littérature chinoise : nouvelles
Shanghai, cité de la Poussière Rouge. Dans cet ensemble composé de maisons shikumen – maisons traditionnelles shangaïennes – les habitants aiment se réunir dans l’une des allées pour leur « conversation du soir ».
Lors de ces rencontres se tissent les histoires qui composent ce recueil.
Les narrateurs appartiennent à différentes catégories sociales, s'expriment dans diverses tonalités, et leurs récits se rattachent de près ou de loin à la cité.
Toutes les nouvelles sont donc reliées entre elles. L'unité du recueil ne repose pas seulement sur celle du lieu, mais aussi sur l'interpénétration des récits et sur le déroulement chronologique.
L’ensemble couvre plus de cinquante ans, de la prise de pouvoir du Parti communiste en 1949 jusqu'à l’actuel « socialisme à la chinoise », en passant par la « révolution et la construction socialistes » sous Mao, le désastre de la Révolution Culturelle, puis la réforme économique de Deng Xiaoping.
Chaque nouvelle s’inscrit dans les événements politiques et sociaux, et un extrait du « bulletin d’information de la Poussière Rouge », un affichage de quartier qui résume les événements de l'année, fournit le cadre historique et politique essentiel.
Revue de presse : http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/09/05/cite-de-la-poussiere-rouge-de-qiu-xiaolong_1091887_3260.html?xtor=RSS-3260
Que s'est-il passé en Chine entre octobre 1949 quand le président Mao a proclamé la fondation de la République populaire et les Jeux olympiques de Pékin en 2008 ?
Quantité d'ouvrages ont déjà tenté de répondre à cette vaste question. Le livre de Qiu Xiaolong donne une vision panoramique plutôt convaincante de l'histoire de la société chinoise au cours de la deuxième moitié du XXe siècle.
Les vingt-quatre récits qui constituent la Cité de la Poussière rouge - dont une grande partie a été publiée cet été en feuilleton dans Le Monde -, évoquent ainsi le destin de quelques habitants d'un quartier populaire de Shanghaï entre ces deux dates.
Chacun est précédé d'un communiqué résumant en quelques lignes la situation politique et économique de la Chine pour l'année concernée.
Ainsi en 1995,
au moment où "le Comité central du Parti a adopté la proposition de poursuivre la réforme économique à travers la transformation de l'économie planifiée traditionnelle en économie socialiste de marché", intervient l'histoire de Vieux Fang le Bossu, ancien ouvrier des aciéries qui, au temps de la révolution culturelle a mené avec un zèle redoutable la guerre contre les "suppôts du capitalisme pourri".
Il n'a manifestement pas compris que la société a changé et reste imperméable aux subtilités de "l'économie socialiste de marché", il continue de poursuivre de sa hargne vengeresse les marchands ambulants de plus en plus nombreux et dont la présence est désormais encouragée par les autorités au même titre que toutes les initiatives privées.
D'ailleurs que pourrait-il faire d'autre puisque les entreprises d'Etat comme l'aciérie où il travaillait peuvent se déclarer en faillite et ne plus assurer les retraites de leurs anciens ouvriers ?
Vieux Fang finira par vivre misérablement aux crochets de ceux qu'il a autrefois pourfendus.
Les personnages de Qiu Xiaolong sont d'autant plus émouvants que l'on retrouve dans leurs mésaventures l'écho de sa propre histoire comme cet épisode où un fils doit aider son père malade à rester debout pendant des heures, portant au cou une pancarte qui stigmatise ses crimes.
Né en 1953 à Shanghaï, Qiu Xiaolong s'est vu interdire d'école pendant plusieurs années parce que son père, propriétaire d'une petite entreprise, était considéré pendant la révolution culturelle comme un droitier contre-révolutionnaire.
Ayant appris l'anglais plus ou moins seul, il s'intéresse particulièrement à la littérature américaine, rédige un mémoire sur T. S. Eliot et se trouve d'ailleurs dans la ville natale du poète américain à Saint Louis quand se produisent les événements de la place Tiananmen.
Depuis il vit et enseigne aux Etats-Unis, où il s'est fait connaître par une série de romans policiers mettant en scène les tribulations de l'inspecteur Chen Cao empêtré dans les contradictions de la société chinoise d'après-Mao.
Dans cette société, où le parti entend tout régenter tout en encourageant les initiatives économiques les plus sauvages, ces contradictions ne manquent pas.
Dans Cité de la Poussière rouge, elles se ramènent la plupart du temps à l'opposition entre deux sortes d'individus, les opportunistes comme ces déserteurs partis à Taïwan pendant la guerre de Corée et qui reviennent, fortune faite, pour être accueillis en héros, et les idéalistes qui ont cru faire preuve de loyauté à l'égard du parti alors qu'ils ont été simplement manipulés.
En confrontant le discours politique officiel à sa traduction concrète dans la vie des gens ordinaires, Qiu Xiaolong se livre à un décryptage cruel de la langue de bois employée par les dirigeants chinois, aussi efficace que bien des pamphlets. - Gérard Meudal
chic, un nouveau Qiu Xiaolong...
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voir les autres nouveautés chez l'éditeur : http://www.lianalevi.fr/litterature/litterature.htm
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