de la Seconde Guerre mondiale aux errances solitaires des années 80.
quelques livres déjà retenus...
et maintenant ça s'aggrave...
Tout ne me tente pas, heureusement,
mais il y en a beaucoup tout de même.
Alors, espérons que la bibliothèque aura suffisament de crédits...
*
1 commentaire:
Bonjour,
tu fais partie du jury Fnac? j'ai eu la chance de le faire 3 fois , et les titres présentés me tentent. j'ai déjà commandé le JP Dubois, me laisserait certainement tenter par "la mascotte" ! Incroyable que cette période fascine toujours autant et révèle encore des secrets !
Enregistrer un commentaire