lundi 25 août 2008

Jean Teulé - Le Montespan

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En 1663, Louis-Henri de Montespan, jeune marquis désargenté, épouse la somptueuse Françoise « Athénaïs » de Rochechouart.

Lorsque cette dernière accède à la charge de dame de compagnie de la reine, ses charmes ne tardent pas à éblouir le monarque à qui nulle femme ne saurait résister.

D'époux comblé, le Montespan devient alors la risée des courtisans.

Désormais, et jusqu à la fin de ses jours, il n aura de cesse de braver l'autorité de Louis XIV et d exiger de lui qu il lui rende sa femme.

Lorsqu'il apprend son infortune conjugale, le marquis fait repeindre son carrosse en noir et orner le toit du véhicule d'énormes ramures de cerf.

La provocation fait scandale mais ne s'arrête pas là. Le roi lui a pris sa femme, qu à cela ne tienne : il séduira la sienne. Une fois introduit dans la chambre de la reine, seule la laideur repoussante de celle-ci le fera renoncer à ses plans.

À force d'impertinences répétées, l'atypique, facétieux et très amoureux marquis échappera de justesse à une tentative d assassinat, puis sera exilé sur ses terres jusqu à sa mort.

En ayant porté haut son indignation, y compris auprès du pape, le marquis de Montespan fut l'une des premières figures historiques à oser contester la légitimité de la monarchie absolue de droit divin. Il incarne à lui seul l'esprit révolutionnaire qui renversera un siècle plus tard l'Ancien Régime.

Après avoir si brillamment dépeint le Moyen Âge dans Je, François Villon, Teulé, qui a le don de brosser l'atmosphère d une époque, restitue le temps des précieuses ridicules et des salons mondains, comme celui des chansons paillardes et des crasseuses garnisons du roi.

Son style emprunte aussi bien à la verve des fabulistes dont Mme de Montespan fut la protectrice, qu'à la grivoiserie populaire. Et nous fait reprendre goût, par son humour irrésistible, à la saveur d une langue piquante et imagée...
Biographie de l'auteur

Jean Teulé (Saint-Lô, Manche, 26 février 1953) est un romancier français, qui a également pratiqué la bande dessinée, le cinéma et la télévision.

Auteur de bande dessinée dans un premier temps, il a débuté à la télévision dans
L'assiette anglaise de Bernard Rapp ou Nulle part ailleurs sur Canal+.

Homme de télévision,
scénariste, comédien, cinéaste, il est avant tout écrivain. Ayant abandonné toute autre activité, il se consacre désormais à l’écriture.

Il a publié, aux Éditions Julliard,
Rainbow pour Rimbaud (1991),
L'Œil de Pâques (1992),
Ballade pour un père oublié (1995),
Darling (1998)
et Bord cadre (1999),
Longues Peines, Les Lois de la gravité, Ô Verlaine ! (2004),
Je, François Villon (2006),
Finalement, en 2008 "Le Montespan".

Il a également publié plusieurs bandes dessinées, basés essentiellement sur des photos retouchées.
À la ville, Jean Teulé est le compagnon de l'actrice
Miou-Miou.
Autres titres lus :

Je, François Villon

Il est peut-être né le jour de la mort de Jeanne d'Arc.

On a pendu son père et supplicié sa mère.

Il a étudié à l'université de Paris.

Il a joui, menti, volé dès son plus jeune âge.

Il a fréquenté les miséreux et les nantis, les curés, les assassins, les poètes et les rois.

Aucun sentiment humain ne lui était étranger.

Ides plus sublimes aux plus atroces, il a commis tous les actes qu'un homme peut commettre.

Il a traversé comme un météore trente années de l'histoire de son temps.

Il a ouvert cette voie somptueuse qu'emprunteront à sa suite tous les autres poètes : l'absolue liberté.

Après Rimbaud et Verlaine, Jean Teulé ne pouvait mieux clore son voyage en Poésie qu'en endossant avec orgueil et humilité les haillons magnifiques de François Villon.


Le Magasin des Suicides

Imaginez un magasin où l'on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider.


Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l'humeur sombre jusqu'au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre.




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Les lois de la gravité

"Il y a quelques années, la police est venue à mon domicile pour enquêter sur la mort de mon mari. Ils en ont conclu à un suicide. Eh bien, ce n'est pas vrai. C'est moi qui l'ai poussé du onzième étage".

Une femme pénètre en pleine nuit dans un bureau de police pour confesser le meurtre de son mari. Dix ans jour pour jour après cet homicide déguisé en accident – c'est-à-dire la veille précisément où du point de vue juridique il y a prescription – cette femme, mariée à un homme alcoolique, dépressif et violent qui la battait et battait ses enfants, dévorée de culpabilité et de remords, vient se livrer spontanément.

S'engage avec le fonctionnaire de police qui la reçoit et qui l'écoute un échange où les deux êtres, l'homme et la femme, se livrent à une confession intime.

Armé d'un tel scénario Eric-Emmanuel Schmitt aurait fait une longue dissertation rhétorique dialoguée sur la question morale de la valeur du crime. Le propos et le talent de Jean Teulé est tout autre.

Entre la femme qui s'accuse et le flic qui récuse, l'auteur parvient à faire surgir toute l'humanité du drame.

En arrière-plan de ce magnifique petit roman, on voit poindre par petites touches ("Il est, monsieur, des amours sans douceur", "Je vole des roses dans la ville d'à côté où j'habite"), la détresse de vies sociales brisées.

Teulé touche juste quand il fait sonner sobrement ces "mots des pauvres gens", comme disait Léo Ferré, qui sont les seules armes des anonymes de l'existence. Et signe un roman certainement plus engagé et profond qu'il n'y paraît

Extrait

Le corps de Jimmy s’était éloigné horizontalement dans l’air tandis que sa femme reculait, reculait dans la salle à manger en se cachant les yeux. Un mètre devant le balcon, vue imprenable du mari sur son épouse et l’appartement du onzième étage. Il en parut surtout surpris.

La nature, elle-même, sembla décontenancée et il lui fallut une fraction de seconde pour se rappeler cette loi naturelle et indiscutable par laquelle un corps lancé dans le vide est attiré vers le bas.

C’est un phénomène physique contre lequel il est inutile de lutter. La femme aurait eu beau se pencher par-dessus le balcon et crier : « Pardon, je regrette. Chéri, chéri, reviens ! », ça n’aurait servi à rien.

Quand la chute est lancée, il faut qu’elle aille à son terme. Si la rambarde a été franchie, on ne peut plus rien pour personne.

Jimmy ressentit le vent vertical de la vitesse lui remonter dans les jambes du pantalon. Ce fut pour lui une sensation inédite.

Il se rappellera aussi toute sa vie — c’est-à-dire encore une seconde, une seconde et demie —, qu’il avait également plaqué ses bras de chaque côté du corps afin d’éprouver la même vibration dans les manches.

On a parfois de ces idées…

Le policier, lui-même… a de drôles d’idées, se sentant face à un processus dont il se demande bien comment il pourrait en inverser la trajectoire.

— Est-ce que vous avez bien compris, madame, ce qu’il va se passer maintenant pour vous ? Que je vais vous coller en taule, moi ?

— Oui.C’est un bruit simple comme les talons du mari claquant sur la dalle en béton du parking.

L’officier se lève, claudique jusqu’à l’autre porte du local. Sur le lino gris, entre le bureau de Machebœuf et celui de Gâtebois, se dressent de hautes piles de dossiers aux couleurs administratives. On dirait des tours de cités, s’élevant du macadam, pleines d’histoires superposées, confinées et entassées.

Des feuilles débordent de certains dossiers comme des cris aux fenêtres — des impatiences de réparations de préjudices sur procès-verbal bleu. Il s’écoule aussi des mystères de dépositions roses.

Arrivé à la porte vitrée et grillagée donnant sur le couloir des cellules de garde à vue et la cour du commissariat, Pontoise regarde les fourgons garés dans la nuit. Et derrière un muret, il observe le canal.

Un train passe, les yeux grands ouverts, sur l’autre bord. Le policier se retourne :

— Et vos enfants ? Encore mineurs je suppose…

— Oui.

— … Que vont-ils devenir ? Déjà qu’ils n’ont plus de père, s’ils n’ont plus de mère… Papa passé par la fenêtre et maman en prison, qui va s’occuper de leur éducation ? Parce que attention, menace-t-il du doigt à l’autre bout du bureau, il n’y a pas que votre vie que vous me livrez là. Il y a aussi la leur. Où sont-ils ce soir ?

— Dans leurs chambres.

— Et demain, ils dormiront où ? À la DDASS ?

Le flic se retourne à nouveau vers la porte grillagée. Berger des songes brisés, il entend les trains s’étrangler au loin dans les tunnels et la mère gémir. Le nœud de l’intrigue se serre autour de la gorge du policier. Il se sent la tête prise au collet alors il tente de s’en débarrasser en se retournant et lâchant à la veuve :

— Barrez-vous !Il a dit ça aussi sec qu’on enlève un matou d’une chaise.

— Comment ? fait la criminelle interloquée.

Pontoise revient s’asseoir en face d’elle et coudes sur le bureau, les mains jointes, droit dans les yeux, il précise sa pensée :

— Sauvez-vous malheureuse !

— Quoi ?

— Écoutez madame, je n’ai rien entendu de ce que vous m’avez dit. Rentrez chez vous, au revoir. Je ne vais pas prendre ça sinon vous allez aller au trou et pour longtemps. Allez, partez ! La femme, en face, est stupéfaite.

Le flic s’énerve :

— Mais c’est inouï, ça ! Vous n’avez eu aucune chance avec ce mari, rien, et puis un jour vous le poussez, bon… Mais personne n’a rien vu et la police a été dupe. Alors moi, je dis, putain, vous avez réussi le crime parfait, là…

C’est quand même incroyable, ça ! Et vous venez de votre propre initiative, des années après… Vous avez fait un crime parfait et vous voulez vous constituer prisonnière ? Jamais vu ça de ma carrière !

La femme à l’âme sensible, prise sous une désillusion nouvelle, baisse le front. Pontoise se penche vers elle :

— Vous n’auriez pas dû venir me voir…

Elle lève la tête. Ses lèvres frôlent accidentellement celles, gercées, du policier :

— Monsieur, j’ai cru mourir d’attendre.

Longues peines : roman
Vous qui, sur les talons de Jean Teulé, entrez dans l’univers carcéral, vous allez affronter l’épouvante en riant aux éclats…

Dans la cellule 203, ils sont quatre :

Jacky Coutances, maigrichon et sournois, a probablement tué trois de ses amoureuses dont on n’a jamais retrouvé les corps ;

Sergueï Kazmarek, colosse illettré et irritable, a rendu hémiplégique une jeune mariée dont le futur époux avait eu la mauvaise idée de lui faire une queue de poisson ;

Pierre-Marie Poupineau, pataud et bonhomme, a trop aimé les enfants en général et ses belles-filles en particulier. Elles ont attendu la mort de leur mère pour l’envoyer en prison ;
Et Sébastien Biche, instituteur fragile, a, dans un moment d’épuisement et de folie, tué son bébé en lui cognant la tête contre la cheminée.

Dans la 108, elles sont trois :

Corinne Lemonnier, monstre femelle qui offrait ses neveux et ses nièces aux plaisirs sadiques de son amant ;

Nadège Desiles, qui a tué son bébé à sa naissance par crainte de déplaire à son mari ;

Et Rose Allain, dont tout laisse à penser qu’elle est là par erreur.

Jacky aime Corinne et Corinne aime Jacky. Ils ne se connaissent que par les mensonges amoureux qu’ils échangent en hurlant, chacun collé aux barreaux de leur fenêtre respective.

Kazmarek fait lire et écrire ses lettres d’amour par ses codétenus contre de menus services (comme d’accompagner Poupineau à la douche pour lui éviter de se faire sodomiser, car la prison est dure aux pédophiles).

Sébastien Biche s’étiole en silence.

Nadège Desîles, elle, s’est prise d’affection pour le deuxième barreau de la fenêtre de sa cellule où elle croit reconnaître son mari tant aimé.

Et tout le monde plaint la petite Rose Allain, qui est si mignonne.

Le directeur fou d’amour pour son épouse stérile sombre lentement dans une douce démence alors que, tel un chœur antique, les gardiens commentent et explicitent les lois étranges qui régissent cet enfer.

Et si l’un d’entre eux croit pouvoir franchir la ligne invisible qui sépare ceux qui sont détenus de ceux qui les gardent, il en crève.

Peut-être aurez-vous le sentiment que Jean Teulé a poussé le bouchon un peu trop loin. Que son imagination enfiévrée et son goût immodéré de la provocation l’ont poussé hors du cadre. Que son amour de la phrase enlevée, du mot juste et de la scène explosive l’a fait disjoncter. Sachez simplement que les histoires qui tissent ce roman magnifique sont tirées de faits authentiques.

Note :

Découvert cet auteur par "Je, François Villon",
puis "le magasin des suicides"...
depuis, je suis à l'affut de ses livres (demandés en bibliothèque)...
mais trop impatiente...
j'ai donc acheté "le Montespan" sans perdre de temps.
et bien que connaissant déjà l'histoire, j'ai suivi avec passion le Marquis à la poursuite de sa volage épouse.
passionnant, et d'une écriture pleine de verve et d'humour. Espérons que Teulé va poursuivre dans le genre historique... redécouvrir l'histoire avec lui est vraiment un grand moment de plaisir.

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