mardi 26 août 2008

Eric-Emmanuel Schmitt - l'évangile selon Pilate

L'un de mes auteur favori
site de l'auteur : http://www.eric-emmanuel-schmitt.com/fr/news_fr.php?oesec_id=1


L'Evangile selon Pilate

Le Messie a-t-il été reconnu des siens avant de comprendre lui-même son destin ?
Autour de Yechoua - mauvais charpentier mais homme au verbe sage - l'étau se resserre.
Son cousin, Yohanân le prophète, le reconnaît comme l'élu de Dieu.
Impossible dès lors de fuir la rumeur publique, un cercle de disciples se forme aussitôt et Yechoua, assailli par le vertige, se réfugie dans le désert.
Plongeant brusquement en lui-même, il trouve Dieu, puis se met à douter, effrayé par la prétention de son sentiment.
Sans signe, sans indice et guidé par sa seule intuition, il décide de "faire le pari", retourne auprès de ceux qui l'ont désigné et accepte - sans jamais le revendiquer - son statut, soupçonnant même ses disciples d'être à l'origine des prétendus miracles qui jalonnent son chemin.
Arrêté puis crucifié, il deviendra le pire cauchemar de Pilate, "l'affaire Yechoua", ce cadavre disparu, cette résurrection dont on parle dans les ruelles de Jérusalem.
Éric-Emmanuel Schmitt ajoute à l'intelligence de son propos une écriture élégante et limpide, signant ici un roman lumineux.
Retranscrire à la première personne ce que furent les états d’âme du Christ, ses doutes et ses craintes, c’était déjà une idée globalement stimulante, surtout après un siècle de psychanalyse.
Eric-Emmanuel Schmitt trouva cependant comment ajouter un peu de piment à l’affaire : aux interrogations du Christ succèdent dans le roman celles de Pilate, personnage fascinant dont la fortune artistique et littéraire n’est plus à prouver (qu’on pense entre autres ici au fabuleux Maître et Marguerite de Boulgakov).

Le premier tiers du livre, Confession d’un condamné à mort le soir de son arrestation se présente comme une sorte de prologue où le Christ, Yéchoua, rapporte sa vie.
« Mauvais charpentier » et « mauvais juif », son avenir s’annonce plutôt sombre. Il n’est pas tout à fait un homme comme les autres et peine à s’intégrer parmi les siens, n’ayant que de l’amour à partager.
Il semble constamment perdu et décalé... Sa mère ne l’avait-elle pas mis en garde ? « Mon petit Yéchoua, il ne faut pas trop aimer. Sinon tu vas beaucoup souffrir. »

Si l’on retrouve avec délice des détails quine sont pas contenus dans les quatre Evangiles reconnus par l’Eglise mais dans les Evangiles apocryphes (ainsi en va-t-il des frères de Jésus qui apparaissent à quelques reprises dans le récit du Christ), l’on voit aussi réapparaître un débat qui agita bien des querelles théologiques.
Il s’agit en effet de savoir si Jésus avait conscience de sa messianité ou pas. En clair, savait-il dès sa naissance qu’il était le fils de Dieu ou le découvrit-il au cours de sa vie ?
La lecture d’Eric-Emmanuel Schmitt n’est rien moins qu’amusante et penche dès les premières pages pour une autre solution.
Si Yéchoua soupçonne au début ses disciples de mettre en scène des miracles en son nom et n’est pas convaincu de sa messianité, il finit par effectuer un double pari dont il ne connaîtra le résultat qu’en passant par la croix.
Dans la seconde partie consacrée à l’enquête de Pilate, le roman tourne au polar et au thriller psychologique.
Trois jours après la crucifixion de Yéchoua, au matin de la Pâque, le cadavre a disparu du tombeau et est réapparu vivant. Qui se cache derrière ces machinations ?
Quels sont les buts de Yéchoua et surtout : qui dans cette Palestine enfiévrée par l’occupation romaine pourrait avoir intérêt à faire croire à cette résurrection ?
S’agit-il d’une énigme dont il est possible d’avoir la clef ou l’affaire relève-t-elle tout simplement du mystère ?
La raison romaine se heurte au mystère de la foi chrétienne et le doute s’insinue dans l’esprit de Pilate. Garant de l’ordre romain et imperméable à la « folie juive », détestant Jérusalem et ce soleil brûlant de Judée qui échauffe les esprits, il se doit d’éclaircir l’affaire dont il tient son frère Titus tous les jours au courant par le biais de lettres.
Pour sortir de ce guêpier, une seule solution : retrouver le corps du crucifié - mort ou vif - afin d’étouffer la rumeur qui en fait déjà un ressuscité. Qui, de Hérode, de Joseph d’Arimathie ou de Caïphe a monté cet escamotage ? La tâche est d’autant moins facile que l’épouse de Pilate, la très belle et aristocratique Claudia semble s’être entichée de Yéchoua.

Cette seconde partie, pleine d’humour est donc celle du doute et de la progression (ou de la régression, faites votre choix) de l’esprit vers l’acceptation d’un puissant mystère. Le chemin parcouru par Pilate est le négatif de la relation qui l’unit à son ancien maître stoïcien Cratérios, un philosophe dont les frasques et la crasse créent le scandale.

Pourquoi, croyant ou non-croyant, lire L’évangile de Pilate ?
Parce que c’est drôle et inventif, certes. Parce que ce roman s’inscrit dans une tradition littéraire qui s’est emparée de l’Evangile (« bonne nouvelle » en grec) et de Pilate (se lavant les mains) bien sûr.
Parce qu’en vingt siècles, cette histoire a métamorphosé la vie d’un nombre de personnes qu’on ne compte plus...
Enfin pour lire quelques réflexions audacieuses qui n’effacent pas une grande sincérité et humilité devant ce qui demeure pour les croyants inexplicable.-
http://critiques-ordinaires.ouvaton.org/article.php3?id_article=432

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