samedi 13 septembre 2008

Charles Lewinsky - Melnitz

Rentrée littéraire septembre 2008
littérature étrangère -



Melnitz, c’est la saga de la famille Meijer, une famille juive suisse, de 1871 à 1945 - de la guerre franco-prussienne à la fin de la deuxième guerre mondiale. Un grand roman salué comme le Cent ans de solitude de la tradition yiddish.

En 1871, les Meijer - Salomon le marchand de bestiaux, sa femme Golda, leur fille Mimi, romanesque et coquette, et Hannele, une orpheline qu’ils ont élevée, vivent à Endingen, bourgade helvétique qui fut longtemps l’une des deux seules où les Juifs étaient autorisés à résider.
L’arrivée, impromptue, de Janki, un vague cousin, qui s’installe chez eux, va bouleverser ce petit monde clos.
Il aurait, dit-il, vécu à Paris. Il est beau parleur, hâbleur et ambitieux. Il ouvre à Baden, la ville voisine, un magasin " Aux Tissus de France ", et, épouse Hannele la laborieuse, qui va travailler avec lui avant de fonder son propre magasin, les " Galeries Modernes ".
Mimi épouse Pin’has, le fils du boucher et érudit talmudiste, follement amoureux d’elle et qui le restera toute sa vie.
La famille Meijer a commencé son ascension sociale, quitte peu à peu Endingen pour Baden, puis Zürich.
Entre dans la modernité. Parallèlement, Janki multiplie les efforts pour être admis dans la société suisse, toujours foncièrement antisémite.
Son fils François va finir, dans le même espoir, par se convertir.

Comme toutes les familles, les générations successives de Meijer vivent leurs amours, leurs drames, leurs succès et échecs professionnels, évoluent- y compris sur le plan religieux - en passant du 19ème au 20ème siècle.
Mais leur histoire est profondément marquée par l’Histoire.
Ainsi, pendant la guerre de 14, Zalman, le gendre de Janki, ancien militant syndicaliste aux Etats-Unis, franchit les lignes de front pour aller chercher son fils Ruben, qui étudie dans une Yechiva au fin fond de la Galicie, où avancent les Cosaques. Cependant qu’Alfred, le fils de François, est soldat dans l’armée française et tué en Alsace.

En 1937,

Hillel - petit-fils de Zalman - ardent sioniste qui se prépare à l’émigration en Eretz Israël - se bat, à Zürich, avec les pro-hitlériens du Front National.

Arthur, le plus jeune fils de Janki et Hannele, devenu médecin, soigne gratuitement les enfants juifs réfugiés d’Allemagne, acceptés pour 3 mois en Suisse, et finit par épouser la mère de deux d’entre eux, afin de lui permettre de recevoir un visa d’entrée en Suisse - laquelle a fermé ses portes aux persécutés.

Ruben, devenu rabbin dans une ville allemande, décrit dans ses lettres une situation de plus en plus sombre, mais refuse d’abandonner sa communauté. Il va disparaître, avec sa famille.
1945 : L’Oncle Melnitz est de retour et raconte.
La première phrase du livre prévient : " Après sa mort, il revenait. Toujours. "
Il apparaît aux moments cruciaux auprès de l’un ou l’autre des Meijer pour évoquer des souvenirs, souvent tragiques, du passé, leur rappeler qu’ils ne sont pas des Suisses tout à fait comme les autres.
A présent, lui qui sait tout - Melnitz ou la mémoire - raconte aux Meijer survivants, et à qui veut l’entendre, des événements du passé récent, incroyables, " surtout ici en Suisse où l’on a vécu toutes ces années sur une île "…

Chaque fois que je quitte la Suisse pour me rendre dans ma maison en Franche-Comté, j'aperçois par la fenêtre du train, entre Bâle et Mulhouse, le panneau indiquant que nous passons en gare du petit village de Sierentz.

Et chaque fois, je me promets de descendre du train un de ces jours et d'explorer l'endroit. Je ne l'ai encore jamais fait. Peut-être de peur d'être déçu.

Car c'est à Sierentz que tout a commencé. Y compris, en fait, l'histoire que je raconte dans mon roman.

C'est mon arrière-arrière-grand-père - dont le fils m'a légué mon prénom français - qui, au dix-neuvième siècle, a quitté Sierentz pour s'installer en Suisse.

A cette époque, la chose était devenue possible, car la Suisse venait de signer avec la France un traité de commerce où était stipulé que tous les citoyens français devaient pouvoir s'établir en Suisse librement. Même s'ils étaient juifs.

Et c'est ainsi que mon ancêtre put ouvrir son commerce de tissus dans la petite ville de Baden, tandis que, comme auparavant, ses coreligionnaires helvétiques n'étaient autorisés à résider que dans les deux " villages juifs " : Endingen et Lengnau.

C'est-à-dire là où commence l'histoire de Melnitz

Même si mon aïeul s'y connaissait au moins aussi bien en soieries et crêpe de Chine que mon personnage Janki Meijer, ce roman ne décrit pas pour autant l'histoire de ma propre famille.

Dans les séances de questions suivant des manifestations culturelles, je dois toujours préciser que " Non, mes personnages ne sont pas des oncles déguisés ou des tantes sous un faux nom, ce sont des personnages inventés, bien que placés dans un environnement réel. "

Pour être honnête, ma vraie famille n'a jamais été assez intéressante pour peupler un roman. A l'exception d'un oncle que l'alcool pouvait mener à des comportements très étranges et d'une tante qui, à mes yeux d'enfant, paraissait avoir des dimensions gigantesques, tous ses membres étaient en fait fort insignifiants. A eux tous, ils fourniraient sans doute juste assez de matière pour une nouvelle.

Parfois (et cela me donne toujours mauvaise conscience) j'ai l'impression que les personnages de mon roman sont bien plus proches de moi que ma famille réelle.

Je ne serais pas vraiment surpris de découvrir soudain, dans un vieil album photo, un portrait de Hannele. Elle fixerait l'objectif d'un air sévère et on lirait sur son visage qu'elle considère cette nouvelle mode de photographier à tout bout de champ comme une perte de temps. A ses côtés, Janki, le dos raide, à la militaire, et les deux mains appuyées sur sa canne. Et peut-être qu'à la page suivante surgirait Mimi, la bouche entrouverte pour reprendre sa respiration car, désireuse de faire bonne impression à la postérité, elle a fait serrer bien trop fort son corset, et coiffée d'un chapeau à plumes de cygne noires. Puis à la page d'après…

Un jour, il m'est vraiment arrivé quelque chose de ce genre. Un petit épisode où se sont confondus l'imaginaire et la réalité. J'avais décrit l'inauguration du drapeau d'une association juive de gymnastique et avais imaginé un porte-drapeau en costume Vieille Allemagne, avec une toque et des gants à longs revers, terriblement digne et un brin ridicule.

Et puis, alors que le livre avait déjà paru, je suis tombé sur une photo de la véritable inauguration du drapeau. On y voyait ce porte-drapeau, vêtu exactement comme je l'avais imaginé, et lui aussi légèrement ridicule. Or ce porte-drapeau était mon grand-père !
On raconte que Balzac se perdait régulièrement dans Paris quand il venait de terminer un roman. Parce que les rues nées de son imagination étaient devenues, pour lui, plus réelles que les vraies. Mon cas n'a jamais été aussi grave. Mais si un jour un parent inventé surgit devant moi au détour d'une rue, je le saluerai sans aucun étonnement. "-Charles Lewinsky

Biographie
Né en 1946 à Zurich, Charles Lewinsky a suivi des études de littérature allemande et de théâtre. Il débute son apprentissage de metteur en scène aux côtés de Fritz Kortner.

Tour à tout dramaturge, scénariste, parolier et metteur en scène, il est l'auteur de nombreux spectacles primés.

Son roman Johannistag (bientôt traduit en français) lui vaut le prix de la Fondation Schiller en 2000.

En 2006, son roman Melnitz rencontre un succès public et international. Cette grande saga familiale paraît en France en 2008 chez Grasset dans le cadre de la
rentrée littéraire.

Note :
Lu pas mal de livres sur ce thème, et cette fois encore, je suis attirée par ce genre de livre.
De plus, l'histoire se passe en Suisse, et il ne me semble pas avoir lu beaucoup sur ce pays durant cette période.
Une grande saga familiale... bien longtemps que je n'en avais pas lue.
Impossible de résister.



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