mardi 2 septembre 2008

Le concept de "rentrée littéraire" (et panorama des tendances de la rentrée 2008)

petit passage sur le buzz-littéraire


C'est l'évènement littéraire de l'année, celui dont il faut être, celui dont il faut parler, « une maladie française qu’il ne faut surtout pas soigner.», selon la formule de Mister Beigbeder*, avec ses statistiques (676 pour le millésime automne 2008, en légère baisse), ses stars, ses oublié(e)s, ses polémiques, spéculations, stratégies, ceux dont on parle trop ou pas assez, ceux dont on ne se souviendra plus le mois ou l'année d'après, ceux qui marqueront peut-être l'histoire littéraire...
Hérésie ou moment béni: dans tous les cas on ne peut pas y couper !
Premier constat : la rentrée littéraire de septembre commence de plus en plus tôt.
Désormais il n'est pas rare d'entendre dés les mois de mai-juin, les premiers "bruits" sur ce qui devrait faire l'évènement de la rentrée, qui publiera quoi et quand...
Histoire de nous mettre dans l'ambiance avant l'ambiance, faire monter la pression sur cette actualité qui doit éclipser tout le reste et ce, avant même que son heure n'ait sonné !
Hors de la rentrée littéraire, point de salut !
Les premières avant (-avant-avant-...) critiques arrivent aussi de plus en plus tôt.
Une véritable course-marathon s'engage, chaque fois plus en avance, pour nous bassiner présenter la rentrée alors que l'on ne rêve que de rattraper le retard déjà accumulé dans ses lectures d'hier et d'aujourd'hui.
La mi-août arrive et on a déjà la sensation que la rentrée littéraire de septembre bat son plein (voire que la messe est dite !)...
On essaie pourtant héroïquement de s'en tenir à ses "vieilleries" ("Oui je le finirai mon Anna Karénine !") qu'on avait soigneusement préparées pour les vacances, en tentant d'ignorer les Unes des journaux qui vous narguent à chaque kiosque ("Je suis en vacances, arrêtez de me parler de rentrée, rha !"), de ne pas se laisser envahir par cette culpabilité voire cette angoisse de ne pas lire ce qu'il faudrait lire, d'accumuler un retard massif...
Pourtant je résiste aux sirènes : la rentrée littéraire de septembre ne passera pas par moi avant septembre. Non mais !
Mais quel est l'enjeu, le but d'une "rentrée littéraire" ? Mmh, bonne question.
C'est l'effet "coup de projecteur" dont tout le monde vante les mérites. Une occasion unique de pouvoir dans l'année, attirer l'attention sur le parent pauvre de la culture, la littérature. Problème: le projecteur n'a qu'une zone d'éclairage limitée et face à la profusion, on ne retiendra au final qu'un petit nombre d'heureux élus tandis que les noyés dans la masse resteront hélas dans l'ombre, à tort ou à raison (?)... Injustice inacceptable ou loi darwinienne bien naturelle et nécessaire ? Je penche pour la seconde...
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Reste à faire le bon tri. Et c'est là que cela se complique...
Faut-il faire confiance aux critiques littéraires de la presse, à ses amis, sa famille, son libraire, aux blogueurs littéraires ? (ne comptez-pas sur moi pour vous donner la réponse, hein !).
Chacun tente de parier sur les bons auteurs, de dénicher la perle rare, "la révélation de la rentrée littéraire", quitte à estampiller de chef d'œuvre n'importe quel roman qui aurait été seulement "correct" en temps normal.
Dans le feu de l'actualité, difficile d'avoir le recul nécessaire pour vraiment j(a)uger de la valeur d'une œuvre (avec toute la subjectivité et relativité que cela implique bien entendu) même si cela n'exclut pas le coup de cœur.
L'exercice reste ardu et ne manque pas de faire apparaître des décalages entre appréciation critique et publique. On se souvient l'an passé, de l'encensement tous azimuts d'Eric Reinhardt pour "Cendrillon", passablement boudé, (si je ne m'abuse), par les lecteurs (et qui a tenté de se relancer par la suite à travers l'affaire Kerviel).
Régis Jauffret et son "Lacrimosa" sera-t-il le Eric Reinhardt de la rentrée 2008 ? Mmh... je ne me risquerai à aucun pronostic mais un léger pressentiment m'étreint...
On pourrait distinguer en quelque sorte deux écoles dans ce "tri":
ceux qui se laisseront appâter par les "têtes de gondole" valeurs sûres (Nothomb, Rolin, Angot, Gaudé, Khadra, Dubois, Jauffret, Fleischer, Echenoz...) et ceux qui au contraire les éviteront "par principe".
Cette deuxième école considère en général que toute publication estampillée "Galligrasseuil" ne mérite pas ou (n'a pas besoin) d'être lue.
Ce sont un peu les alter-lecteurs, ceux qui vantent, parfois un peu pompeusement, les mérites de toute une myriade d'auteurs tous plus inconnus les uns que les autres, mais "géniaux" parce que justement méconnus et surtout parce qu'émanant d'une "petite-maison-d'édition-indépendante" (la panacée).
Les auteurs dits confidentiels ont-ils plus de talent que ceux qui sont connus et/ou médiatisés ? Les pauvres sont-ils plus gentils et plus honnêtes que les riches (oui répondront en cœur Anna Gavalda et Muriel Barbery) ?...
Ce type de raisonnement me laisse toujours perplexe, moi qui ne prête jamais attention à l'éditeur qui se cache derrière un roman que je repère...
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Mon seul critère pour décider de lire un roman c'est l'envie (motivée par le style, l'histoire, les thèmes ou éventuellement mais vraiment pas systématiquement l'auteur...), what else ?
Mais je cultive toujours une grande méfiance face aux nouveautés et ne suis guère amateur de prise de risques en la matière.Je débute, par exemple, rarement la découverte d'un auteur par son dernier opus paru à la rentrée (ou à un autre moment d'ailleurs). Je préfère toujours l'aborder par une œuvre "reconnue" afin d'éviter de rater ma "rencontre" avec cet auteur.
Et c'est ce que je reproche un peu aux critiques qui font des éloges parfois disproportionnés de certaines œuvres mineures, parce que tenant en haute estime l'auteur, ce qui peut conduire à décevoir certains lecteurs qui ne connaîtraient pas l'auteur en question et les rebuter à poursuivre avec le "bon livre" cette fois... J'aime aussi attendre en général qu'un livre émerge vraiment de la masse, qu'il s'impose (parce que recommandation répétée, etc) et/ou qu'il corresponde à ma sensibilité littéraire.
Ce qui ne semble pas être le cas cette année...
Comme me le disait l'écrivain Bénédicte Martin lors d'une interview, il me faut être vraiment "draguée" par le livre en question. Je ne suis pas de ces lecteurs/lectrices boulimiques (et que j'admire au passage !) capables d'ingurgiter un peu de tout (et de s'en régaler !), à la chaîne.
Qui dit "tri" dit "décryptage" et "tendances"... [Alexandra]
(Deuxième partie à suivre prochainement)
*Cette année, Frédéric Beigbeder fait d'ailleurs un éloge appuyé de cette "folie collective", avec parmi ses premiers coups de cœur "Faux père" de Philippe Vilain, "Les pieds dans l'eau" de Benoît Duteurtre, "Le juif et la métisse" de Fabrice Pliskin, "Où on va, papa ?" de Jean-Louis Fournier, "Les accommodements raisonnables" de JP Dubois, "Ce que nous avons eu de meilleur" de Jean-Paul Enthoven, il n'a pas chomé !

Note :
pas de photos dans l'article...
celles choisies ici, sont simplement pour mon plaisir.
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