dimanche 24 août 2008

Robert Merle - La Mort est mon métier

Souvenir le lecture
la littérature des camps.





La mort est mon métier est une biographie romancée de Rudolf Höß (renommé Rudolf Lang dans l'ouvrage), écrite par Robert Merle et parue en 1952.
Rudolf Höß était le commandant du
camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz pendant la seconde Guerre mondiale.
*
L'histoire commence en 1913,

Rudolf Lang a alors 13 ans.

Il reçoit une éducation catholique mal comprise et très normative.

Son père, homme déséquilibré, avec qui ses rapports sont tendus, veut qu'il devienne prêtre.

A quinze ans et huit mois, Lang débute sa carrière militaire qui le mène en 1943 à Auschwitz où il est le commandant.

Ce camp, d'abord de concentration, puis d'extermination, devient le lieu de la lente et tatônnante mise au point de l'Usine de Mort du village d'Auschwitz.

Lang va s'y attacher à accomplir la mission qui lui a été assignée : tuer le plus grand nombre de Juifs et en éliminer le plus efficacement possible les cadavres.

Robert Merle s'est appuyé sur les témoignages directs de Rudolf Hoess, écrits en prison à la suite de son procès, ainsi que sur les comptes rendus du procès de Nuremberg.

Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'État. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux. (Robert Merle, 27 avril 1972)

Dans son ouvrage, Robert Merle a renommé Rudolf Hoess en Rudolf Lang, qui était le nom d'emprunt de celui-ci après sa démobilisation
SS.Adolf Eichmann a aussi été renommé en Wulfslang, mais il conserve son grade d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel)
*
La mort était leur métier
Il était intéressant de voir si la commémoration des 60 ans de la libération d’Auschwitz prolongerait l’émotion médiatique en librairie.

On peut donc se réjouir de relever que Si c’est un homme figure dans la liste des meilleures ventes de la semaine.

Outre le livre de Primo Levi, les autres grands textes incontournables (ceux de Robert Antelme, David Rousset, Imre Kertez, Jorge Semprun notamment) trouvent de nouveaux lecteurs.
Mais il en est un rarement cité, probablement parce qu’il n’émane pas d’un témoin ni d’un rescapé, et qu’il a été écrit sous forme de fiction. Ce qui ne se faisait pas et ne se fait guère.

C’est d’autant plus regrettable que La Mort est mon métier (Folio), que Robert Merle publia en 1952, est certainement un de ceux qui ont le plus fait pour révéler l’univers concentrationnaire aux jeunes.

Il s’agit en quelque sorte des mémoires imaginaires de Rudolf Hoess (rebaptisé pour l’occasion Rudolf Lang), commandant du camp d’Auschwitz. Merle a basé son roman sur les interrogatoires de Hoess dans sa cellule par le psychologue américain Gilbert, et sur les documents du proçès de Nuremberg. Le résultat est saisissant.

A sa sortie, le le livre fut éreinté ou ignoré par la critique car il violait un tabou. Mais l’adhésion des lecteurs alla crescendo.

Vingt ans après, pour une énième réédition, Robert Merle écrivit une préface qui se terminait par ces mots :“Il y a eu sous le Nazisme (tiens, pourquoi cette majuscule ?) des centaines, des milliers, de Rudolf Lang, moraux à l’intérieur de l’immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs “mérites” portaient aux plus hauts emplois.

Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l’impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l’ordre, par respect pour l’Etat. Bref, en homme de devoir : et c’est en cela justement qu’il est monstrueux”.

Au coeur des ténèbres, quand on touche de cette région obscure de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité, et qu’on croit basculer dans une logique de la folie, seule la fiction suinte la vérité.

Quand osera-t-on faire d’un roman, celui-ci en l’occurence, l’indispensable complément à l’essai d’Hannah Arendt sur la banalité du mal ? -

*

Commentaire lu sur Amazon :

Dans ce livre écrit en 1952, Robert Merle raconte, en romancier, la vie de Rudolf Lang (R.Hoess), commandant du camp d'extermination d'Auschwitz.

Il a le mérite de la précision, et se distingue par sa très grande clarté. A ce titre, il mérite d'être lu, l'écriture est limpide. Pourtant, l'ensemble pose un sérieux problème.

Robert Merle montre une psyché, déterminée par un Père ultra-autoritaire, haïssant la vie, hanté par l'obsession du diable, imposant une discipline absolue, réglant chacun des gestes de sa famille et rejetant tout moment mort, toute incertitude, tout ce qui peut échapper à sa maîtrise (le corps, l'affection, l'avenir).

Rudolf vit dans un monde sans liens avec quiconque. Seule l'image du Père, qu'il haït mais auquel sa vie sera vouée malgré lui, l'habite.

A la mort de son père, l'Allemagne seule le remplacera. Il entre dans la guerre de 14 à seize ans seulement. Il ne quittera plus la guerre, « La mort est mon métier », sa vie alors ne sera plus qu'une longue obéissance au Père.

Mais c'est justement là que le bas blesse. Peut-on soumettre une étude psychologique à un déterminisme absolu ? Et si oui, la création littéraire doit-elle pour autant se soumettre à un impératif qui lui semble par nature extérieure ?


Ainsi ai-je souvent été agacé par certaines notes psychologiques, sur le conformisme, l'indifférence profonde au monde, la recherche désespérée de la sécurité dans l'ordre, qu'on n'apprend à prévoir au fil des pages.

Il ne s'agit pas de rejeter le portrait psychologique brossé par l'auteur, mais de dire plutôt que celui-ci a soumis son écriture à son objet, là où un tel destin semblait nécessiter plus d'étonnement, de tâtonnement de la part de celui qui le décrivait.

Au total, Robert Merle donne peut-être lui même la clé de ces objections, dans sa préface écrite en 1972 : « La Mort est mon Métier n'a pas manqué de lecteurs. Seul leur âge a varié : ceux qui le lisent maintenant sont nés après 1945. Pour eux, La Mort est mon Métier, c'est un « livre d'histoire. »

Et dans une large mesure, je leur donne raison. » Livre de témoignage, étude historique, de psychiatrie. Aucun de ces mots ne semble pouvoir être rejeté. Mais s'agit-il alors d'un roman ? Nous conseillons en parallèle la lecture du livre de Peter Diener, Le journal d'une folle, Edition de l'aube, qui pour cet investissement, du côté de la victime, est autrement plus précieux. Par FJLB "fjlb"
*
Note :

Des livres sur la seconde guerre mondiale, on en manque pas, mais celui-ci est particulier, puisqu'il est consacré non pas aux victimes mais à l'homme qui va se retrouver à diriger un camp de concentration... un homme, banal, presque médiocre, en un mot : ordinaire, placé dans une situation elle extraordinaire.
*


Un livre qui met véritablement mal à l'aise... mais qu'il faut absolument lire.


*


L'an dernier, on a souvent comparé "les bienveillantes" de Jonathan Littell... ce dernier est impressionnant, mais il me semble que "la mort est mon métier" nous amène a nous poser des questions plus intimes, plus personnelles... et terrifiantes.

Aucun commentaire: