L'enquête menée par la justice espagnole sur les disparus de la Guerre civile pourrait entraîner l'exhumation des restes du poète Federico García Lorca, exécuté en 1936. Laura, petite-nièce du défunt poète, explique pourquoi sa famille a donné son accord.
Les membres de l'Association Espagnole pour la Récupération de la Mémoire Historique exhume les corps des victimes exécutées par les forces de Franco pendant la guerre civile, 14 septembre 2008AFP
La fosse où reposent les restes de Federico García Lorca et de trois autres hommes exécutés pendant la répression à Grenade pourrait bientôt être ouverte.
"Nous n'empêcherons pas le juge Baltasar Garzón d'exhumer les cadavres", a déclaré le 17 septembre Laura García Lorca, nièce du poète.
"Même si nous aimerions que cela ne se fasse pas, nous respectons le désir des autres parties impliquées."
Lorsque les familles de Dióscoro Galindo González et de Francisco Galadí ont demandé au juge Garzón l'exhumation des corps de leurs aïeux, elles ont touché à un aspect plus symbolique de cette tragique histoire.
En effet, le maître d'école et le torero reposent aux côtés de Federico García Lorca.
La famille de ce dernier, qui a toujours refusé que des recherches soient menées pour retrouver sa dépouille, a conscience que l'histoire ne sera plus la même. Le poète grenadin a été fusillé avec Dióscoro Galindo González, Francisco Galadí et un autre torero, Juan Arcolla, qui n'a pas laissé de descendance.
L'exécution a eu lieu le matin du 18 août 1936 près du ravin de Víznar, où gisent également des milliers de personnes assassinées à Grenade pendant la guerre et la dictature.
Les corps des quatre hommes ont été jetés dans une fosse commune. Laura García Lorca a expliqué la position de sa famille et pourquoi elle préfère que la fosse ne soit pas ouverte.
El País : La famille García Lorca est opposée à l'exhumation ?
Laura García Lorca : Nous n'empêcherons pas l'ouverture de la fosse. De quel droit le ferions-nous ? Nous voulons seulement dire nos raisons et pourquoi nous ne voulons pas l'ouvrir, même si nous ne nous y opposerons pas.
Quelles sont vos raisons ?
Il y a entre 1 000 et 3 000 corps dans le ravin. C'est un fait à prendre en compte. Une exhumation partielle changera la nature du vrai cimetière où reposent toutes ces victimes de la même répression. Cet endroit est important. Nous craignons qu'une exhumation partielle crée une différence entre les uns et les autres.
Aujourd'hui, tous reposent dans le même cimetière, tous ont été assassinés de la même façon barbare et cruelle. C'est la tombe définitive de notre aïeul, dans ce ravin et en compagnie de ces gens. Nous ne voulons pas qu'il ait un sort particulier. Il doit reposer là, un nom de plus parmi les autres, dans l'ordre alphabétique.
Mais votre oncle a une énorme valeur symbolique dans le monde entier.
C'est vrai. Mais nous pensons que tout le monde connaît les circonstances de sa mort. Des doutes subsistent néanmoins. Certains se demandent s'il est vraiment là. C'est une idée absurde et invraisemblable. Il serait incroyable que ce soit le cas et que nous ne le sachions pas.
Quelle est votre plus grande crainte par rapport à l'exhumation ? Que tout cela se transforme en spectacle. S'il faut en passer par là, nous voulons que ce soit fait avec beaucoup de respect, de manière privée, dans l'intimité.
Si les autres corps sont enlevés, laisserez-vous celui de Federico ? Oui. Nous aimerions qu'il reste là et que sa célébrité serve à préserver cet endroit comme cimetière. Nous éviterions ainsi que les autres victimes tombent dans l'oubli. Ouvrir une tombe change les choses. Nous aimerions les laisser telles qu'elles sont. Nous voulons le laisser là. Il est mort ainsi, on l'a tué de cette façon, et il est important qu'il reste à cet endroit. Changer un lieu de sépulture cause beaucoup d'inquiétudes. En ce qui nous concerne, cela ne fermera pas nos blessures.
Beaucoup disent que votre famille s'est comportée de façon despotique en s'opposant à l'exhumation. Vous êtes-vous sentis attaqués ou incompris ?
Nous avons simplement dit ce que nous pensions. Ce que nous souhaitions. Mais nous n'avons jamais mis d'obstacles aux recherches, y compris les plus poussées.
Nous avons créé une fondation pour éclaircir les choses, pour savoir et pour mettre tous les documents à la disposition du public, des étudiants et des chercheurs.
Nous respectons les sentiments de chacun et, bien entendu, nous respectons la loi.
Jesus Ruiz Mantilla - El País
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=89501
Jesus Ruiz Mantilla - El País
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