rentrée littéraire septembre 2008littérature étrangère - italie
En cette matinée du 11 septembre 2001, il y a, dans la main de Keith, masqué de cendres, criblé d'éclats de verre et revenu d'entre les morts dans l'appartement de son ex-femme, Lianne, une mallette qui ne lui appartient pas et que sa main de rescapé serre, mécaniquement, de toutes ses forces.
Tandis que Keith se rapproche et s'éloigne d'une autre femme rencontrée dans l'enfer des tours, avant de décider de finir sa vie assis devant une table de jeu dans le désert de Las Vegas, Lianne dérive entre l'inquiétude que lui causent l'attitude farouche et réticente de son propre fils, l'atelier d'écriture pour malades d'alzheimer dont elle a la charge, l'Homme qui Tombe, ce performeur que la police traque, la santé de sa mère qui vit depuis des années une incompréhensible liaison avec un mystérieux Européen, marchand d'art toujours entre deux avions, entre deux univers...
Affrontant, avec les seules armes de son art, un monde en morceaux dont la représentation s'est perdue avec les attentats du 11 Septembre, Don DeLillo donne à voir les ressorts brisés de la belle machine humaine - psychisme, langage et corps impuissant confondus.
Voyage au cœur de l'ADN de notre histoire commune, exploration magistrale des effets et des causes d'une catastrophe, ce roman fraye le chemin d'une catharsis qui autorise à regarder en face le Mal dans tous ses inévitables et fulgurants avènements.
Un homme qui tombe n'est pas un homme à terre. C'est un projectile du destin dans une parenthèse fulgurante.
Don DeLillo s'immisce dans cet entre-deux pour une lévitation apocalyptique.
De la catastrophe du 11 septembre 2001, il tire une conclusion acrobatique : New York est aujourd'hui peuplée d'électrons en chute libre. Alors DeLillo regarde les hommes tomber.
Ce n'est pas la première fois qu'il s'intéresse ainsi au combat de l'être avec son centre de gravité.
Depuis son premier roman, Americana (1), envoûtant « road novel » sur la dégringolade intérieure d'un apprenti cinéaste, la chute est même l'un de ses thèmes de prédilection.
DeLillo a toujours eu le sens de l'apesanteur inquiète, mais, jusqu'à présent, il voltigeait dans des cieux oxygénés, arrimé à des héros d'une solide indépendance, experts en monologues flamboyants.
Cette fois, il tire un rideau de brume sur ses personnages, errants fantomatiques qui mêlent leurs solitudes jusqu'à former d'épais magmas d'anonymat.
Comme autant de gouttes de pluie incapables d'exister par elles-mêmes, ces individualités en perdition obscurcissent l'horizon au lieu de le dégager.
Il y a le mari, Keith, la femme, Lianne, l'enfant, Justin. Pour avoir vécu aux premières loges l'effondrement des tours jumelles, tous sont liés par une solidarité anéantissante. L'amour qui les soudait s'est volatilisé dans la « pluie de cendres » de l'attentat.
Désormais, ils ne peuvent plus connaître l'« allégresse contenue », le « chuchotement de révélation à soi-même », et vivent hébétés.
Se souvenir ?
La mémoire prend des formes curieuses : réduite à l'état d'objet (un sac trouvé dans les décombres, qu'une victime essaie de restituer à son propriétaire) ou de nom déformé (dans la bouche des enfants, Ben Laden est devenu Bill Lawton), elle se contorsionne en vain sur les cahiers des patients d'un atelier d'écriture thérapeutique.
Oublier ? Impossible quand la violence de l'attentat propulse des éclats de chair humaine (des « shrapnels organiques ») dans le corps des survivants, jusqu'à les transformer en mosaïques de réincarnations des morts.
Alors chacun s'absente de lui-même, avec l'impression « d'être une jupe et un chemisier sans corps », se surprenant « à penser non pas en unités claires, dures, reliées, mais à seulement absorber ce qui vient, sortant les choses du temps et de la mémoire, pour les lâcher dans un espace sombre ».
Absurde, insécure, joueuse, glissante, la langue de Don DeLillo est fidèle à sa légende.
On retrouve, dans ses dialogues brefs et lancinants, la désolation beckettienne qui a toujours imprégné ses romans. Mais L'Homme qui tombe a aussi la suavité abasourdie d'Hiroshima mon amour, de Duras.
Depuis le 11 septembre 2001, Don DeLillo n'a rien vu à New York. Tout est resté en suspens, comme un souffle retenu.
(1) Americana est l'un des six romans regroupés dans le tome I des OEuvres romanesques de DeLillo, qui vient de sortir chez Actes Sud.-Marine LandrotTelerama n° 3039
L’Homme qui tombe n’est pas un texte facile à lire car l’écriture est cérébrale et l’émotion peu présente ; DeLillo n’est pas un auteur grand public et rentrer dans son œuvre demande de la concentration, mais une fois l’effort fait, c’est là qu’on vérifie à nouveau que le concept de littérature prend tout son sens : quand le pouvoir du romanesque permet d’aller bien plus loin que tous les ouvrages de géopolitique ou articles spécialisés.-http://www.deficulturel.net/modules/news/article.php?storyid=68367
Biographie
Don DeLillo (né en 1936 à New York) est un écrivain américain.
Auteur de nouvelles, de pièces de théâtre, des scénarios, et d'articles, il est surtout célèbre pour ses romans.
Personnalité discrète, mais moins secrète que Thomas Pynchon avec lequel on le compare parfois, Don DeLillo est volontiers associé au courant post-moderne, mais il ne se réclame pas lui-même de cette appellation.
Son oeuvre, d'une construction souvent complexe et d'une virtuosité stylistique incontestée, est parcourue par un certain nombre de thèmes récurrents tels que l'angoisse de la mort, et la fascination pour l'image, le film et le langage.
Bien que certains lui reprochent une forme d'obscurité ou un manque de puissance émotionnelle, Don Delillo a été l'objet de nombreux éloges. L'influent critique Harold Bloom écrit ainsi qu'il s'agit à sa connaissance de l'un des quatre seuls romanciers américains à être digne d'éloge, avec Thomas Pynchon, Philip Roth et Cormac McCarthy.
Don DeLillo est né dans le Bronx en 1936 de parents émigrés italiens.
Dans les interviews qu'il a accordé,
il revient assez souvent sur l'importance qu'a pu avoir le catholicisme sur sa sensibilité intellectuelle et artistique. Il rapproche ainsi les rituels catholiques de son intérêt pour la religion qu'il décrit comme « une discipline et un spectacle, une chose conduisant les gens à un comportement extrême. Noble, violente, déprimante, belle ».
Étudiant à l'université jésuite Fordham, il n'étudie « pas grand chose », se spécialise en « arts de la communication », puis prend un travail dans la publicité, faute d'avoir trouvé quelque chose dans l'édition. Cinq ans plus tard, il quitte ce poste, sans raison dit-il seulement parce qu'il ne voulait plus travailler.
En 1971 parait son premier roman, Americana.
Ce roman est en quelque sorte le voyage spirituel de David Bell, jeune et beau cadre de télévision, apparemment promis à un brillant avenir. À l'occasion d'un voyage professionnel au coeur de l'Amérique, il en vient à mener un quête de soi, en même temps qu'il entreprend de créer une oeuvre cinématographique d'une infine complexité. Dans ce roman, Don DeLillo utilise son expérience personnelle, bien davantage qu'il ne le fera dans ses romans ultérieurs. - wikipédia
Auteur de quinze romans et de deux pièces de théâtre,
Don DeLillo s'est aujourd'hui imposé comme un véritable culte sur le plan international.
Il a obtenu les distinctions littéraires les plus prestigieuses dont The National Book Award,
The PEN / Faulkner Award, pour l'ensemble de son œuvre,
The Jerusalem Prize 1999.
En France, toute son œuvre est disponible chez Actes Sud : Les Noms (1990 et Babel n°874),
Chien galeux (1991 et Babel n° 84),
Americana (1992 et Babel n° 420
Mao II (1992 et Babel n° 512), Joueurs (1993 et Babel n° 563),
L'Etoile de Ratner (1996),
Bruit de fond (Babel n° 371),
Outremonde (1999 et Babel n° 580),
Libra (Babel n° 461),
Body Art (2001 et Babel n° 603),
Cosmopolis (2003 et Babel n°674),
ainsi que les pièces de théâtre Valparaiso (Actes Sud-Papiers, 2001) et Cœur-saignant-d'amour (Actes Sud-Papiers, 2006).
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Note :
Me gène un peu que l'on fasse oeuvre de fiction avec cet évènement...
de toute façon, trop cérébral et culturel pour moi...
de très bonnes critiques des "milieux dit autorisés"...
mais lu tout autre chose sur pas mal de blogs de lecteurs... jugé plutôt ennuyeux.
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